Histoire des France-Allemagne (1) : des nazis dans les tribunes

Publié le 5 février 2012 - Bruno Colombari - 2

Sorte de derby du Rhin chargé d’une histoire écrasante, France-Allemagne a connu plusieurs visages. La première partie nous amène de Colombes, en 1931, à Marseille en 1968.

4 minutes de lecture

L’histoire des France-Allemagne a quatre-vingts ans, mais il faut la découper en trois périodes distinctes. La première va de 1931 à 1937, époque où l’Allemagne était encore unie. Après guerre, la République fédérale allemande (RFA) aligne une sélection dès 1949, mais ne peut participer à la coupe du monde 1950. Cette sélection jouera jusqu’en 1990. A partir d’octobre de cette année, et la réunification de l’Allemagne, la sélection englobera les joueurs de l’Est comme de l’Ouest.

La première partie de l’histoire des France-Allemagne couvre la période qui va de 1931 à 1968, et qui représente onze des trente confrontations de l’histoire.

Au Parc, salut nazi contre Marseillaise

Il aura donc fallu attendre le 15 mars 1931 pour assister au premier France-Allemagne de l’histoire, alors qu’une sélection allemande existait depuis 1908. Ce premier match, disputé à Colombes, a été suivi par 15 000 Allemands (et par 25000 Français) et s’est joué dans un très bon état d’esprit, alors que la crise économique va provoquer l’effondrement de la république de Weimar. Les Bleus l’emportent (1-0) sur un coup de chance, l’arrière Münzenberg détournant dans ses buts une passe d’Edmond Delfour.

Deux ans plus tard, le 19 mars 1933, Adolf Hitler vient d’accéder au pouvoir et les Nazis sont majoritaires au Reichtag. A Berlin, les Bleus font mieux que se défendre, ouvrent le score par Roger Rio, encaissent trois buts mais reviennent au courage par un doublé en deux minutes du Montpelliérain René Gérard, qui n’avait pas encore 19 ans (3-3).

En 1935, ce sont les Allemands qui se déplacent au Parc des Princes dans une ambiance détestable : aux supporters français qui entonnent la Marseillaise, les Allemands font le salut nazi. Sur le terrain, les Bleus n’y sont pas et sont rapidement menés au score, d’autant que l’ailier droit Aimé Nuic se blesse et laisse la place à l’avant-centre Jean Sécember. A 0-2, les Français réagissent enfin grâce à un but de Duhart, mais malgré une grosse domination dans la dernière demi-heure, ils se font prendre en contre et subissent leur première défaite (1-3).

Deux ans plus tard, le stade Adolf-Hitler de Stuttgart est rempli de SS et les Bleus (qui alignent le défenseur noir Raoul Diagne) n’ont pas de chance : ils trouvent deux fois le poteau alors que les Allemands jouent en contre et ne laissent passer aucune occasion (0-4). Le score, lourd, ne reflète pas la physionomie du match. Mais le réalisme allemand se fait à nouveau sentir.

Où les Bleus sont meilleurs que les champions du monde

Il faudra attendre quinze ans avant de voir un nouveau match entre les deux voisins rhénans. Le 5 octobre 1952 à Colombes, ce n’est d’ailleurs plus la sélection allemande mais l’équipe de la RFA que les Bleus accueillent. Et ils l’emportent (3-1) avec plusieurs nouveaux, dont Joseph Ujlaki, Armand Penverne et un certain Raymond Kopa.


 

Le rendez-vous suivant est beaucoup plus proche, mais beaucoup de choses se sont passées entre temps : lorsque l’équipe de France arrive à Hanovre le 16 octobre 1954, la RFA est championne du monde. Quatre mois plus tôt, en Suisse, les coéquipiers de Uwe Seeler avaient en effet triomphé en finale de la meilleure équipe de l’époque, la Hongrie. Une victoire entachée de soupçons de dopage, car à l’automne, plusieurs internationaux allemands sont forfaits pour cause de jaunisse... Les Bleus alignent le vétéran Larbi Ben Barek, quarante ans et quatre mois, mais ce dernier se blesse et son remplaçant, Jacques Foix, intercepte une passe en retrait à la demi-heure de jeu, imité juste après par Jean Vincent. Kopa donnera à Foix la balle du 3-0, avant que les Allemands ne sauvent l’honneur dans le dernier quart d’heure (3-1).

Où Fontaine s’offre un quadruplé

Pour la première fois, à Göteborg le 28 juin 1958, un France-Allemagne se joue avec un enjeu, même si ce n’est que la troisième place de la coupe du monde. Pour les champions sortants, c’est le match en trop, d’autant que le gardien remplaçant Kwiatkowski fait une journée portes ouvertes. Et comme en face il y a l’attaque prolifique tricolore avec Kopa et Wisniewski à la passe et Fontaine (quatre buts) à la conclusion, la rencontre se termine sur un score de tennis : 6-3 !


 

La revanche ne tarde pas : quatre mois plus tard à Colombes, Français et Allemands se retrouvent. Sans Kopa, remplacé par Deladerriere, les Bleus souffrent pour accrocher un nul (2-2) grâce à un pénalty de Douis. Le gardien Dominique Colonna est remplacé au bout d’une demi-heure par Claude Abbès.


 

Où Beckenbauer nous fait des misères

Avec quatre victoires et deux nuls pour ses huit premiers matches, l’équipe de France a largement le dessus. Ça ne va pas durer. Pendant la triste décennie des années soixante, les Bleus vont rencontrer trois fois la RFA, toujours en amical. C’est plutôt bien le 24 octobre 1962 à Stuttgart où, privée de Kopa, l’équipe de France mène 2-0 à la mi-temps et croit pouvoir refaire le coup de 1954. Mais un piètre Georges Lamia dans les buts permet aux Allemands de revenir au score en fin de rencontre (2-2).

Cinq ans plus tard, à Berlin, les Bleus coulent à pic face à une équipe allemande qui compte dans ses rangs Franz Beckenbauer et Sepp Maier. Sans oublier Gerd Müller, qui remplace le Kaiser pour marquer le cinquième but d’une éclatante victoire (5-1) facilitée par l’expulsion en première mi-temps de Robert Péri suite à une simulation de Beckenbauer.

Le 25 septembre 1968, après une piteuse coupe d’Europe des Nations, l’équipe de France tente de prendre sa revanche à Marseille. Elle ne joue pas mal, bouscule les vice-champions du monde et croit même pouvoir les battre après l’ouverture du score par Bernard Bosquier, mais plie sur une action de Gerd Müller repoussée par Carnus et transformée par Overath (1-1). Six mois plus tard, le sélectionneur Louis Dugauguez démissionnera.

Les 10 matchs entre 1931 et 1967

# Genre date lieu adversaire scorebuteurs
311 Amical 27/09/1967 Berlin Allemagne 1-5 Bosquier
277 Amical 24/10/1962 Stuttgart Allemagne 2-2 Stako, Goujon
249 Amical 26/10/1958 Colombes Allemagne 2-2 Deladerière, Douis
246 CM 3pl 28/06/1958 Göteborg* Allemagne 6-3 Fontaine 4, Kopa, Douis
218 Amical 16/10/1954 Hanovre Allemagne 3-1 Foix 2, Vincent
201 Amical 05/10/1952 Colombes Allemagne 3-1 Ujlaki, Cisowski, Strappe
140 Amical 21/03/1937 Stuttgart Allemagne 0-4
129 Amical 17/03/1935 Paris (Parc) Allemagne 1-3 Duhart
114 Amical 19/03/1933 Berlin Allemagne 3-3 Rio, Gérard 2
103 Amical 15/03/1931 Colombes Allemagne 1-0 Münzenberg (csc)

A suivre...

Portfolio

Vos commentaires

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Vos articles inédits