1956, une année dans le siècle

Publié le 26 janvier 2016 - Bruno Colombari

Nasser, Bardot, Khrouchtchev, Mimoun, mais aussi les débuts de Rachid Mekhloufi, la dernière sortie de la grande équipe de Hongrie et le quintuplé de Thadée Cisowski : 1956, année nostalgique.

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Le contexte historique

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A Alger le 6 février, le tout nouveau président du Conseil Guy Mollet est accueilli par des jets de tomates. Le 24 février, Nikita Khrouchtchev abat le stalinisme devant le XXe Congrès du PCUS. C’est un séisme sans précédent dans l’histoire soviétique.

Le 26 juillet, Gamal Abdel Nasser, le président égyptien, nationalise le Canal de Suez et déclenche une crise internationale avec Israël, la France et le Royaume-Uni. Le 22 octobre, le détournement par les autorités françaises d’un avion transportant cinq dirigeants du FLN marque un tournant dans la guerre d’Algérie.

A Budapest, Imre Nagy revient au pouvoir et annonce la séparation avec l’URSS. Le 4 novembre, l’Armée Rouge envahit la Hongrie et met fin à l’insurrection. Au cinéma sortent Et Dieu créa la femme (de Roger Vadim) qui révèle Brigitte Bardot, ainsi que La Prisonnière du désert de John Ford avec John Wayne.

Le contexte sportif

Les Jeux Olympiques de Melbourne sont les premiers à se jouer dans l’hémisphère sud. Ils accueillent 67 nations et sont boycottés par l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse. Alain Mimoun remporte le marathon. Roger Walkowiak triomphe au Tour de France après une échappée de 19 minutes entre Lorient et Angers.

La première Coupe d’Europe des clubs champions est remportée par le Real Madrid devant le Stade de Reims de Raymond Kopa (4-3) qui a pourtant mené 2-0 puis 3-2.

Le sélectionneur en poste

Nommé entraîneur de l’équipe de France en 1955 par Paul Nicolas, directeur du comité de sélection, Albert Batteux emmène le Stade de Reims en finale de la première coupe d’Europe des clubs champions. Il s’occupe donc de l’équipe de France à temps partiel, ce qui, en 1956, n’est pas trop contraignant : il n’y a que cinq matches programmés dans l’année, dont seulement un en compétition. Il allait toutefois devoir gérer l’absence de Raymond Kopa, transféré pendant l’été au Real Madrid et qui sera retenu en club jusqu’à la coupe du monde en Suède.

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Le récit de l’année

Le premier match de 1956, le 15 février à Bologne, n’aurait jamais dû avoir lieu. Un froid épouvantable tombe sur l’Europe cet hiver-là (les oliviers gèlent sur pied) et la température au coup d’envoi atteint péniblement les - 8°C. Le terrain du stadio Communale de Bologne est évidemment impraticable, mais le match se joue quand même. Les Italiens remportent le concours de patinage artistique (2-0) après avoir bricolé leurs crampons à la pause pour mieux accrocher la glace.

Le 25 mars contre l’Autriche à Colombes, l’équipe de France est privée de Kopa et de Cisowski. Embêtant, mais pas au point de caler contre une équipe qui n’est plus que l’ombre de celle qui s’illustra dans les années 30. Michel Leblond et Jean Vincent avaient donné deux buts d’avance à la sélection nationale après une demi-heure, et Roger Piantoni avait assuré la victoire après un but de Hannapi (3-1) avant de voir un pénalty arrêté par le gardien autrichien.

C’est une autre ex-grande d’Europe centrale qui arrive à Colombes début octobre. La Hongrie vice-championne du monde 1954, et officiellement meilleure équipe du monde en activité avait commencé son déclin. Mais elle alignait encore le gardien Grosics, le milieu Hidegkuti et les attaquants Kocsis, Czibor et Puskas. La marche était un peu haute pour des Bleus privés de Kopa, qui parvenaient à égaliser par Cisowski sur une faute technique de Grosics, mais qui s’inclinaient logiquement à quatre minutes de la fin sur un but de la tête de Kocsis (1-2). Deux semaines plus tard, le soulèvement de Budapest et l’intervention soviétique mettront un terme à ce qui fut une des plus belles équipes de tous les temps.

L’ironie de l’Histoire veut que l’adversaire suivant soit l’URSS, avec dans les buts celui qui deviendrait l’immense Lev Yachine. Cette équipe-là n’atteindrait son apogée que dans les années 60, et elle est littéralement bombardée par l’équipe de France qui tire au but pas moins de 25 fois. Joseph Tellechea finit par trouver l’ouverture juste après la mi-temps, et Vincent double la mise huit minutes plus tard. On croit que le match est plié, mais Isayev s’échappe et réduit le score peu après l’heure de jeu et les Soviétiques tentent le tout pour le tout, mais les hommes d’Albert Batteux tiennent bon et décrochent une victoire prometteuse (2-1).

Le 11 novembre, c’était encore un France-Belgique, mais celui-là était décisif : c’était la première des quatre parties qualificatives pour le Mondial en Suède. Pour Thadée Cisowski, ce jour-là allait être le sommet de sa carrière : l’ancien mineur de fond est en réussite totale, marque deux fois dans le premier quart d’heure (13e, 15e). C’est portes ouvertes dans les défenses (but belge à la 16e, puis de Vincent à la 18e sur une ouverture de Cisowski) et le score est déjà de 4-1 à la mi-temps, l’ami Thadée réussissant un triplé juste avant de rentrer au vestiaire. Les Belges ne se découragent pas et reviennent en six minutes grâce à deux buts de Willems, mais Cisowski traîne toujours devant le gardien belge Alfons Dresen qui a les mains savonneuses et marque encore deux fois pour remporter le set (6-3). Cinq buts donc pour Cisowski (qui égale le record d’Eugène Maës, personne n’a fait mieux depuis), tous obtenus dans les 9 mètres des Belges.

La révélation de l’année

Rachid Mekhloufi. L’attaquant de l’AS Saint-Etienne a un peu plus de vingt ans quand il est sélectionné pour la première fois en octobre face à l’URSS avec, autour de lui, Thadée Cisowski, Jean Vincent et Roger Piantoni. Le peu de complémentarité affiché précédemment par Cisowski et Fontaine lui est bénéfique. Le natif de Sétif ne se laisse pas impressionner et il contribue même au but de Jean Vincent en prolongeant la passe de Jean-Jacques Marcel. Il est logiquement rappelé trois semaines plus tard contre la Belgique où son tir repoussé par Dresen est repris par Cisowski. Il rejouera encore deux fois en 1957 et manquera la coupe du monde 1958 pour avoir rejoint, en avril, l’équipe du FLN [1].

Les joueurs de l’année

Vingt-deux joueurs ont participé aux cinq matches de 1956. Le gardien François Remetter, le défenseur Robert Jonquet, le milieu Jean-Jacques Marcel et l’attaquant Roger Piantoni ont joué l’intégralité des rencontres, Roger Marche ne manquant qu’une demi-heure. Raymond Kopa n’a disputé qu’un match, le premier contre l’Italie, alors que Just Fontaine n’a fait que passer contre la Hongrie. Le futur carré magique offensif de 1958 est donc déjà là, mais seuls Piantoni, Vincent et Fontaine ont été associés une fois.
Jean Hédiart (qui ne fut plus rappelé) et Rachid Mekhloufi sont les seuls débutants, alors que Xercès Louis, Roger Scotti et Jacques Foix terminèrent leur carrière internationale cette année-là.

Les buteurs de l’année

Avec ses six buts, dont cinq contre la Belgique, Thadée Cisowski arrive évidemment en tête, devant Jean Vincent (3 buts), Roger Piantoni, Michel Leblond et Joseph Tellechéa (1).

Carnet bleu

Naissances de Eric Pécout (le 17 février), Philippe Mahut (le 4 mars), Jean-François Larios (le 27 août) et Didier Christophe (le 8 décembre).

Décès de Pierre Duhart (le 5 janvier), Pierre Allemane (le 24 mai), Augustin Chantrel (le 4 septembre) et Fernand Desrousseaux (le 18 octobre).

[1Lire l’article Larbi, Rachid, Omar et les autres

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