1997, une année dans le siècle

Publié le 30 novembre 2017 - Bruno Colombari

RIP Diana, Jospin à Matignon, un Titanic insubmersible, les krachs asiatiques, mais aussi Marc Keller buteur contre le Brésil ou Ibou Ba étoile filante à la milanaise : c’était 1997, l’année d’avant le sacre.

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Le contexte historique

En France, l’année est marquée par la décision rocambolesque de Jacques Chirac, président de la République, de dissoudre l’Assemblée nationale afin d’assurer sa majorité jusqu’à la fin du mandat, en 2002. Résultat, les Français sanctionnent le gouvernement Juppé et permettent le retour de la gauche au pouvoir, Lionel Jospin étant nommé Premier ministre de cohabitation. En juin, l’Allemagne verrouille la politique monétaire européenne en échange de l’abandon du Deutsche Mark. En octobre, une série de krachs boursiers frappe Hong Kong, l’Amérique du Sud et les Etats-Unis. La Banque mondiale déclenche un plan de sauvegarde d’urgence pour l’Indonésie. Le 31 août, Lady Diana, princesse de Galles, est tuée dans un accident de voiture à Paris, sous le pont de l’Alma.

Au cinéma, le film Titanic sont en décembre. Il obtiendra 11 Oscars quelques mois plus tard et deviendra le plus grand succès de l’histoire du cinéma, dépassé en 2009 par Avatar. Parmi les autres succès de l’année, le Cinquième Elément de Luc Besson, La vie est belle de Roberto Benigni (Palme d’Or à Cannes) ou Alien, la Résurrection de Jean-Pierre Jeunet. Radiohead cartonne avec son troisième album, OK Computer, mélange nerveux de musique électro et de rock sombre.

Le contexte sportif

L’Allemagne ayant retrouvé son rang de première nation européenne en 1996, c’est vers elle que les regards se tournent quand il s’agit de désigner les sélections capables de déposséder le Brésil de Mario Zagallo de la Coupe du monde à venir. En compétitions de club, la surprise vient du Borussia Dortmund qui corrige la Juventus de Deschamps et Zidane en finale de la Ligue des Champions (3-1) sur la pelouse de Munich. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les Bleus. Pendant ce temps, Ronaldo brille de mille feux avec le Barça (vainqueur de la Coupe des coupes contre le PSG) et remporte le Ballon d’Or à seulement 21 ans.

Le sélectionneur en poste

Pour sa troisième année sur le banc des Bleus, Aimé Jacquet n’a qu’un seul objectif : resserrer ses choix autour d’un groupe d’une trentaine de joueurs maximum, qu’il faudra réduire à vingt-deux au printemps 1998. Depuis ses débuts en 1994, il a mis en place une défense redoutable avec Bernard Lama dans les cages et une ligne arrière Thuram-Blanc-Lizarazu-Desailly imprenable, Deschamps et Karembeu se chargeant de faire le ménage et de remonter les ballons dans l’entrejeu. Comme Zidane et Djorkaeff sont désormais bien installés, il reste donc deux postes à pourvoir. Très critiqué après l’Euro pour son jeu trop prudent, Jacquet va longtemps hésiter avant d’avoir recours à la jeune classe monégasque et aux attaquants auxerrois.

Le récit de l’année

Cette année blanche composée uniquement de matchs amicaux débute dès le 22 janvier à Braga contre le Portugal. L’attaque inédite composée de Dugarry en pointe et de Pirès et le débutant Ibrahim Ba sur les côtés fait souffrir la défense portugaise qui lâche deux fois, en début de match sur un tir de près de Deschamps et à l’heure de jeu sur un raid de Ba qui embarque Couto et Vitor Baia (2-0).


 

Ces bonnes résolutions offensives sont mises à mal le mois suivant contre les Pays-Bas au Parc, où Patrick Vieira débute au milieu avec Karembeu et Laigle. En grande difficulté en première mi-temps (but de Bergkamp d’entrée), l’équipe de France se reprend dans le dernier quart d’heure après l’entrée de Pirès. Ce dernier égalise (75e) avant que Patrice Loko, qui venait de remplacer Ba, donne l’avantage (83e, 2-1).


 

En avril, pour accueillir la Suède, C’est Barthez qui est aligné alors que Bernard Lama est victime d’un contrôle positif au cannabis qui lui coûtera sa place de titulaire à la Coupe du monde. Au milieu, Makelele (tiens) est associé à Vieira et Zidane dans une préfiguration de 2006, neuf ans avant. Le résultat n’est pas brillant, avec un pénalty accordé à Djorkaeff juste avant la mi-temps alors qu’il n’y avait absolument pas faute (1-0).


 

Difficile de tirer la moindre conclusion de ces trois rencontres. Le Tournoi de France, organisé par la FIFA en juin avec trois ex-champions du monde (Italie, Brésil et Angleterre) le permettra-t-il, avec des oppositions plus relevées ? Le match à Lyon contre le Brésil, répétition générale de la finale à venir, est en tout cas excitant. Mais sur les 14 Bleus qui participent à la rencontre, trois ne seront plus là en 98 (Ba, Maurice et Keller) et trois autres verront la finale depuis le banc (Blanc, Candela et Pirès).

Les Brésiliens dominent largement la première période et Barthez sort deux frappes puissantes de Ronaldo. Mais il ne peut rien sur un coup franc magnifique de Roberto Carlos à plus de 30 mètres. Par la suite, les Bleus reviennent bien, obtiennent un coup franc indirect dans la surface à 5,50 mètres de la ligne de but, mais le tir de Zidane est contré. Enfin, Marc Keller obtient son quart d’heure de gloire en reprenant de près un tir de Florian Maurice repoussé par Taffarel (1-1).


 

Quatre jours plus tard à Montpellier contre l’Angleterre d’Alan Shearer, les Bleus remaniés de moitié ne font aucune différence, et perdent même le match (le deuxième seulement de l’ère Jacquet, en trois ans et demi) sur une faute de main de Barthez à 4 minutes de la fin (0-1) qui se blesse sur l’action. C’est la première — et la seule — défaite à domicile du futur sélectionneur champion du monde.


 

L’ultime rencontre de ce Tournoi d’ores et déjà raté oppose le 11 juin au Parc deux équipes rincées par une fin de saison interminable. Français et Italiens se quittent sur un score nul (2-2) alors que Lionel Charbonnier profite du forfait de Barthez pour obtenir sa seule sélection. Les Bleus mènent deux fois (par Zidane et Djorkaeff) sur des passes décisives de Thuram, mais se font rejoindre par des buts de Casiraghi (sur lequel Lebœuf se déchire magnifiquement sur la ligne) et Del Piero sur pénalty dans le temps additionnel.


 

Cette année 1997 sans grand intérêt s’achève à l’automne par deux ultimes amicaux contre l’Afrique du Sud à Lens en octobre et l’Ecosse à Saint-Etienne en novembre. Les Bleus l’emportent deux fois sur le même score étriqué (2-1), et accueillent plusieurs débutants dont on reparlera : le milieu défensif de Parme Alain Boghossian, l’attaquant auxerrois Stéphane Guivarc’h et le prometteur ailier monégasque Thierry Henry, ainsi que le gardien Lionel Letizi et l’avant-centre Lilian Laslandes. Quant à Emmanuel Petit, il fait son retour après vingt mois d’absence. Une brillante idée, assurément.


 


 

La révélation de l’année

Ibrahim Ba. A 24 ans, le milieu offensif de Bordeaux est appelé par Aimé Jacquet contre le Portugal. Bonne pioche : il marque, et va obtenir sept de ses huit sélections en 1997. Un an avant la Coupe du monde, et alors que l’attaque des Bleus est en friche (Thierry Henry n’arrive qu’à l’automne, David Trezeguet en janvier 1998), Ibou se dit que son heure est venue, d’autant que l’AC Milan le recrute pendant l’été. Erreur fatale. En Lombardie, Ba n’y arrive plus et n’est pas décisif, et en Bleu il est supplanté par la génération montante. En mai, il est dans la liste des 28 d’Aimé Jacquet, mais se retrouve finalement dans la charrette des six écartés. La révélation de 1997 aura été une étoile filante.

Les joueurs de l’année

33 joueurs appelés en 1997, en 8 matchs joués. Thuram et Zidane ont joué huit fois, Blanc Desailly et Ba sept fois, Deschamps et Djorkaeff six.

Parmi les débutants, il y a Ibrahim Ba, Patrick Vieira, Lionel Charbonnier, Lionel Letizi, Patrick Blondeau, Lilian Laslandes, Alain Boghossian et bien sûr Thierry Henry. Ce qui fait quatre futurs champions du monde dont deux centenaires en sélection. Pas mal !

Pierre Laigle, Bruno N’Gotty, Patrice Loko, Nicolas Ouédec, Franck Gava quittent la sélection au plus mauvais moment, alors que Lionel Charbonnier et Patrick Blondeau débutent et finissent la même année.

Les buteurs de l’année

Pas beaucoup de buts marqués en 1997 (douze), et Youri Djorkaeff en a inscrit un quart (trois). Ibrahim Ba en a mis deux, Deschamps, Laigle Zidane, Pirès, Guivarc’h, Loko et Keller trouvant une fois le chemin des filets.

Carnet bleu

Naissance d’Ousmane Dembélé (le 15 mai).

Décès de Abdelkader Ben Bouali (le 23 février), René Bihel (le 8 septembre), Antoine Cuissard et Marcel Ourdouillé (le 3 novembre).

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal