Ce fil ténu qui nous relie à l’enfance

Publié le 14 novembre 2015 - Bruno Colombari

Parfois, garder le silence est préférable. Ça peut être l’occasion de réfléchir à ce à quoi on tient, de faire la part des choses, de mesurer le futile et peser l’essentiel. Puis de revenir en parler.

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Vous étiez nombreux, ce vendredi soir, à jeter un œil sur Chroniques bleues, comme pour tous les soirs de match. Puis, au fur et à mesure que la soirée avançait et que le bilan de la tragédie s’alourdissait, les visites se sont espacées. Vendredi soir, il n’y a pas eu d’article juste après le match, car si match il y a eu, le commentaire à chaud n’avait plus lieu d’être.

Bill Shankly avait dit un jour à peu près que « le football n’est pas une question de vie ou de mort, c’est beaucoup plus important que ça ». C’était une boutade, évidemment. La vie et la mort sont les dimensions fondamentales entre lesquelles se déroulent notre existence, ce microscopique fragment dans la longue histoire de l’humanité. Et quand, trop souvent hélas, l’horreur nous renvoie à la fragilité de cette vie que l’on peut souffler avec autant de désinvolture que la flamme d’une bougie, on se sent tellement démuni. Alors, un match de foot, vous pensez bien...

Pourtant, une fois le moment de sidération passé, la vie reprend ses droits. Pas de gaieté de cœur, non, avec parfois la furieuse envie de se chercher un coin tranquille à l’abri de la fureur des hommes, en se disant, pour reprendre le superbe titre d’un roman de Colum McCann, Et que le vaste monde poursuive sa course folle. D’autres fois, plus souvent quand même, remonte en nous le besoin d’être ensemble, d’être plus attentif aux autres, plus solidaire encore. De donner une chance à la vie.

Je continuerai ici à parler de football car c’est le fil, parmi quelques autres, qui me relie inévitablement à l’enfance. L’odeur d’un ballon neuf offert à Noël, les heures passées, seul dans un bout de colline, à enrouler des frappes du gauche autour d’un gros pin qui faisait office d’obstacle, le bruit des filets à chaque but marqué, ces petits moments de bonheur qui font que la vie vaut le coup d’être vécue malgré tout.

Alors, bien sûr, il y a la publicité envahissante, les agents véreux, les salaires obscènes et les transferts extravagants, l’infinie platitude des interviewes, les insultes crachées aux arbitres, les tacles assassins et les fautes simulées, les sextapes et les bimbos, les chiffres d’affaires et les présidents qui calculent tout.

Mais il y a aussi la beauté d’un dribble réussi, la perfection géométrique d’une action collective, l’audace d’une reprise de volée, l’élégance d’un plongeon à l’horizontale, la complexité d’un tifo, la ferveur d’un chant entonné par trente mille personnes, le halo de lumière autour d’un rectangle vert et les étoiles dans les yeux après un match mémorable.

Je continuerai à écrire sur le football parce que l’écriture est une façon de rester en relation avec les autres et le monde tout en s’en protégeant un peu, et parce que le football reste, avant tout et malgré tout, un jeu.

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