2024 sera-t-elle une nouvelle année historique pour l’équipe de France, rejoignant ainsi 1984 (premier titre), 1998 (première Coupe du monde), 2000 et 2018 ? Il est un peu tôt pour le savoir, mais en attendant, on peut s’amuser à compiler les douze années en 4 et voir ce qu’elles ont à nous dire. C’est parti, avec dans cet article les années 1904, 1914, 1924, 1934, 1944 et 1954.
1904 : un 3-3 devant une tribune en stuc
Le charmant petit stade du Vivier d’Oie, dans la banlieue bruxelloise à Uccle, disposait d’une tribune de 1000 places assises. Le double de spectateurs entoure le terrain pour voir le tout premier match international entre la Belgique et la France, le 1er mai 1904, trois semaines avant la création de la FIFA. Et il y a eu du spectacle, puisque les deux sélections, qui tentaient de gagner la coupe (honorifique) offerte par le mécène Evence Copée, se sont séparés sur le score de 3-3. Louis Mesnier est entré (sans le savoir) dans l’histoire des Bleus en inscrivant le premier but français à la 12e, une égalisation suite à l’ouverture du score de Georges Quéritet. Marius Royet et Gaston Cyprès sont les deux autres buteurs français du jour, alors que Georges Bilot et Jacques Davy incarnent les premiers éphémères, ceux qui ne comptent qu’une seule sélection.
-
Lire l’article 1er mai 1904, le jour où tout a commencé
-
L’Auto du 9 mars 1914 (BNF, Gallica)
1914 : un dernier bleu avant la guerre
Depuis 1913, l’USFSA a adhéré au CFI et les deux organisations concurrentes qui ont géré successivement l’équipe de France depuis 1904 ne font plus qu’une. Et les résultats s’améliorent, notamment grâce au buteur en série Eugène Maës (15 buts en 11 sélections). Mais ce dernier est absent en 1914 (forfait), ce qui n’empêche pas l’équipe de France de battre la Belgique (4-3) et de faire match nul contre la Suisse (2-2). Mais elle s’incline stupidement face au Luxembourg (4-5, dont un quadruplé de Jean Massard) avant une défaite cuisante en Hongrie fin mai (1-5). Les Tricolores pâtissent de l’absence des militaires (trois ans de service depuis 1913).
Deux joueurs s’illustrent : l’attaquant de Levallois Maurice Gastiger, qui reste encore aujourd’hui le plus jeune buteur de l’histoire des Bleus à 17 ans et 5 mois et 5 jours (contre la Suisse le 8 mars). Quant au Lillois Jean Ducret, il devient contre l’Italie le 29 mars le premier international français à atteindre les 20 sélections. Il n’en aura pas d’autre. Personne n’en aura d’autre au cours des quatre ans et neuf mois qui suivent le match de Budapest contre la Hongrie. La Grande guerre est passée par là, fauchant 24 internationaux et en blessant de nombreux autres.
1924 : la démonstration uruguayenne
Il aura fallu attendre vingt ans et 60 matchs joués pour voir enfin l’équipe de France rencontrer une équipe non-européenne. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de l’Uruguay, sans doute la meilleure équipe du monde à ce moment-là. Le cadre était aussi prestigieux, celui des Jeux olympiques de Paris, après une trop facile victoire contre de très faibles Lettons (7-0). Les Français en rouge ont fait bonne figure pendant une heure, mais sur le troisième but uruguayen, le gardien star (et vieillissant) Pierre Chayriguès s’est blessé et le score grime à 1-5 dans les dernières minutes. Les joueurs de la Celeste, en effet, n’ont pas apprécié les sifflets du public français sur José Andrade, qui a sorti le grand jeu et distribué trois passes décisives. L’Uruguay remporta le tournoi olympique et le suivant en 1928, avant la Coupe du monde 1930. Les Français de Jules Devaquez et Paul Nicolas, pourtant de bons joueurs (le premier portera le record de sélections à 41 et le second celui des buteurs à 20, tous deux en 1929) traverseront une décennie déprimante : 14 victoires pour 35 défaites, 170 buts encaissés en 53 matchs.
-
L’Auto du 2 juin 1924 (BNF, Gallica)
-
Lire l’article Jérôme Lecigne : « L’Uruguay a ajouté sa pierre à un football français en construction »
1934 : première prolongation en Coupe du monde
Dix ans plus tard, l’équipe de France a gagné le droit de participer à sa deuxième Coupe du monde après avoir battu les modestes Luxembourgeois (6-1) en avril. La préparation a été inégale, avec deux défaites en Suisse (0-1) et contre la Tchécoslovaquie (1-2) et deux victoires à l’extérieur en Belgique (3-2) et aux Pays-Bas (5-4). Et la formule de la Coupe du monde a changé : le premier tour est remplacé par des huitièmes de finale. Pas de chance pour les Tricolores, qui héritent de l’Autriche : même en fin de règne, le Wunderteam de Matthias Sindelar était alors une des meilleures équipes d’Europe.
Autant dire que l’équipe de France, qui aligne sept joueurs de deuxième division (Alexis Thépot, Jacques Mairesse et Alfred Aston du Red Star, Jean Nicolas et Roger Rio du FC Rouen, Georges Verriest du RC Roubaix et Fritz Keller du RC Strasbourg), n’est pas favorite. Mais comme face à l’Argentine en 1930, elle réalise un match aussi remarquable que malchanceux. Jean Nicolas ouvre le score, puis trouve la barre et même si Sindelar égalise juste avant la mi-temps, il faut disputer la première prolongation de l’histoire de la Coupe du monde, et la première pour l’équipe de France aussi. Elle se passera mal, car les Autrichiens prennent l’avantage sur un but hors-jeu de Toni Schall, puis plient le match par Josef Bican, même si Georges Verriest réduit l’écart sur pénalty (2-3) alors qu’une grosse faute autrichienne dans la surface quelques minutes avant n’avait pas été sanctionnée. L’entraîneur anglais George Kimpton, appelé en renfort par le sélectionneur Gaston Barreau, avait fait du bon travail.
1944 : un Noël glacial mais libre
En décembre 1944, la France grelotte (il fait très froid, et le chauffage manque) mais elle est libre après le succès des débarquements de Normandie et de Provence pendant l’été. Un premier match officieux est organisé en septembre contre une équipe militaire de l’Angleterre (0-5) mais la première rencontre officielle depuis mars 1942 a lieu le 24 décembre, au Parc des Princes, contre la Belgique. Le score (3-1 pour la France) est anecdotique, d’autant que les Belges avaient connu un voyage en train interminable et que les Français alignaient cinq débutants.
Le capitaine Alfred Aston était le seul Français comptant plus de cinq sélections : avec ses 23 capes (et ses 32 ans) il avait l’air d’un vétéran. Le gardien de Rouen Alfred Dambach et le milieu marseillais Félix Pironti ne reviendront pas et resteront des éphémères. Le seul joueur d’avenir dans cette équipe est le Lillois Jean Baratte, qui jouera 8 ans, obtiendra 32 sélections et marquera 19 buts.
1954 : Raymond Kopa découvre le monde
Après avoir manqué, dans des conditions baroques (élimination en barrage en décembre, puis repêchage au printemps, puis forfait), la Coupe du monde 1950, l’équipe de France retrouve l’épreuve reine qui a lieu en Suisse, autant dire quasiment à la maison, comme en 1938. Le premier tour la place dans le groupe du Mexique, de la Yougoslavie et du Brésil, mais comme ce dernier est tête de série, il ne rencontrera pas les Bleus (têtes de série également). Un système curieux qui pénalise évidemment la moindre défaite.
Or, même avec Raymond Kopa (mais aussi François Remetter, Raymond Kaelbel, Roger Marche, Jean-Jacques Marcel, Armand Penverne et Jean Vincent, qu’on retrouvera tous en Suède en 1958), l’équipe de France rate complètement son premier match face à la Yougoslavie qui n’a pas besoin de faire le jeu pour l’emporter (0-1). Une victoire face au Mexique ne sera pas suffisante, mais elle est laborieuse (3-2, dont un but mexicain contre son camp et un pénalty transformé par Kopa). La demi-finale de 1958 semble alors bien loin.
-
Lire l’article 1954, une année dans le siècle