Ce que l’on retiendra des sélectionneurs

Publié le 11 juillet 2010 - Bruno Colombari

De Michel Hidalgo à Raymond Domenech, les huit derniers sélectionneurs ont dirigé des matches inoubliables par leur qualité technique, leur intensité dramatique ou leur caractère imprévisible. Petite rétrospective en vidéo de huit moments de bonheur.

4 minutes de lecture

Maintenant que le (long et tumultueux) chapitre Domenech, ouvert en juillet 2004, est refermé, il est possible de ranger ce dernier dans un précédent article, écrit pendant l’Euro 2008, intitulé Ainsi finissent les sélectionneurs. Je classais les fins de parcours en trois catégories avec des titres de chansons : les triomphes (We are the champions avec Hidalgo 1984 et Jacquet 1998), les éjections brutales (The final cut avec Michel 1988 et Houllier 1993, Lemerre 2002) et les départs volontaires après un échec (Hello goodbye avec Platini 1992 et Santini 2004). Où mettre Domenech ? Sans doute dans une catégorie à part, celle d’une explosion finale et prévisible, qu’on pourrait appeler A momentary lapse of reason...

Pour ne pas rester sur une note amère, et parce que l’histoire de l’équipe de France vaut bien plus que la somme de ses protagonistes [1], voici un petit retour sur les meilleurs moments, en vidéo, des différents sélectionneurs depuis Michel Hidalgo.

Marseille, 23 juin 1984
France-Portugal : un Séville à l’envers

L’ère Hidalgo est presque finie et nul ne sait si elle va s’achever ce soir-là, dans un vélodrome balayé par le mistral face à des Portugais insaisissables. Et d’une certaine manière, elle se termine quand les Bleus, poussés à la prolongation au terme d’un match qu’ils ont largement dominé, encaissent un but assassin de Jordao à douze minutes des tirs au but. Il faudra une extraordinaire volonté pour tout d’abord égaliser (Domergue 115e) et finalement arracher la victoire à l’issue d’un but entré dans la légende (Platini, 119e). Sans Séville en 1982 (3-1, puis 3-3 et défaite aux tirs au but face à la RFA), le parcours de Michel Hidalgo se serait sans doute arrêté là.

Guadalajara, 21 juin 1986
Brésil-France : duel au soleil

Favorite de la coupe du monde sans doute pour la première fois de son histoire, l’équipe de France débute pianissimo au Mexique puis monte en puissance face à l’URSS (1-1) et l’Italie (2-0 en huitièmes). Mais en quarts, elle tombe sur un os, la magnifique sélection brésilienne de Tele Santana de Socrates, Careca, Junior et Edinho. La première demi-heure est terrible, avec un but d’école de Careca et une domination totale des Brésiliens. Puis Platini égalise, les Bleus refont surface et se créent eux aussi des occasions franches, avant que le Brésil n’accélèrent encore dans le dernier quart d’heure. Mais Bats sort un pénalty et une tête à bout portant, la transversale se chargeant du reste. En prolongations, Bellone lancé à la perfection par Platini aura la balle de break, et sur le contre Socrates échouera pour quelques centimètres. Tout se joue donc aux tirs au but, et Fernandez marque le dernier après que Platini, Socrates et Julio Cesar aient échoué. Carbonisés au terme de leur plus beau match de coupe du monde, les Bleus entrent dans la légende mais sortent ensuite de la compétition face à une équipe allemande réaliste.

Paris, 20 février 1991
France-Espagne : un but en Blanc

Après avoir échoué dans la qualification pour la coupe du monde 1990, Michel Platini n’a plus droit à l’erreur : une place en phase finale de l’Euro 1992 est indispensable. Pour y parvenir, il faut écarter une équipe tchèque sur le déclin et surtout une redoutable sélection espagnole (déjà) emmenée par Emilio Butragueno. Au parc des Princes, les Bleus encaissent très vite un premier but par Bakero, mais réagissent immédiatement par Frank Sauzée (14e) et font la différence en deuxième période avec un ciseau retourné de Papin (55e) et une tête d’un certain Laurent Blanc (77e) dont c’est le troisième but en 14 sélections. Invaincus depuis deux ans, les Bleus enchaîneront les succès avec des victoires à l’automne en Tchécoslovaquie et en Espagne.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Paris, 28 avril 1993
France-Suède : une qualification prématurée

Difficile de retenir un bon souvenir des seize mois que dura le mandat de Gérard Houllier, marqué à jamais par son dénouement calamiteux. Pourtant, l’année 1993 s’annonçait bien, avec trois victoires que l’on croyaient décisives en Israël (4-0), en Autriche (1-0) et contre la Suède au Parc (2-1). Contrairement à ce qui allait arriver à l’automne, le début de match est médiocre, les Suédois dominent et marquent par Dahlin (14e). Cantona égalise juste avant la mi-temps sur un pénalty généreux, et offre la victoire aux Bleus à huit minutes de la fin alors que Bernard Lama vient d’être sauvé par son poteau. Les Bleus ne le savent pas encore, mais ils viennent d’épuiser tout leur stock de chance, même si Paul Amar sur Antenne 2 parle déjà de qualification pour la coupe du monde aux Etats-Unis.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Saint-Denis, 12 juillet 1998
France-Brésil : we are the champions

Ce n’est certes pas par sa qualité technique qu’on retiendra ce match marqué par d’incroyables maladresses de part et d’autre (la défense brésilienne en première mi-temps, le trio Karembeu-Guivarc’h-Dugarry) mais bien entendu par sa charge émotionnelle et par son scénario très improbable : annonce du forfait de Ronaldo qui sera aligné au tout dernier moment, doublé de la tête sur corner de Zidane, expulsion de Desailly qui partait en contre, but dans les arrêts de jeu d’Emmanuel Petit, le millième but de l’histoire de l’équipe de France, bref, la totale.

Rotterdam, 2 juillet 2000
France-Italie : et Hitchcock est entré

Si les arrêts de jeu de cette finale avaient duré une minute de moins, l’Italie serait championne d’Europe et les Bleus de Lemerre seraient revenus de Rotterdam comme ils sont revenus de Berlin six ans plus tard. A quarante-cinq secondes de la fin du temps additionnel, Barthez fait un long dégagement qui arrive sur Trezeguet, qui dévie de la tête sur Wiltord qui contrôle et qui frappe. Le tir croisé est rabattu par un défenseur, le ballon glisse sous le gant de Toldo et rentre. Le reste appartient à la légende : le débordement de Pires, la volée du gauche de Trezeguet dans la lucarne droite de Toldo. Inoubliable.

Gelsenkirchen, 15 novembre 2003
Allemagne-France : le crépuscule des dieux

L’Allemagne joue en noir pour accueillir les Bleus (qui sont en blanc) dans le superbe Arena Aufschalke. Sans Barthez, Desailly et Vieira (remplacés par Coupet, Silvestre et Dacourt), l’équipe de Jacques Santini réalise le match parfait, tant par sa maîtrise technique que par son expression individuelle. Soutenus par Zidane et Pires, les attaquants Henry et Trezeguet ridiculisent la défense allemande et écœurent Oliver Kahn. C’est la treizième victoire consécutive des Bleus en 2003, série record qui sera portée à 14 quelques mois plus tard en Belgique. C’est aussi la fin de la grande équipe de 1998-2000.

Hanovre, 27 juin 2006
France-Espagne : bien le bonjour des anciens !

Personne ne donne la moindre chance de qualification à cette équipe de France petit bras qui a peiné pour sortir du premier tour. En face, c’est la jeune équipe d’Espagne où pointent déjà Casillas, Sergio Ramos, Xavi, Xabi Alonso, Torres et Villa. Ce dernier ouvre d’ailleurs le score sur pénalty juste avant la demi-heure de jeu. Mais les Bleus se réveillent, poussent, égalisent par Ribéry, poussent encore et portent l’estocade en fin de match par Vieira et Zidane. Zidane, que la presse espagnole voulait envoyer à la retraite ! Il faudra attendre encore un peu.

[1J’ai détaillé dans l’article Domenech, un bilan comparé les performances de Raymond Domenech par rapport à celles de ses prédécesseurs

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