Le premier Luxembourg-France de l’histoire, disputé le 29 octobre 1911 au Grand-Duché dans le stade du Racing Club devant 4000 curieux n’a rien de bien notable. Si ce n’est qu’il met fin, grâce à une facile victoire 4-1, à une série noire invraisemblable de 15 matchs sans victoire, dont 14 défaites, et une différence de but cataclysmique de -87 (13 buts marqués, 100 encaissés !).
Si ce n’est aussi un petit détail protocolaire révélé par L’Auto du lendemain, dans son compte-rendu, déniché par Matthieu Delahais en fouillant dans les précieuses archives en ligne de Gallica. Il est signé Alphonse Steinès
« Le match était présidé par le comte de Servey, ministre de France, et la comtesse, assisté de M.Pescatore, député, président d’honneur de la Fédération, et Max Metz, avocat, président de la FCLSA. L’entrée de l’équipe française fut saluée par la Marseillaise jouée par l’harmonie de la Faïencerie de Septfontaines. » A la fin de l’article, il ajoute :« Après la partie, l’équipe de France fut saluée encore par la Marseillaise, au milieu d’un grand enthousiasme. » Donc deux Marseillaises pour le prix d’une lors du même match !
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
L’article est cliquable : sur le site de Gallica, vous pouvez zoomer dans la page ou la télécharger.
Le précédent du 15 avril 1910 à Brighton
Serait-ce donc la première fois que l’hymne national est joué avant un match de l’équipe de France ? Interrogé par mes soins, Pierre Cazal trouve une trace antérieure, en avril 1910 à l’occasion du déplacement de l’équipe de France en Angleterre, à Brighton. Voici ce que relate le journal Football :
« Deux tramways pavoisés aux couleurs amies nous conduisent au Royal York Hotel et sur tout le parcours la musique joue la Marseillaise et le God Save the King. Réception par les dirigeants de la Fédération, excellent dîner et soirée à l’Hippodrome où la Marseillaise salue notre arrivée. »
Mais c’était lors de la réception la veille de la rencontre (le 15 avril), pas dans le stade (Goldstone Ground) avant le match. Match conclu par un féroce 10-1 en faveur évidemment de l’équipe d’Angleterre (amateur).
D’autre part, explique Pierre Cazal, « A cette époque il fallait une fanfare pour jouer les hymnes, donc déplacer une vingtaine de musiciens, ça ne s’improvise pas. Et la presse le signalait, car c’était hors du commun. Dans la tradition anglaise, en outre, on ne jouait pas d’hymne puisque les Britanniques jouaient entre eux ! Cette intrusion du patriotisme est donc tardive. En 1910 et 1911, la Marseillaise a été jouée à l’étranger en guise de bienvenue seulement. » Ce qui est raccord avec les deux faits précédents.
Quant à François da Rocha Carneiro, il met un bémol : « La piste est intéressante, mais je ne peux la garantir. Ce n’est pas parce que mention n’est pas faite de Marseillaise auparavant qu’elle n’a pas été jouée ou chantée dans un match avant 1911. »
En tout cas, il est certain qu’elle a été jouée sous une forme assez semblable à celle de la période récente, c’est-à-dire avant le match, le 29 octobre 1911. Et d’après Pierre Cazal, il est très improbable qu’elle ait été jouée à l’époque où l’USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlétiques) gérait l’équipe de France, c’est-à-dire jusqu’aux Jeux olympiques de 1908.
C’est donc, pour l’instant, la trace la plus ancienne, et vérifiée, d’une Marseillaise jouée avant un match de l’équipe de France. La chasse aux archives est ouverte ! N’hésitez pas à intervenir en réponse à cet article si vous avez connaissance d’éléments antérieurs à cette date.