1994, une année dans le siècle

Publié le 8 décembre 2014 - Bruno Colombari

C’est la dernière fois que l’équipe de France manque une phase finale. Pour autant, 1994 n’est pas une année blanche : Jacquet, Barthez, Thuram et Zidane arrivent et la plus longue série d’invincibilité de l’histoire commence.

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Le contexte historique

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L’année 1994 est marquée par le dernier génocide du vingtième siècle, celui perpétré par les Hutus contre les Tutsis au Rwanda : huit cent mille morts en cent jours, sous le regard impuissant de la communauté internationale et en particulier de la France.
Le 27 avril, les premières élections multiraciales en Afrique du Sud portent Nelson Mandela à la présidence.
Le 1er janvier, jour de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’insurrection zapatiste menée par le sous-commandant Marcos commence au Chiapas (Mexique).
En France, alors que le Tunnel sous la Manche est inauguré, Bernard Tapie devance Michel Rocard aux européennes et lui barre la route de l’Elysée. En décembre, Jacques Delors renoncera à se présenter.
La guerre de Bosnie se poursuit à Sarajevo, où 68 personnes sont tuées sur un marché par un obus le 5 février.
Pulp Fiction de Quentin Tarantino reçoit la Palme d’or au Festival de Cannes, tandis que Krzysztof Kieslowski termine sa trilogie des couleurs avec Rouge et que Steven Spielberg sort La liste de Schindler. Atom Egoyan brille avec Exotica.

Le contexte sportif

Après trois années de disette européenne, le Milan AC est de retour avec une somptueuse victoire en Ligue des Champions contre Barcelone (4-0, un but de Marcel Desailly). L’OM cède le titre de champion de France au Paris SG avant d’être relégué en division 2 à l’issue de la saison. 1994 est aussi l’année de la coupe du monde aux Etats-Unis. La Bulgarie et la Suède, qui ont devancé la France dans la phase qualificative, s’illustrent en atteignant les demi-finales respectivement contre l’Italie (1-2) et le Brésil (0-1). La Suède obtient la troisième place en dominant la Bulgarie (4-0).

Le sélectionneur en poste

Après la démission de Gérard Houllier suite à la défaite contre la Bulgarie en novembre 1993, Aimé Jacquet est nommé sélectionneur de façon temporaire le 17 décembre. L’ancien entraîneur de Bordeaux, adjoint de Houllier depuis 1992, est même qualifié par la fédération de « moins mauvaise solution », ce qui n’est guère élégant. Il a six mois pour s’imposer, avant que ne commencent les qualifications pour l’Euro 1996. Si on a longtemps reproché à Jacquet son manque d’audace et sa prudence tactique, il va pourtant tourner la page de la génération Papin-Cantona et ouvrir la porte aux Barthez, Thuram et Zidane, tous trois lancés en 1994.

Le récit de l’année

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Quant arrive le premier match de l’année, le 16 février 1994 à Naples, Aimé Jacquet doit se passer de Blanc, Papin et Sauzée, qui ont décidé de mettre fin à leur carrière internationale. On sait ce qu’il en adviendra du premier. Le deuxième reviendra sur sa décision mais ne jouera plus que cinq fois, et le dernier ne sera plus rappelé. Jean-Pierre Cyprien fait ses débuts en défense où il remplace Karembeu dans le dernier quart d’heure. Et Youri Djorkaeff inscrit son premier but en sélection juste avant la mi-temps (1-0). La dernière (et seule) victoire française en Italie datait de 82 ans. On ne le sait pas encore, mais commence ce soir-là la plus longue série d’invincibilité des Bleus (30 matches jusqu’en octobre 1996), qui tient toujours vingt ans plus tard.

 

 

Le 22 mars, les Bleus reçoivent le Chili à Lyon et s’imposent facilement avec un 4-3-3 offensif emmené par un Jean-Pierre Papin déjà sorti de sa retraite internationale et qui marque dès la 7e minute. L’égalisation de Zamorano (11e) n’empêche pas l’équipe de France de s’imposer sur deux nouveaux buts de Djorkaeff et Corentin Martins, son remplaçant à la pause (3-1).

 

Privés de coupe du monde, les Bleus sont invités au Japon (une première) pour disputer un tournoi amical à quatre, la Kirin Cup. Ils doivent y rencontrer le pays organisateur et l’Argentine, mais cette dernière jette l’éponge car Maradona est interdit de visa. Il n’y aura pas non plus de Zidane avec les Bleus, ce dernier ayant renoncé à ses débuts en sélection pour cause de mariage. Maradona-Zidane, on aurait pourtant volontiers payé pour voir ! A la place, on aura un insipide France-Australie avec trois débutants : l’attaquant nantais Nicolas Ouédec, le Bordelais Christophe Dugarry et le gardien de l’OM, Fabien Barthez. Laurent Blanc est de retour en défense centrale et l’équipe de France obtient une troisième victoire consécutive grâce à un but de Cantona, le dernier de sa carrière internationale (1-0).

 

 

Le deuxième match face au Japon à Tokyo est une formalité. Papin et Cantona sont à nouveau associés en attaque, mais c’est Djorkaeff qui ouvre le score, bien servi par Ginola. Ce dernier marquera le dernier but, avant que les Japonais ne sauvent l’honneur en fin de rencontre (4-1). Sept futurs champions du monde participent à la rencontre : Lama, Karembeu, Desailly, Blanc, Lizarazu, Deschamps et Djorkaeff.

 

 

Le 17 août, les Bleus débutent la saison à Bordeaux pour un match contre la République tchèque qui va entrer dans l’histoire. Pas pour son score final (2-2), mais parce que trois jeunes joueurs vont débuter ce soir-là : on a déjà oublié Bruno N’Gotty, mais il y avait aussi et surtout Lilian Thuram et Zinedine Zidane. Ce dernier remplace Corentin Martins à la 63e alors que les Bleus sont menés 0-2 depuis la 45e minute. A la 85e, Zizou signe ses débuts par une belle frappe des 25 mètres après avoir laissé sur place deux adversaires, et deux minutes plus tard, il égalise de la tête sur corner, but prémonitoire de son doublé du 12 juillet 1998.

 

 

Aimé Jacquet est toujours invaincu comme sélectionneur et il sait désormais qu’il gardera son poste jusqu’à l’Euro 1996 au minimum. Mais les Bleus calent subitement et enchaînent une redoutable série de trois 0-0 successifs, une grande première depuis 1904 (et jamais égalée depuis). Le premier a lieu à Bratislava contre la Slovaquie et ne sera marqué que par deux pannes d’éclairage, une par mi-temps.

 

 

Un mois plus tard à Saint-Etienne, il faut gagner face à la Roumanie de Gheorge Hagi qui a brillé à la coupe du monde en éliminant l’Argentine. Quatre Nantais débutent le match (Karembeu, Loko, Pedros et Ouédec), mais malgré une domination incontestable, les Bleus échouent à nouveau.

Les choses se compliquent sérieusement pour l’équipe de France, incapable de faire la différence à Zabrze contre la Pologne en novembre, où Karembeu est expulsé cinq minutes après la pause. A dix contre onze, des Bleus sans imagination ne font pas mieux qu’un 0-0 plutôt inquiétant. Devant, Cantona ne marque plus et peste contre les choix défensifs de Jacquet (trois récupérateurs). On ne parle désormais plus d’invincibilité, mais d’impuissance après quatre nuls consécutifs.

 

 

Il faudra le retour de JPP lors du dernier match de l’année, disputé sur terrain neutre en Turquie (à Trabzon) face à l’Azerbaïdjan, pour voir enfin les Bleus s’imposer dans cette phase qualificative. Sur un terrain transformé en bourbier, l’équipe de France s’impose dans la douleur par Papin et Loko (2-0). Un Papin qui marque là son trentième et dernier but en Bleu lors de son avant-dernière sélection.

 

 

Les joueurs de l’année

Pour sa première année comme sélectionneur, Aimé Jacquet a brassé large, puisqu’il a appelé pas moins de trente joueurs. Parmi eux, huit débutants, et non des moindres : Christophe Dugarry, Fabien Barthez, Lilian Thuram et Zinédine Zidane. Jean-Michel Ferri, Bruno N’Gotty, Jean-Pierre Cyprien et Nicolas Ouédec n’auront pas la même carrière, loin de là.
Trois joueurs quittent les Bleus cette année-là : Jean-Pierre Cyprien, appelé une seule fois contre l’Italie, Jérôme Gnako et Pascal Vahirua.

Les plus assidus sont Bernard Lama, Eric Cantona et Jocelyn Angloma (huit matches sur neuf) devant le trio Blanc-Di Meco-Desailly (7) alors que Roche, Le Guen, Ginola et Karembeu jouent six fois.

Les buteurs de l’année

Jean-Pierre Papin et Youri Dlorkaeff ont inscrit trois buts chacun, alors que Zidane en a marqué deux en seulement une mi-temps. Cantona, Ginola, Martins et Loko ont score une fois chacun.

La révélation de l’année

Zinédine Zidane. Le Bordelais de 22 ans qui fait ses débuts à domicile, en août 1994 contre la République tchèque (une équipe qu’il rencontrera souvent), met moins de vingt-cinq minutes pour montrer l’étendue de son talent, d’une frappe de vingt mètres au sortir d’une série de crochets, et d’une tête vigoureuse sur corner, comme il le fera à nouveau quatre ans plus tard. Il sera appelé encore un gros quart d’heure à Saint-Etienne face à la Roumanie le 8 octobre (0-0). Et ce sera tout.

Carnet bleu

Aucun international n’a vu le jour en 1994 pour l’instant. Georges Géronimi (le 6 mars), Louis Gabrillargues (le 16 juin) et Michel Lauri (le 26 septembre) sont morts cette année-là.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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