Les premiers Bleus : Auguste, Charles et Georges, trois Bilot pour le prix d’un

Publié le 14 mars 2023 - Pierre Cazal - 1

Les fratries en Bleu n’ont pas été rares, surtout pendant la période amateur : aujourd’hui, le cas des Hernandez est devenu exceptionnel. Mais, à la création de l’équipe de France officielle, en 1904, il y a eu trois Bilot. Deux sont devenus internationaux, le troisième a intégré plus tard le comité de sélection.

Cet article fait partie de la série Les premiers Bleus
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Ils étaient trois, qui ont joué ensemble à la Nationale de Saint-Mandé, devenue le FC Paris, puis le CA Paris, un peu à tous les postes : l’aîné était Auguste Bilot, né le 29 mars 1881, le cadet Charles, né le 11 mars 1883, et le benjamin Georges (dit Géo), né le 12 mai 1885. Pour Georges, le match inaugural de Bruxelles en mai 1904 (3-3) fut la seule sélection, mais il sera aussi remplaçant trois fois, en 1905 et 1906 ; Charles a obtenu 6 sélections, jusqu’en 1912. Quant à Auguste, il se contenta de n’être que remplaçant, en 1904, d’un match officieux disputé contre les mythiques Corinthians (4-11), où son frère Charles était titulaire ; mais il devint sélectionneur des Bleus en 1920 !

Les Bilot sont parisiens, et le virus du football les prend très tôt, puisque c’est Auguste que l’on trouve aligné avec la NSM (Nationale Saint Mandé) en 1897, rejoint par son frère Charles dès 1898, et enfin par Géo en 1900, et tous fréquentent le lycée Charlemagne. « Ils ont la même façon de jouer : courageuse, point brillante, mais sûre », peut-on lire dans l’Auto en 1907. Le moins brillant, c’est Auguste, qui occupe aussi les fonctions de secrétaire du club, et deviendra un des dirigeants du CAP, puis sera arbitre et intègrera les Commissions d’association de la LFA et de la FFF plus tard.

Georges joue le rôle d’un piston moderne

Géo a plus de qualités athlétiques que techniques : à son poste de demi-aile, il excelle dans un rôle qui serait comparable à celui de nos « pistons » actuels. Par exemple, en janvier 1904, opposé à l’US Parisienne, il « intercepte, file, prend de vitesse Royet sur 30 mètres, et tire au but. » Dans un autre compte-rendu de match, il est dit « excellent dans l’attaque ». Ces indications nous le décrivent comme un demi très offensif et véloce. Elles sont importantes, ces indications, pour nous permettre d’imaginer le jeu de ces footballeurs d’antan, afin qu’ils ne soient plus seulement des noms, accolés à des indications statistiques sèches, comme leur nombre de sélections, ou leur club.

  • L’Auto du 10 avril 1910

Charles Bilot, lui, est très tôt plus défensif. Il a certes débuté comme… ailier gauche, mais dès 1901 on le trouve à l’arrière, faisant paire avec Verlet. Il ne mesure pourtant qu’1,66 m (1,71 m pour Géo, la taille moyenne du conscrit de 1900 étant 1,63 m). On a du mal à imaginer un arrière central de cette tailla aujourd’hui, mais il faut savoir que le jeu aérien est bien plus limité en 1900 : le 2-3-5, pratiqué par toutes les équipes à l’imitation de ce qui se fait en Angleterre (Les Anglais sont les maîtres, et les autres des élèves, ça ne viendrait à l’idée de personne de le discuter alors) comporte peu de centres aériens. Les centres sont tendus, à hauteur de genou, destinés à être repris de volée.

Les deux arrières centraux jouent en principe en « échelle », c’est-à-dire que l’un d’eux charge le porteur du ballon, tandis que l’autre « verrouille ». D’où une différence de gabarit, dans les paires : Verlet, par exemple, est un costaud, peu mobile, Charles Bilot, par contre, est décrit comme « vite, et adroit », on vante « son jeu fin et sa grande souplesse », sa faculté à bien se coordonner avec son partenaire de l’arrière, qu’il s’agisse de Verlet ou de Gindrat, plus tard.

Charles Bilot cherche la passe plutôt que le dégagement

Autres qualificatifs, concernant Charles Bilot : « arrête de façon supérieure » (son adversaire, en taclant) ou encore : « reprend la balle dans toutes les positions, et passe très adroitement à ses avants. » Une qualité précieuse : à l’époque, on n’attend guère autre chose d’un arrière qu’un dégagement de volée, le plus fort possible, afin d’éloigner le danger, à la façon du rugby, dont le football dérive, avec cet inconvénient que le ballon revient à l’adversaire ! Alors, passer plutôt que dégager en force est bien plus constructif. Verlet est du genre à dégager en force, Bilot, à passer en finesse.

C’est la raison pour laquelle il sera sélectionné à nouveau, après sa partie inaugurale de 1904, où, appelé à la dernière minute pour suppléer au forfait de Wilkes, il dut jouer demi-aile, comme son frère, et se tira d’affaire grâce à sa vélocité. Mais resélectionné …pas tout de suite. Il n’est même pas remplaçant, comme son frère Géo. Il faudra attendre 1908 pour le revoir, parce qu’il faut trouver deux équipes à aligner pour les Jeux olympiques de 1908. Alors, on reconstitue pour l’occasion la paire Bilot-Verlet, qui est rodée, puisqu’elle évolue en club (au CAP) depuis des années. Ce qui n’empêchera pas la déroute, face au Danemark (0-9). Consolation : la presse dit qu’« il fut le meilleur arrière français qui vient de jouer à Londres ».

Un 0-20 à Ipswich

L’USFSA ayant claqué la porte de la FIFA en 1908, justement, boycottée par tous les pays adhérents à la Fédération Internationale, où le CFI a pris la place vacante pour la France, tenta cependant de continuer à jouer des matchs internationaux avec d’autres dissidents, dont l’Amateur Football Association anglaise ; Charles Bilot fut sélectionné en mars 1910 pour aller jouer à Ipswich… et y connu la pire humiliation du football français, pire qu’aux Jeux olympiques de 1908 où la seconde équipe de France (sans Bilot) avait encaissé 17 buts. A Ipswich, l’équipe de l’USFSA prit vingt buts sans pouvoir en rendre un seul : 0-20 !

Peut-on encore avoir un avenir international, après un pareil naufrage ? Eh bien oui ! Le CAP ayant rompu avec l’USFSA pour passer avec armes et bagages à « l’ennemi », à savoir le CFI, qui avait bien besoin de renforts pour sa sélection nationale, Bilot se trouva resélectionné en avril 1911, pour une série de trois matchs, contre l’Italie (avec son vieux compère Verlet, 2-2), puis la Suisse (avec Gamblin, 2-5) et enfin la Belgique (avec Compérat, 1-7).

Frappé par la tuberculose en soignant un malade

Au cours de ce dernier match, il se blessa assez sérieusement lors d’une chute et « ne fut plus d’aucune utilité pour son équipier », ce qui explique l’ampleur du score ; mais, et en dépit des défaites, Bilot recueillit des compliments pour les deux autres matchs. Face à l’Italie : « le meilleur sur le terrain, se montra absolument parfait » ; et face à la Suisse « le meilleur parmi nos représentants. ». En 1912, il fut donc choisi à nouveau, et associé cette fois-ci à Gindrat pour jouer contre la Belgique (1-1) ; la presse dit qu’avec Gindrat, ils constituèrent une « paire de backs merveilleuse », un « duo formidable ».

Mais Bilot, quoique sélectionné, dut déclarer forfait pour les deux matchs suivants, en février et mars 1912, contre la Suisse et l’Italie : il est alors dit indisposé. Mais la réalité est plus cruelle. Charles Bilot est devenu médecin en 1909, et, en soignant un malade atteint de tuberculose, a contracté la maladie, qui est contagieuse par les gouttelettes projetées lors de la toux. Il en décèdera le 17 septembre 1912, à 29 ans à peine. « Pauvre vieux Charly, si sympathique à tous », dit L’Auto

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Il fut enterré au Père-Lachaise, et ses coéquipiers ouvrirent une souscription afin d’orner sa tombe d’une statue, sculptée par Jean-Marie Mengue, qui est aujourd’hui retirée en raison de son état dégradé. Il y a même eu, pour collecter des fonds, un match entre le CAP et l’équipe de France en juin 1913 : au CAP jouaient des internationaux comme Bard, Mesnier, Bigué et Gravier, tandis qu’en face évoluaient les Chayriguès, Moigneu, Hanot, Montagne, Ducret, Barreau, Voyeux, Poullain, Maës, Romano et Dubly…

Son frère Georges avait été, pour sa part, atteint en 1905 de la fièvre typhoïde, dont le complication, l’hémorragie intestinale, est très dangereuse. Il s’en était sorti, mais très affaibli. Il rejoua avec le CAP cependant, finaliste du championnat de France USFSA en 1909 (battu par le Stade Helvétique de Marseille), mais gagna, toujours avec son frère Charles, le Trophée de France du CFI (disputé entre les champions des différentes fédérations adhérentes au CFI, qui, rappelons-le, n’était qu’une fédération de fédérations, une superstructure), en battant 1-0 l’Etoile des Deux-Lacs, champion des Patronages.

  • L’Auto du 19 septembre 1912 (BNF Gallica)

Des éclats d’obus dans la jambe droite

Géo Bilot jouait encore, en équipe seconde, pour le CAP, de même qu’Auguste (dans les cages !) jusqu’à la déclaration de guerre en 1914. En 1915, Auguste Bilot est atteint par des éclats d’obus à la jambe droite, d’où résultera une ostéite avec fistule, dont il ne se remettra jamais complètement. Il est mort en le 13 janvier 1923 à 41 ans « des suites d’une blessure de guerre », alors qu’il était devenu membre du comité de sélection de l’équipe de France.

Il avait rejoint le comité de sélection en décembre 1920, à la suite de la démission de Gabriel Hanot et Achille Duchenne (due aux incidents qui s’étaient passés lors des jeux d’Anvers), en avait été le secrétaire, reconduit en juin 1921, puis juillet 1922, car le comité de sélection (bénévole, cela va sans dire) était reconduit, ou modifié, chaque saison. Il a donc participé à la composition de sept équipes de France, pour cinq défaites, mais cependant deux victoires remarquables, l’une contre l’Angleterre en mai 1921, tant attendue et pourtant inespérée, (2-1) et la seconde en janvier 1922 contre la Belgique, qui était alors championne olympique (2-1 également). Il était toujours le secrétaire du CAP (sélectionnant du coup ses joueurs, Bard et Vanco), et eut la joie de voir son club gagner la Coupe de France en 1920, contre le Havre.

Georges Bilot, qui avait repris l’entreprise paternelle de transports, et avait arrêté sa carrière de joueur à la Guerre, en sortit indemne et fut le seul des trois frères à échapper à une mort prématurée. Il s’est éteint le 9 février 1964, à presque 80 ans.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Vos commentaires

  • Le 24 mars à 19:16, par ALAIN BILOT…petit neveu de CHARLES BILOT En réponse à : Les premiers Bleus : Auguste, Charles et Georges, trois Bilot pour le prix d’un

    CHARLES BILOT mon grand oncle Médecin (1883-1912) est en effet décédé de la tuberculose ayant joué son dernier match Sous la pluie, alors qu’il avait une bronchite.., il a en effet contracté la tuberculose auprès de ses patients

    AUGUSTE BILOT est mon GRAND-PÈRE (mars 1881-janvier 1923)
    Il a également été arbitre international de football, avant la Grande guerre en Europe Bien sûr au frais de mon arrière grand père JEAN -DOMINIQUE BILOT dessus ( nom complet de ma famille) qui était fort riche,propriétaire de la plus grande maison de transport de PARIS …

    ERREUR à CORRIGER relatif à AUGUSTE….mon grand-père

    LORS DE LA BATAILLE DE VERDUN, AUGUSTE BILOT A ÉTÉ BLESSÉ NON PAS A UNE JAMBE ,
    MAIS PAR UN ÉCLAT D’OBUS DANS UN REIN….(droit ou gauche je ne me souviens pas de ce que mon père m’a dit…)
    AUGUSTE été opéré par le célèbre professeur de médecine LOUIS OMBREDANNE (1871-1956) médecin-chef de l’hôpital de Verdun ..
    ensuite exerçant à l’hôpital NECKER, Il a assuré le suivi de la santé de mon grand-père : son rein suppurant sans cesse, en l’absence d’antibiotiques :
    C’ETAIENT DES VERS ..qui assuraient le nettoyage de la plaie ouverte..!!!
    mon grand-père est donc mort sans doute de scepticemie.

    Alain BILOT
    Commandeur de l’ordre des arts et des lettres
    Président de l’Académie du Berry

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