Les quasi-Bleus (2/3) : ceux des matchs officieux

Publié le 6 octobre 2020 - Pierre Cazal

Ceux-là ont porté le maillot bleu, ont joué avec, mais ne comptent aucune sélection : le match auquel ils ont participé n’était pas officiel, non reconnu par la FIFA. Pas de chance. Ils sont 91 dans ce cas.

4 minutes de lecture

Si « tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui est vers n’est point prose » selon Molière, tout ce qui est officieux n’est pas officiel, en match international. Qu’est-ce qu’un match officiel ? C’est un match « représentatif » opposant les équipes nationales de deux fédérations affiliées à la FIFA. Il suffit donc qu’une des deux fédérations refuse cette représentativité, ou qu’une des deux équipes ne présente pas de caractère de représentativité, pour que ledit match ne figure pas au palmarès, et que les joueurs ne comptabilisent pas de sélection.

Le cas est rare quand il s’agit de deux sélections A, implicitement représentatives. Il s’est quand même produit, contre la Grèce en 1920 (8-0), la Norvège en 1922 (0-7), le Brésil en 1930 (2-3), la Tchécoslovaquie en 1967 (3-1), l’Algérie en 1968 (5-2), la Hongrie en 1969 (2-2) et la Roumanie en 1977 (2-0), pour des raisons dans le détail desquels il serait trop long de s’aventurer ici.

Autre cas de figure : des matches sortant du cadre de la FIFA : le tournoi olympique de 1900, les parties jouées par l’USFSA quand elle est sortie de la FIFA (1909-1912), les matches de guerre contre la Belgique (1915-1918), les Jeux Interalliés de 1919, les tournées en Suède (1919) et en Yougoslavie (1921, avec des matches contre la Slovénie, 5-0, et la Croatie , 1-4 , pas indépendantes), ceux contre la British Army (1919, 1940, 1944, 1945), et jusqu’à un match contre les professionnels de Hollande en 1953 (1-2).Même si les Bleus alignés sont les meilleurs, identiques à ceux alignés au précédent match officiel, ou au suivant, le match ne peut qu’être officieux.

Enfin, sont officieux tous les matches disputés par l’équipe de France contre des clubs ou des sélections régionales, à titre d’entraînement. On en compte une soixantaine entre 1903 et 2002 ; ne sont en revanche pas comptabilisés les matches disputés contre des équipes françaises, y compris issues des ex-colonies d’Afrique du Nord, car ne présentant pas de caractère international. Depuis 2002, l’équipe de France ne dispute plus que des matches officiels.

Près d’une centaine de joueurs concernés

Les « Bleus à zéro sélection », ou quasi-Bleus, alignés en match officieux sont moins nombreux que ceux ayant connu des sélections blanches (91 contre 154, dont 25 faisant partie des deux catégories). Ayant joué, au contraire des précédents qui sont restés sur le banc, ils ont eu l’occasion de se faire valoir, et de récolter ultérieurement des sélections officielles. Inversement, s’ils ont déçu ils n’ont pas été rappelés, y compris pour des matches officieux. Ce qui explique que l’immense majorité des joueurs appelés en match officieux mais pas en match officiel ne compte qu’une, voire rarement deux sélections. Le dernier en date, pour l’anecdote, fut le défenseur Nantais Thierry Bonalair, aligné en 1989 contre l’équipe d’Arsenal (0-2).

René Lhermitte, 5 sélections, les a récoltées pendant la Grande Guerre, pendant laquelle aucun match ne fut officiel, et les Jeux Interalliés de 1919. René Lhermitte était barré par Jean Ducret (le seul de valeur mondiale chez les blancs rayés de bleu) bénéficia pendant la guerre de l’indisponibilté de Ducret (mobilisé aux usines d’aviation Clerget et Blin). Mais son transfert jugé suspect au Stade Roubaisien (contre de l’argent, donc) lui valut d’être ostracisé ensuite par le comité de sélection ! Il s’établit ensuite à Nancy, et un accident d’auto lui valut d’être amputé en 1931.

Auguste Schalbart a obtenu ses cinq capes officieuses sous les couleurs de l’USFSA [1]. Il en va de même du gardien de but Guy De Gastyne et de l’ailier Carlos Bacrot, 4 sélections officieuses chacun.

Pierre Gastiger : si ce n’est toi, c’est donc ton frère !

Pierre Gastiger (1893-1943) a joué la finale des Jeux Interalliés contre les Tchèques (2-3), et a connu 3 sélections blanches. Frère de Maurice Gastiger, il a longtemps été crédité des deux sélections officielles obtenues par son frère en 1914, contre le Luxembourg et la Suisse, on ne sait trop pourquoi. Cette erreur a été corrigée en 1992 seulement : mais comment confondre Pierre, demi-aile, plus petit, et Maurice, ailier, plus grand, plus fin techniquement ? Il faut dire que les deux frères ne sont jamais quittés, tant à Levallois qu’à Rennes, sous les couleurs duquel ils perdirent en 1922 une finale de Coupe de France contre le Red Star ; Pierre est mort en 1943 lors d’un bombardement (anglais...) et Maurice, si gravement blessé qu’il fallut l’amputer.

Le geste chevaleresque de Roger Ebrard

Il faut aussi parler de Roger Ebrard (1896-1998), décédé à presque 102 ans (volontairement, ayant choisi de cesser de s’alimenter), qui s’est illustré lors de la tournée de 1922 en Norvège. De même que Lhermitte avait été barré au poste crucial de demi-centre (meneur de jeu dans le 2-3-5) par Ducret, Ebrard fut barré par Petit, puis par Hugues. Le fait de jouer au FC Lyon ne l’avantagea pas, l’éloignant du regard des sélectionneurs. Il joua cependant la finale de la première Coupe de France en 1918, et s’y illustra par un geste chevaleresque : le gardien de Pantin, le Belge René Decoux, ayant été expulsé pour une brutalité, Ebrard, capitaine du FC Lyon, intervint auprès de l’arbitre pour obtenir sa clémence : ce dernier se laissa fléchir et invalida l’expulsion. Conséquence, Lyon perdit 3-0 !

Le destin tragique de Jean Le Bidois

Quant au gardien de but Jean Le Bidois, il est mort en mars 1927 en plein match de championnat, dans les cages du SO Est. Il plongea avec témérité dans les pieds de l’international suisse Aaron Pollitz, qui lui mit un coup de pied dans la carotide ! Le pauvre Le Bidois mourut sur le coup. Il avait été sur le banc pendant les JO de 1920, et joua en juin 1921 contre la Slovénie (5-0) lors de la tournée en Yougoslavie.

Alphonse Nicol (1885-1913) était capitaine du Racing Club de France. Ce demi-aile de valeur eut la malchance de s’affirmer au premier plan quand l’USFSA venait de claquer la porte de la FIFA. Ainsi ne peut-il comptabiliser aucune sélection officielle, alors qu’il a joué 4 fois sous le maillot bleu frappé du coq, alors celui de l’USFSA (celui du CFI étant blanc à rayures bleues verticales avec col et poignets rouges, et sans logo), notamment pendant le tournoi de Roubaix en 1911, pompeusement appelé « championnat d’Europe amateur » (3 participants : France USFSA, Angleterre AFA et Bohême -aujourd’hui Tchéquie-, tous hors FIFA). Nicol s’appelait Niculescu, était Roumain, né à Bucarest, naturalisé français. Il mourut prématurément de la fièvre typhoïde en novembre 1913.

Henri Zambelli, le Maracana depuis le banc

Plus récemment, Henri Zambelli est devenu dirigeant à Valenciennes après avoir fait une carrière de défenseur à l’OGC Nice et à l’OM. Il eut 5 sélections B, fut remplaçant contre les Tchèques en 1976, de même que lors de la mini-tournée de 1977 en Amérique du Sud il connut le banc contre l’Argentine et le Brésil. Pour le récompenser, Michel Hidalgo lui offrit une place dans l’équipe lors du match contre l’Atletico Mineiro de Belo Horizonte, perdu 1-3. Mais pendant 65 minutes seulement... le temps que Platini le remplace (sans effet sur le score).

[1Entre 1909 et 1912, deux équipes de France ont existé en parallèle, seule celle du CFI étant reconnue par la FIFA , et ouvrant droit à des sélections officielles pour les joueurs

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