Quatre matchs oubliés de l’histoire des Bleus

Publié le 28 avril 2020 - Richard Coudrais

Quatre rencontres de l’équipe de France contre des sélections nationales ont été occultées des statistiques. Aucune d’elle ne mérite pourtant d’être oubliée. Nous nous employons à préserver leur mémoire.

8 minutes de lecture

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L’équipe de France a disputé des rencontres que la FFF et ses devancières n’ont jamais vraiment reconnues. On peut compter dans l’histoire jusqu’à plus de cinquante matchs où l’équipe nationale a rencontré des équipes de clubs ou d’éphémères sélections plus ou moins hétéroclites dans le cadre de matchs de préparation, de bienfaisance ou de jubilés.

Il y a parmi ces matchs oubliés quelques rencontres contre d’authentiques sélections nationales qui ne figurent pas dans la liste officielle des matchs de l’équipe de France. Quatre d’entre elles présentent toutes les conditions pour y figurer, mais elles ont été, volontairement ou pas, occultées.

Deux d’entre elles datent de l’entre-deux-guerres. La FFF ne les a pas reconnues mais elles figurent malgré tout dans l’historique des fédérations adverses, en l’occurrence celles de la Norvège et du Brésil. Un cas de figure comparable aux matchs que l’équipe de France disputaient contre l’Angleterre avant 1921, toutes reconnues par la FFF mais complètement ignorées par la FA, puisque les équipes anglaises envoyées contre nos Tricolores étaient constituées de joueurs amateurs.

Les deux autres rencontres oubliées de l’équipe de France ont eu lieu au beau milieu de la deuxième moitié du vingtième siècle. La FFF les aurait volontiers reconnues, mais ce sont les Fédérations adverses, la Hongrie et la Roumanie, qui ont demandé à ce qu’elles ne soit pas considérées comme officielles. Cela n’en reste pas moins deux rencontres mémorables.

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Norvège-France, 11 juin 1922

A l’issue d’une saison 1921-1922 où elle a disputé trois matchs et concédé deux (lourdes) défaites, l’équipe de France entreprend en juin 1922 un petite tournée en Norvège, pays dont elle n’a jusqu’alors jamais affronté la sélection. Douze joueurs sont du voyage dont pas moins de neuf novices.

Après une première rencontre perdue 3-2 le 6 juin contre une sélection régionale du Rogaland, les Français sont opposés à l’équipe A de Norvège au stade Gressbanen d’Oslo. Le match se déroule en présence du roi Haakon VII. L’ambassadeur de France a également fait le déplacement tout comme le gratin des deux fédérations. Bref, le match est on ne peut plus officiel.

Sur le terrain, la Norvège mène 2-0 à la pause puis s’impose finalement 7-0 : quatre buts de l’attaquant Einar « Jeja » Gundersen (3e, 61e, 68e, 75e), deux d’Einar Wilhelms (51e et 80e) et enfin un dernier de Gunnar Andersen (30e) pour faire le compte.

A peine la pilule avalée, les dirigeants français demandent à ce que le match ne soit plus considéré comme officiel. Ce que refusent leurs homologues norvégiens trop heureux d’inscrire cette belle victoire dans leurs statistiques. La FFFA décide malgré tout d’oublier purement et simplement cette rencontre. Elle s’aligne opportunément sur la FIFA et son président Jules Rimet qui ont refusé de leur côté l’homologation de cette rencontre parce qu’elle n’avait pas reçu le courrier de la fédération norvégienne dans les délais impartis. Que se serait-il passé si la FIFA avait été présidée par un Norvégien ?

Les joueurs français : Émile Friess (AS Strasbourg) - Fernand Thirion (CA Vitry), Grégoire Berg (Red Star Strasbourg), remplacé par Robert Coat (AS Brest) à la mi-temps - Georges Moulène (CA Paris), Clément Bungert (AS Messine), Albert Lerouge (RC Roubaix) - Gérard Isbecque (RC Roubaix), Emile Bourdin (Stade Rennais), Marcel Fauchet (US Servannaise), Roger Ébrard (US Servannaise), Raymond Dubly (capitaine, RC Roubaix).

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Brésil-France, 1er août 1930

L’équipe de France a beau avoir été éliminée dès le premier tour de la première Coupe du monde en 1930, son passage en Uruguay n’est pas passé inaperçu. Sa magnifique résistance face à l’Argentine notamment l’a rendu très populaire auprès du public sud-américain. Une fois l’élimination consommée, la délégation tricolore n’est pas rentrée directement au pays. Durant le tournoi, elle a été contactée pour disputer d’autres rencontres face à des équipes locales et une mini-tournée post-Coupe du monde s’est mise en place sur le chemin du retour. Ainsi les joueurs français affrontent-il le club du Nacional à Montevideo (victoire 3-2). Ils se rendent ensuite au Brésil pour affronter le Santos FC (défaite 6-1) puis le Fluminense.

Mais au lieu du club carioca, c’est bien l’équipe nationale brésilienne au grand complet qui se dresse le 1er août 1930 face aux Tricolores. Une Seleção d’autant plus complète que contrairement au Mondial uruguayen, elle peut compter sur l’ensemble de ses joueurs. L’équipe brésilienne s’était en effet rendue en Uruguay sans ses joueurs paulistes en raison de sempiternels désaccords entre les fédérations des états de Sao Paulo et de Rio.

Face à la France, les Brésiliens peuvent compter sur les grands absents du premier mondial, notamment Arthur Friedenreich, Heitor Domingues et Fausto dos Santos. Le stade Alvarado-Chaves du Fluminense disposant de projecteurs, la rencontre se déroule en nocturne, une première pour l’équipe de France. Les Tricolores ne se laissent pas impressionner pour autant et Edmond Delfour ouvre le score après seulement sept minutes de jeu. Puis l’attaquant du RC Paris double la mise après vingt minutes.

L’équipe brésilienne se met alors à l’ouvrage et Heitor Domingues réduit la marque à la demi-heure. Ensuite, c’est Arthur Friedenreich qui égalise juste avant la pause. En deuxième période, Heitor Domingues donne l’avantage à son équipe (3-2) en marquant son deuxième but de la soirée. En toute fin de match l’attaquant français André Maschinot (qui a suppléé Lucien Laurent blessé dès la septième minute) manque une belle occasion d’égaliser.

La défaite est consommée mais elle n’a rien d’infâmant. La rencontre figure bien sur les tablettes de la fédération brésilienne, mais elle a tout simplement été ignorée par la Fédération française. Celle-ci arguera qu’elle devait jouer contre Fluminense et non pas la sélection brésilienne. En outre, la FIFA n’a jamais reçu la feuille de match signée des deux capitaines.

L’équipe de France : Alex Thépot (Red Star) - Etienne Mattler (Sochaux), Marcel Capelle (Racing), Augustin Chantrel (CASG) - Célestin Delmer (Amiens), Alexandre Villaplane (Racing) - Ernest Liberati (Amiens), Edmond Delfour (Racing), Marcel Pinel (Red Star), Lucien Laurent (Sochaux) remplacé par André Maschinot (Sochaux) dès la 7e minute, Laurent Languillier (E. Roubaix).

Avec le recul, il est vraiment dommage que le premier France-Brésil de l’histoire soit absent des statistiques de l’équipe de France. En 1990, Jean-Michel et Pierre Cazal, auteurs de L’Intégrale de l’équipe de France de football avaient déposé auprès de la FFF un dossier pour demander l’homologation a posteriori des rencontres face à la Norvège et au Brésil. Une requête à laquelle la Fédération n’a pas donné suite.

France-Hongrie, 12 février 1969

Le 12 février 1969, le stade Gerland à Lyon est le théâtre d’une rencontre France-Hongrie. L’équipe de Louis Dugauguez reste sur une invraisemblable défaite à Strasbourg contre la Norvège, l’une des plus faibles sélections européennes de l’époque, et a compromis sa participation à la Coupe du Monde au Mexique. Le match de Lyon contre la Hongrie est programmé un mois tout juste avant un déplacement amical à Wembley qui s’annonce périlleux.

Les Magyars quant à eux reviennent d’une tournée en Amérique du Sud et se rendent à Gerland sans pression particulière. Leur fédération a demandé à jouer contre une équipe de France espoirs, annulant le caractère officiel de la confrontation. Ainsi Louis Dugauguez a sélectionné six novices dans son onze de départ : Dominique Baratelli, Jean-Paul Rostagni, Jean-Michel Larqué, Jacques Novi, Louis Floch et Jean-Claude Bras.

Le match est malgré tout diffusé en direct à la télévision française. La France doit jouer en blanc et les Hongrois dans leur traditionnel maillot rouge, mais une heure avant le coup d’envoi, ces derniers font savoir qu’ils jouent finalement en blanc. Neuf ans avant Mar Del Plata, une histoire de maillots oubliés avait donc déjà perturbé un France-Hongrie ! A Gerland, l’équipe de France emprunte la tenue de l’Olympique Lyonnais (qui a le mérite d’être bleue) pour disputer cette rencontre.

Florian Albert ouvre le score pour les Hongrois, mais Hervé Revelli parvient à égaliser juste avant la pause. Au retour des vestiaires, les Français prennent l’avantage par Loulou Floch (62e) mais les Hongrois égalisent grâce à Gyula Rákosi qui profite d’une hésitation coupable de Dominique Baratelli.


 

L’équipe de France : Dominique Baratelli (Ajaccio) - Jean Djorkaeff (Marseille), Jean-Paul Rostagni (Monaco), Bernard Bosquier (capitaine, Saint-Etienne), Jean Baeza (Red Star) - Henri Michel (Nantes) [82e Jean-Michel Larqué (Saint-Etienne)], Jacques Novi (Marseille), Georges Bereta (Saint-Etienne) - Charly Loubet (Nice), Hervé Revelli (Saint-Etienne) [46e Louis Floch (Rennes)], Jean-Claude Bras (Valenciennes).

France-Roumanie, 2 février 1977

Le premier match de l’année 1977 pour l’équipe de France se déroule à Bordeaux. Michel Hidalgo et ses Bleus y retrouvent Stefan Kovacs, l’ancien sélectionneur désormais aux destinées de l’équipe de Roumanie. Ce 2 février au stade municipal, antre des Girondins, Michel Hidalgo n’hésite pas à aligner cinq débutants : André Rey dans les buts, Patrick Battiston et André Burkhardt en défense, Omar Sahnoun au milieu de terrain et Bruno Baronchelli en attaque.

Curieusement, la fédération roumaine, comme celle de la Hongrie huit ans plus tôt, a refusé que ce match soit considéré comme officiel. Qu’importe, la jeune équipe de France fait jeu égal avec les Roumains au grand complet. En deuxième période, Michel Hidalgo a la riche idée de faire entrer Alain Giresse, l’enfant du pays. Les 15.000 spectateurs sont d’autant plus ravis que le capitaine bordelais est à l’origine des deux buts français, inscrit par les Nancéens Platini (54e) et Rouyer (65e).

La rencontre ne sera jamais considérée comme une sélection. Dommage pour André Burkhardt, le défenseur bastiais qui ne sera jamais rappelé. Dommage aussi pour son coéquipier Jacques Zimako qui dispute son deuxième match en tricolore (il avait joué en 1975 contre le club d’Hambourg) mais voit toujours son compteur sélections bloqué à zéro. Mais il aura l’occasion de disputer d’autres rencontres avec l’équipe de France.

L’équipe de France : André Rey (Metz) - Patrick Battiston (Metz), Patrice Rio (Nantes) [46e Alain Giresse (Girondins de Bordeaux)], Christian Lopez (capitaine, Saint-Etienne), André Burkhardt (Bastia) - Henri Michel (Nantes), Omar Sahnoun (Nantes), Michel Platini (Nancy) - Jacques Zimako (Bastia) [46e Bruno Baronchelli (Nantes)], Bernard Lacombe (Lyon), Olivier Rouyer (Nancy).

Et aussi (en attendant la Coupe du monde)

Deux autres rencontres opposant l’équipe de France à une équipe nationale se sont déroulées sans avoir été retenue par l’histoire. Mais il s’agissait de rencontres de préparation disputées avec quelques libertés au niveau des règlements.

Le 3 juillet 1930, quatre équipes débarquent du Conte Verde à Montevideo pour disputer la première Coupe du monde de l’histoire, parmi lesquelles celles de l’équipe de France et de Roumanie. Les deux formations se sont mises d’accord pour un match d’entraînement le 10 juillet histoire de dégourdir quelques jambes qui n’ont pas connu la terre ferme depuis quinze jours de traversée. La rencontre ne dure pas plus d’une heure. Les Français inscrivent quatre buts, les Roumains deux.

Cinquante-six ans plus tard, sur les hauteurs de Tlaxcala de Xicoténcatl (Mexique), l’équipe de France prépare à 2 230 m d’altitude une nouvelle Coupe du monde, celle de 1986. Trois rencontres sont prévues à l’Estadio Tlahuicole : l’équipe espoirs du Mexique, le club des Pumas de Mexico, mais avant tout, le 21 mai, l’équipe nationale du Guatemala.

La rencontre se déroule en trois tiers-temps afin qu’Henri Michel puisse faire entrer ses 21 joueurs sans provoquer d’interruption de jeu. En l’absence de Luis Fernandez blessé, ce sont donc trois compositions différentes qui font face à la sélection guatémaltèque. Seuls Amoros et Tigana jouent le match en entier.

Les hommes d’Henri Michel évoluent avec leur tenue d’entraînement (maillot rouge, short rouge et bas bleus) comme pour être sûr que les téléspectateurs de La 5, qui diffuse le match en direct, comprennent bien qu’il s’agit d’un match d’entraînement. Les Français l’emportent 8-1 mais le plus beau but est celui des Guatémaltèques, signé par le dénommé Castro qui envoie à la 17’ minute un magnifique coup-franc dans la lucarne de Joël Bats.

L’équipe du premier tiers-temps : Bats - Amoros, Bibard, Bossis, Ayache - Tigana, Genghini, Giresse, Platini - Rocheteau, Papin.
L’équipe du deuxième tiers-temps : Rust - Amoros, Battiston, Bossis, Tusseau - Tigana, Giresse, Platini - Rocheteau, Papin, Stopyra.
L’équipe du troisième tiers-temps : Bergeroo - Amoros, Battiston, Le Roux, Tusseau - Tigana, Ferreri, Vercruysse - Xuereb, Stopyra, Bellone.


 

pour finir...

Merci à Pierre Cazal pour les précisions.

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