Quand les Bleus manquaient l’Euro

Publié le 21 mars 2020 - Matthieu Delahais

Six Euros de perdus, dix de retrouvés. Si l’équipe de France participera l’an prochain à sa huitième phase finale européenne consécutive, elle avait manqué toutes les précédentes, hormis quand elle accueillait l’épreuve. Réévaluons son véritable niveau de l’époque.

6 minutes de lecture

L’équipe de France participera en juin 2021 à son huitième championnat d’Europe de suite. Il s’agit de la deuxième meilleure série en cours, juste derrière l’Allemagne présente systématiquement depuis 1972 (13e phase finale de suite). Les Bleus s‘étaient également qualifiés en 1960 lors du tournoi inaugural et avaient organisé l’édition de 1984, ce qui leur avait assuré une participation sans passer par la phase éliminatoire (tout comme en 2016). Entre 1964 et 1980, soit cinq éditions de suite, la France n’est pas parvenue à passer l’obstacle des qualifications, ainsi qu’en 1988 qui reste à ce jour sa dernière absence.

1964 : la Hongrie facile en quarts

 Système de qualification : élimination directe en aller-retour (préliminaire, huitième, quart). Les vainqueurs des quarts participent au tournoi final organisé par l’un des qualifiés.

La France passe par un tour préliminaire où elle élimine brillamment l’Angleterre. Après un bon match nul à Wembley (1-1), les Tricolores s’imposent au retour 5-2, remportant la plus large victoire de leur histoire face à leurs voisins d’outre-Manche. Mais entre le match aller et le retour, un vif différent va opposer le sélectionneur Georges Verriest à Raymond Kopa. Ce dernier refuse de jouer, est suspendu deux mois et demi, mais ne reviendra plus jamais en équipe de France, ce qui va évidemment pénaliser l’équipe.

En huitième de finale, les Français retrouvent les Bulgares qui les avaient privés de la Coupe du monde 1962 lors d’un match d’appui. Les Tricolores prennent leur revanche en les battant 3-1 au retour, ce qui efface la défaite à Sofia (0-1). En quart de finale, ils buttent sur les Hongrois qui ne leur laissent rien espérer (défaite 1-3 à Colombes, puis 1-2 au Nepstadion de Budapest).

 Niveau estimé : troisième moins bon quart-finaliste vaincu, la France serait septième, sur 29 participants.


 

1968 : une débâcle en Yougoslavie

 Système de qualification : huit groupes de trois ou quatre nations dont les vainqueurs se retrouvent en matches aller-retour pour déterminer les quatre qualifiés pour le tournoi final, organisé par l’une de ces quatre nations. La France est placée dans la poule de la Belgique, de la Pologne et du Luxembourg.

Si les Belges accrochent les Français (défaite 1-2 à l’aller à Bruxelles, nul 1-1 au retour au Stade Marcel-Saupin de Nantes), le sans faute face aux Polonais (2-1 à Paris, 4-1 à Varsovie) et aux Luxembourgeois (3-0 à Luxembourg, 3-1 à Paris) assure aux Tricolores la première place et l’accessit au tour suivant. Ils y retrouvent les Yougoslaves et préservent leur chance à l’aller (1-1 à Marseille).

Mais le retour vire au cauchemar. L’équipe de France est menée 3-0 au bout d’un quart d’heure et Petrovic marque un quatrième but à la demi-heure de jeu. Di Nallo réduit l’écart dans la foulée, mais il est déjà trop tard. A dix minutes de la fin, Musemic ajoute un cinquième but. Cette défaite 1-5 élimine les Tricolores qui échouent une nouvelle fois aux portes de la phase finale. C’est aussi la dernière fois que la France s’inclinera sur un score aussi lourd dans un match de compétition.

 Niveau estimé : moins bon quart-finaliste vaincu, la France se classerait huitième, sur 31 participants.


 

1972 : derrière la Hongrie et la Bulgarie

 Système de qualification : huit groupes de trois ou quatre nations dont les vainqueurs se retrouvent en matches aller-retour pour déterminer les quatre qualifiés pour le tournoi final, organisé par l’une de ces quatre nations.

Les Français tombent avec les Norvégiens, qui avaient leur avaient mis des bâtons dans les roues en éliminatoires de la Coupe du monde 1970, ainsi que sur les Hongrois et les Bulgares.
Le parcours des Français est plutôt bon. Ils commencent par une victoire attendue face à la Norvège (3-1) et enchaînent par un nul en Hongrie (1-1). Mais s’ils confirment leur succès au retour face aux Scandinaves (nouvelle victoire 3-1), ils se font surprendre à domicile par les Hongrois (0-2). A cette époque, il n’y avait pas de semaines réservées pour regrouper les matches internationaux. De ce fait, il reste aux Tricolores à jouer leurs deux derniers matches face à la Bulgarie alors que toutes les autres rencontres se sont déroulées. Les Hongrois sont alors en tête avec 9 points, tandis que Français et Bulgares se partagent la seconde place avec 4 points. Les Français sont donc déjà éliminés et se partagent les points avec les Bulgares, chacun s’imposant 2-1 à domicile. Les Bleus terminent troisième à la différence de buts (+4 pour la Bulgarie, +2 pour la France).

 Niveau estimé : deuxième meilleur troisième de groupes (sur huit), la France se classerait dix-huitième, sur 32 participants.


 

1976 : dépassés par la Belgique et la RDA

 Système de qualification : huit groupes de trois ou quatre nations dont les vainqueurs se retrouvent en matches aller-retour pour déterminer les quatre qualifiés au tournoi final, organisé par l’une de ces quatre nations. Les Français sont opposés à la Belgique, à la RDA et à l’Islande.

C’est avec un sélectionneur de renom que les Tricolores abordent cette phase qualificative. Ils sont dirigés depuis un an par Stefan Kovacs, l’entraîneur roumain qui a mené l’Ajax d’Amsterdam à deux succès en Coupe des Clubs Champions (1972 et 73). Mais les Français sont dans le creux de la vague et ils démarrent par une défaite (1-2 en Belgique) et deux nuls (2-2 à domicile face à la RDA puis 0-0 en Islande) avant de remporter leur premier (et unique) succès de cette phase de poule (3-0 contre l’Islande). Tout comme lors de l’édition précédente, les Français disputent leur deux derniers matches (face à la RDA puis la Belgique) alors toutes les autres rencontres ont été jouées. Avec 4 points, contre 5 pour la RDA et 7 pour la Belgique, la France peut se qualifier en remportant ses deux derniers rendez-vous. Mais les Bleus ne font même vraiment illusion, perdant d’abord en RDA (1-2, même si Bathenay avait ouvert le score) avant de concéder le nul face à la Belgique (0-0) qui se qualifie.

 Niveau estimé : moins bon troisième de groupes (sur huit), la France se classerait vingt-quatrième, sur 32 participants.


 

1980 : la Tchécoslovaquie de justesse

 Système de qualification : sept groupes de quatre ou cinq nations, dont les vainqueurs sont qualifiés pour la phase finale en compagnie de l’Italie, qualifiée d’office en tant que pays organisateur.

L’édition de 1980 marque un changement notable, puisque la phase finale passe à huit équipes. L’Italie est qualifiée d’office en tant que pays organisateur et les 31 nations restantes sont réparties dans sept groupes de quatre ou cinq équipes. Chaque vainqueur de groupe se qualifie pour la phase finale. Les choses sont compliquées pour la France qui hérite de la Tchécoslovaquie, championne d’Europe en titre, de la Suède et du Luxembourg.

La France a une jeune génération pleine de promesses. Mais l’absence récurrente de Platini (qui ne joue que deux matches) va lui porter préjudice. Après un faux pas à domicile contre la Suède (2-2), les Bleus enchaînent deux succès face au Luxembourg (3-1 et 3-0), mais se font battre à Bratislava (2-0). Ils préservent leurs chances de qualification en gagnant en Suède (3-1) mais le succès face aux Tchèques sera insuffisant (2-1), puisque ce sera la seule fois où le champion d’Europe en titre ne gagnera pas.

 Niveau estimé : deuxième meilleur deuxième de groupes (sur sept), la France se classerait onzième, sur 32 participants.


 

1988 : coincés sous le rideau de fer

 Système de qualification : sept groupes de quatre ou cinq nations, dont les vainqueurs sont qualifiés pour la phase finale en compagnie de la RFA, qualifiée d’office en tant que pays organisateur. Les Bleus, récents troisième de la Coupe du monde 1986, sont opposés à l’URSS, la RDA, l’Islande et la Norvège.

Les débuts sont catastrophiques (nul en Islande 0-0 et défaite à domicile face à l’URSS). La sélection est en plein renouvellement (Tigana, Giresse, Bossis, Rocheteau ont pris leur retraite internationale, Platini les suivra au printemps 1987) et n’arrivent pas à trouver la bonne formule. Un semblant d’espoir revient après le nul intéressant en RDA (0-0) et la victoire attendue face à l’Islande (2-0), mais la défaite concédée en Norvège (0-2) scelle définitivement le sort des Français. En dépit d’un bon match nul à Moscou (1-1), les Français finissent en roue libre, ne faisant mieux que partager les points face à la Norvège à Paris (1-1) avant de s’incliner, toujours à domicile, face à la RDA (0-1). Les Bleus finissent à une piteuse troisième place, à égalité avec l’Islande (6 points).

 Niveau estimé : cinquième meilleur troisième de groupes (sur sept), la France se classerait vingtième, sur 32 participants.


 

Bilan : deux fois sur six dans le top 8

Les Bleus ont donc manqué six phases finales. Mais ce bilan n’est pas si mauvais (notamment pour les éditions de 1968, 1968, 1972 et 1980), surtout si on le met en perspective avec l’élargissement du nombre de participants à la phase finale depuis le début des années 1980.

 En 1964 et 1968, ils échouent en quart de finale, soit le top 8 européen. Cela situe ces performances au niveau de l’Euro 1992, disputés à 8 équipes, et des éliminations en quart de finale (cette fois-ci en phase finale) de 2004 et 2012.

 En 1980, la France échoue à un point de la qualification du premier Euro à huit. Ce résultat, qui place l’équipe de France au 11ème rang européen (puisqu’il n’y avait que sept groupes de qualification) aurait assuré une place à l’Euro dès qu’il a été élargit à 16 équipes (depuis 1996).

 En 1972, 1976 et 1988, la troisième place obtenue en phase éliminatoire situe la France entre la 18ème et la 24ème place européenne, ce qui aurait assuré une place dans un Euro à 24 équipes, tel que c’est le cas depuis 2016.

Pour terminer, il est intéressant de remarquer que cinq des six non-qualifications sont le fait de nations d’Europe centrale ou orientale (Hongrie en 1964 et 1972, Yougoslavie en 1968, Tchécoslovaquie en 1980, URSS en 1998). La chute du bloc communiste à la charnière des années 1980-90 a divisé les forces de ces nations et aussi entraîné une augmentation du nombre de participants à l’Euro. La France en a bien profité…

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