Jacky Vergnes, une dent contre les Bleus

Publié le 28 juin 2025 - Raphaël Perry

Jacky Vergnes, redoutable buteur en championnat de France, n’a pas connu en équipe nationale la même réussite qu’en club, même s’il a bien marqué lors de sa seule sélection en bleu, en 1971. Il est décédé le 28 juin 2025 à l’âge de 76 ans.

  • Texte extrait de l’ouvrage « Bleus éphémères » de Raphaël Perry (2021, Hugo Sport)
3 minutes de lecture

Au début de la saison 1971/1972, l’équipe de France reprend les éliminatoires de la Coupe d’Europe des nations, après deux premiers matchs convaincants où elle à battu la Norvège (3-1) à Lyon et surtout tenu en échec (1-1) la Hongrie à Budapest. A Oslo, le 8 septembre 1971, le sélectionneur Georges Boulogne doit pallier l’absence de Hervé Revelli et fait appel au Nîmois Jacky Vergnes.

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Une dent remontée jusqu’à l’œil

Né le 21 juillet 1948 à Magalas dans l’Hérault, ce fils et petit-fils d’avants-centres, chaperonné à ses débuts au SO Montpellier par l’ancien international Théo (2 sélections), se destinait au métier de dépanneur de télévisions quand il jouait en amateurs à Sète. Devenu pro, il rêve de ressembler à Just Fontaine. Comme le héros de Suède, Vergnes a le but dans la peau et se sent quasi désarmé quand il ne porte pas son numéro fétiche. « Il me faut le 9 dans le dos. Appelez ça comme vous voulez, superstition ou entêtement » déclare-t-il à qui veut l’entendre.

Buteur prolifique, il a compté jusqu’à quinze sélections en équipe de France espoirs, dont la première contre la Suisse (4-0) en octobre 1969. Durant la saison 1970/1971, il a animé la rubrique médicale après un violent choc à la face avec l’Argentin de Rennes Hector Toublanc, une des dents du Nîmois est remontée jusqu’à son œil. Pour la récupérer, il a fallu l’extraire par le nez, une intervention si peu courante que le chirurgien avait convié tous ses internes.

En conséquence, Jacky Vergnes a eu la cloison nasale déviée, ce qui l’a un temps gêné pour respirer. Cela ne l’a pas empêché de continuer sa moisson avec vingt-sept buts inscrits en trente-et-un matches avec les Crocodiles, devancé seulement par les deux monstres sacrés Josip Skoblar (44 buts avec Marseille) et Salif Keita (42 buts avec Saint-Étienne). Meilleur buteur français d’alors (153 buts au total en 328 matches en D1), bien planté (1,86 m) et doté d’une belle détente verticale, Vergnes est reparti sur les mêmes bases quand il s’envole pour Oslo.

Un lob plein de sang-froid

Le 567e joueur de l’histoire des Bleus s’illustre après une demi-heure avec un lob plein d’adresse et de sang-froid pour ouvrir le score et lancer les Français vers la victoire (3-1). « Son intelligence éclata sur le premier but, d’abord l’appel de balle à (Henri) Michel, ensuite le geste technique pour marquer, raconte Miroir du Football. Sa talonnade qui mit (Charly) Loubet en position de tir n’échappa pas aux téléspectateurs, aussi surpris que les Norvégiens par cette passe. Puis, son association avec Georges Lech donna un autre visage à l’attaque française. »


 

Georges Boulogne, qui répugne à changer son équipe, avait-il une dent contre lui pour ne pas reconduire son tandem avec Lech le mois suivant contre la Hongrie ? Car Vergnes est renvoyé en équipe de France B, battue (0-1) par le Luxembourg au cours d’un match où, utilisé à contre-emploi, il a dû marquer un joueur à la culotte à défaut de buts. « A 23 ans, Vergnes semble être un intrus dans une sélection placée sous le sceau de la continuité contre la Hongrie. Ils sont rares les pays où les meilleurs buteurs sont écartés de l’équipe nationale », écrit le journaliste Francis Le Goulven du Miroir du Football, qui prend sa défense.

Trop gentil

« C’est sans doute parce que je suis trop gentil, que je ne suis pas fort en gueule et que je déteste l’esbroufe » reconnaît l’intéressé. Après cette frustration luxembourgeoise, il refait parler de lui avec un but marqué en Espoirs contre la Finlande en septembre 1972, ce qui lui vaut d’être rappelé par Boulogne le mois suivant contre l’URSS. Dix-septième homme, il assiste des tribunes à la courte victoire tricolore (1-0).

Les saisons suivantes, Vergnes le bourlingueur les enchaîne avec dix buts ou plus au compteur, que ce soit à Nîmes, Bastia, Reims, Laval ou Strasbourg, avec qui il obtient son seul titre de champion de France en 1979. Il avait pourtant quitté le club alsacien neuf mois avant le sacre, en froid avec son entraîneur Gilbert Gress, lequel lui préférait Joël Tanter. En contact très avancé avec Middlesbrough, il décline l’offre du club anglais dont la ville ne possède pas de collège français pour scolariser sa fille et rejoint finalement Bordeaux.

Ce passionné d’automobile finira par boucler la boucle sur sa terre natale, à la Paillade de Montpellier, en deuxième division, avec encore trente-trois nouveaux buts amassés dans sa besace. Dix-huitième meilleur buteur de tous les temps en première division (227 buts), meilleur buteur de D2 en 1979, l’homme aux neuf clubs en seize ans de carrière est décédé le 28 juin 2025 à l’âge de 76 ans.

Une sélection, un but

Sel.MatchDateLieuAdversaireScoreTpsJeuNotes
1 qEuro 1972 08/09/1971 Oslo Norvège 3-1 90 1 but
B Amical 10/10/1971 Esch-sur-Alzette Luxembourg 0-1 90

pour finir...

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Raphaël Perry, Bleus éphémères, histoires fabuleuses et cruelles des 244 joueurs sélectionnés une seule fois en équipe de France. Editions Hugo Sport, 2021, 360 pages, 19,95 euros

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