Mise à jour d’un article initialement paru en février 2019.

En football, où le nombre de buts est réduit et où de nombreux matchs sont gagnés sans encaisser de but, l’avantage pris par l’équipe qui marque en premier est énorme. Pour les Bleus, c’est 387 victoires (79% du total) et 43 défaites (9%) seulement sur les 492 matchs où ils ont ouvert le score depuis 1904. Lors de la dernière Coupe du monde, l’équipe de France a marqué le premier but du match quatre fois sur sept (l’Australie, la Tunisie et l’Argentine ont ouvert le score). Et à chaque fois, elle a remporté la rencontre. Mais au court de l’Euro 2020, elle a concédé trois fois l’ouverture du score, pour trois matchs nuls.

Bien sûr, marquer en premier n’est pas une garantie absolue : en juin 2022, les Bleus perdaient pour la première fois à domicile contre le Danemark (1-2) après que Karim Benzema ait marqué son 37e et dernier but en sélection. En mars 2018, les Bleus tombaient à Saint-Denis contre la Colombie (2-3) après avoir ouvert le score par Giroud (11e) et même mené 2-0. En en juin 2017 à Solna, ils s’inclinaient face à la Suède (1-2) après avoir marqué en premier, toujours par Giroud (37e).

Mais dans la plupart des cas, l’avantage est déterminant. Ils sont 207 à avoir ouvert le score pour les Bleus, dont 11 étrangers ayant marqué contre leur camp (le dernier étant le Gibraltarien Ethan Santos en novembre 2023). Avant de les retrouver dans un tableau récapitulatif, voici les sept plus efficaces, qui se situent tous, et c’est logique, dans le top 10 des meilleurs buteurs français.

Logique car les équipes dans lesquelles ils ont joué étaient plus fortes que la moyenne, marquaient plus souvent et encaissaient peu de buts.

Les abréviations de trois lettres utilisées dans les graphiques désignent les adversaires rencontrés. Si vous n’arrivez pas à identifier l’un d’entre eux, reportez-vous au tableau des adversaires.

Thierry Henry (19), dix dans la première demi-heure

Avec lui, ça allait très vite. Sur les 51 buts qu’il a marqués en sélection, 19 ont permis aux Bleus d’ouvrir le score, dont 10 inscrits avant la trentième minute. Dans le détail, ces dix-là se situent tous dans la période la plus prolifique de Thierry Henry, entre 2000 et 2006. 17 matchs se sont terminés par une victoire (dont seulement 4 avec un ou plusieurs buts encaissés) et deux par un nul, face à la Corée du Sud en 2006 (1-1) et contre la Roumanie en 2009 (1-1).

Antoine Griezmann (18), peut encore mieux faire

Il reste encore sans doute deux grosses années à l’attaquant de l’Atlético reconverti au milieu en sélection pour améliorer son total d’ouvertures de score, où il compte déjà 18 réalisations. Il est très efficace dans la première demi-heure avec 11 premiers buts (dont deux très rapides face aux Pays-Bas), et compte le meilleur ratio d’ouvertures de score par rapport au total de buts marqués (42%, soit 18 sur 43, mieux que Platini). Il aurait même pu être crédité d’un but supplémentaire si Mandzukic n’avait pas dévié son coup franc de la 18e minute contre la Croatie à Moscou.

Olivier Giroud (18), meilleur avant la pause

S’il y a toujours 0-0 à l’heure de jeu, ne comptez pas sur Olivier Giroud pour ouvrir le score : il ne l’a fait que quatre fois en deuxième mi-temps, le plus tard étant à la 78e (contre la Turquie à l’automne 2019). Pour lui, l’essentiel se joue dans le premier quart d’heure (7 premiers buts inscrits jusqu’à la 17e minute) et en fin de première mi-temps (4 autres entre la 40e et la 45e). Il peut encore améliorer son total, puisqu’il est toujours là...

Michel Platini (16), tôt ou tard

Si lui aussi était capable de faire tourner le tableau d’affichage (3 buts dans les 5 premières minutes, 6 avant la 20e), il pouvait ouvrir le score aussi souvent en deuxième période qu’en première. Avec un art consommé pour faire la différence dans le quatrième quart d’heure, celui qui suit le retour des vestiaires : c’est là qu’il a fait plier les Irlandais en 1976, les Hollandais en 1981, les Espagnols en 1984 (les deux fois sur coup franc, tiré quasiment du même endroit), les Anglais en 1984 et les Bulgares la même année (sur pénalty). On notera que 5 des 13 buts qu’il a inscrits en 1984 l’ont été pour ouvrir le score. Et qu’une seule fois la victoire n’a pas été au bout, contre la Bulgarie à Sofia en 1976 (2-2).

Zinédine Zidane (14), la demi-heure fatale

S’il a inscrit contre l’Italie en 2006 un des buts les plus rapides en finale mondiale (6e), le moment où Zidane était le plus dangereux à 0-0, c’est autour de la 30e : sur un créneau de 5 minutes (27e-32e), il a ouvert le score cinq fois, dont trois lors de matchs déterminants comme le Brésil 1998, l’Espagne 2000 et le Portugal 2006. Mais il a su aussi arracher la victoire dans le money time des cinq dernières minutes, pour des matchs de moindre importance (Pologne 2000 et Ukraine 2004). 45% du total de ses 31 buts ont permis aux Bleus d’ouvrir le score, mieux que Griezmann donc. Et les deux fois où ça a fini par un nul, c’était face aux Italiens.

Karim Benzema (13), une dernière qui casse l’ambiance

Avec lui, le calcul est vite fait : 13 ouvertures de score, 12 victoires françaises. Mais c’est son dernier but en sélection, en juin 2022 contre le Danemark, qui casse la série, puisque les Danois l’ont finalement emporté. Pour le reste, on peut noter la répartition équilibrée des buts sur la première heure de jeu, deux seulement étant tardifs (contre la Bosnie en 2010 et en Finlande en 2021), ce qui s’explique par le fait que l’ex-avant-centre du Real Madrid a passé en moyenne 65 minutes sur le terrain (beaucoup plus après son retour en 2021).

Kylian Mbappé (12), toujours avant l’heure

L’attaquant formé à Bondy est pressé, tout le monde le sait. Et pour ouvrir le score, c’est la même chose. Sur ses 12 fois, 9 ont eu lieu en première période, et la plus tardive, contre le Danemark à la Coupe du monde, n’était qu’à la 62e minute. Le dernier quart d’heure de la première mi-temps lui plaît bien, puisqu’il a marqué le premier but du match à quatre reprises à ce moment-là. Comme dans le premier quart d’heure, où il a sévi aussi quatre fois pour marquer en premier.

Jean-Pierre Papin (11), efficace de plus en plus tôt

Curieusement, c’est lors des trois dernières années de sa carrière internationale que JPP a ouvert le score le plus rapidement. Hormis un but contre l’Islande en 1990, il a marqué en premier 5 fois dans la première demi-heure entre 1992 et 1994. Alors que ses deux ouvertures de score les plus tardives datent de ses débuts, face à la Norvège en 1988 et contre le Canada, au premier tour de la Coupe du monde 1986. Ce n’était pas faute d’avoir essayé avant (cinq occasions franches vendangées).

On pourrait s’étonner de ne pas retrouver David Trezeguet, Youri Djorkaeff ou Sylvain Wiltord dans le haut de la liste. Ils ne sont pas bien loin : Ribéry et Wiltord ont ouvert le score 9 fois, Trezeguet 8, Youri Djorkaeff et Laurent Blanc 7, Jean Nicolas, Rocheteau 6. Rémy, Cantona, Kopa, Piantoni et Maës l’ont fait 5 fois.

Le tableau des ouvreurs de score depuis 1904

Comme dans les articles précédents sur les buteurs en série, on peut s’amuser à chercher quels joueurs ont ouvert le score consécutivement. Olivier Giroud (en 2017), Karim Benzema (2010-2011), Jean-Pierre Papin (1992) et Raymond Kopa (1955) l’ont fait trois fois, Benzema et Kopa lors de trois matchs successifs. Mais personne à ce jour n’a fait mieux qu’Eugène Maës, le goleador de la Belle Epoque, avec cinq ouvertures de score consécutives entre 1911 et 1913 !