White City, un stade dans l’histoire des Bleus

Publié le 15 septembre 2020 - Richard Coudrais

Le White City Stadium de Londres est le premier stade où l’équipe de France a disputé un match de compétition. Celui où elle a également pris la plus grande dérouillée de son histoire. Elle y revenue 58 ans après pour jouer un match de Coupe du monde.

4 minutes de lecture

Les dix premiers matchs de l’équipe de France depuis 1904 sont des amicaux et ce n’est qu’en octobre 1908, lors de sa cinquième année d’existence, que la sélection nationale est appelée à disputer sa première compétition, les Jeux olympiques.

Le Great Stadium de Shepherd’s Bush

Après Athènes, Paris et Saint-Louis, c’est Londres qui accueille, en 1908, l’événement sportif remis au goût du jour par le baron de Coubertin. Comme les deux éditions précédentes qui s’étaient appuyées sur une exposition universelle, ces quatrièmes Jeux olympiques ont pour cadre une exposition célébrant l’Entente Cordiale entre la France et la Grande Bretagne.

Cet événement est organisé à l’ouest de Londres, tout près du quartier de Shepherd’s Bush. Les bâtiments ont pour l’occasion tous été repeints en blanc, à tel point que le quartier sera rapidement surnommé White City. Pour les Jeux olympiques, les organisateurs font construire un stade de 66 288 places. L’enceinte est conçue par l’architecte John Webster et la construction dure une dizaine de mois.

Le Great Stadium, c’est le nom qu’on lui a donné, est inauguré par le roi Édouard VII au premier jour des Jeux de Londres, le 27 avril 1908. Le public découvre un stade omnisport, avec son vaste rectangle de pelouse entouré d’une piste d’athlétisme, elle-même entourée d’une piste de cyclisme. On y trouve également face à la tribune principale une piscine avec son plongeoir.

Une histoire du marathon

Le héros de ces IVe Jeux olympiques est un certain Dorando Pietri, qui le 24 juillet entre le premier dans le Great Stadium à l’issue d’un marathon éprouvant. Le pauvre italien épuisé titube, se trompe de sens, tombe à plusieurs reprises et franchit finalement la ligne à bout de forces, porté par quelques officiels. Mais c’est à cause de cette aide qu’il sera destitué de son titre, suite à une réclamation de la délégation américaine. Dorando Pietri sera malgré tout honoré par la reine Alexandra qui lui remettra une coupe en argent. Et son nom restera gravé dans l’histoire au détriment de John Hayes, le vainqueur officiel.

Ce fut un marathon historique à plus d’un titre. Jusqu’alors, l’épreuve majeure des Jeux se disputait peu ou prou sur une quarantaine de kilomètres, représentant à peu près la distance parcourue quelques siècles plus tôt par le messager Philippidès entre la plage de Marathon et Athènes pour annoncer la victoire des siens. A Londres, la course démarre dans les jardins du château de Windsor pour terminer devant la loge royale du stade de White City, ce qui représente exactement 26,385 miles, soit 42,195 km. Une distance qui sera définitivement conservée dans les épreuves futures.

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Le football aux Jeux olympiques

Pour la première fois, le football est une discipline officielle du programme olympique. Il y avait bien eu quelques rencontres lors des précédentes éditions mais le ballon rond n’était présenté que comme un sport de démonstration. Huit équipes nationales sont invitées au tournoi de Londres qui se dispute entièrement à White City du 19 au 24 octobre 1908.

Parmi ces huit équipes, deux représentent la France (un précédent article nous explique longuement pourquoi). La première (qui porte le nom de France B), est opposée le 19 octobre à une redoutable équipe du Danemark, laquelle lui inflige une sévère correction : 9-0. On aurait rêvé mieux pour un premier match de compétition. Le lendemain, l’autre équipe de France (que l’on a nommée France A) devait rencontrer la Bohème, mais celle-ci avait déclaré forfait, tout comme la Hongrie, en raison de la crise diplomatique provoquée par l’annexion de la Bosnie Herzégovine par l’empire austro-hongrois.

La sélection française A est donc automatiquement qualifiée pour les demi-finales où elle se retrouve opposée… au Danemark. Et c’est ce 22 octobre 1908 que l’équipe de France se prend la plus gigantesque défaite de l’histoire des sélections nationales : 17-1. Une défaite si honteuse que les joueurs français ne prendront même pas la peine de disputer le match pour la troisième place, remplacés au pied levé par les Suédois. Le tournoi est remporté par la Grande Bretagne qui dispose en finale du Danemark (2-0).

Lévriers, speedway et rodéo

Le Great Stadium de Shepherd’s Bush est devenu par commodité le White City Stadium. A l’issue des Jeux olympiques, il est principalement utilisé pour des épreuves d’athlétisme avant de devenir, à partir des années 1930, l’une des plus célèbres enceintes de... courses de lévriers. Le stade est en effet acquis en 1927 par le Greyhound Racing Association et le public vient en nombre pour parier sur ces courses canines qui peuvent rapporter gros.

On aménage également à White City une piste de vitesse pour organiser des courses de motos, avec l’écurie locale qui porte le doux nom de White City Rebels Speedway. En 1934, on peut également assister à un championnat du monde de rodéo. Plus tard, des championnats du monde de boxe attireront également un large public.

L’athlétisme garde une place privilégiée au White City stadium. L’Association Athlétique Amateur y organise à partir de 1932 ses championnats, un rendez-vous annuel qui persistera jusqu’en 1970. Les Jeux de l’Empire Britannique et les Jeux Mondiaux féminins y sont organisés en 1934. Dans les années cinquante, d’importants meetings permettront de voir le record du monde du 5000 m battu (en 1954 par Christopher Chataway) puis trois ans plus tard celui du mile (établi par Derek Ibbotson).

Une rencontre de Coupe du monde

Le ballon par contre ne fait plus recette à White City. En 1931, les Queens Park Rangers délaissent Loftus Road pour s’installer à White City, mais ils n’y restent que deux saisons. L’équipe de Highfield (jeu à XIII) s’y essaye également le temps d’une saison. Quelques années plus tard, Queens Park Rangers reviendra y jouer quelques rencontres de la saison 1962/63.

Lors de la Coupe du monde 1966, toutes les rencontres du groupe 1, celui de l’Angleterre mais aussi de la France, devaient se jouer à Wembley. Mais le prestigieux stade n’était pas disponible pour la rencontre France-Uruguay et celle-ci fut déplacée... à White City. Ainsi cinquante-huit ans après les Jeux olympiques, l’équipe de France retrouvait le stade des plus mémorables raclées de son histoire. Face à l’Uruguay, l’équipe tricolore s’inclina de nouveau, dans des proportions toutefois plus raisonnables qu’en 1908 (2-1).

DateCompétitionAdversaireScoreAffluence
19/10/1908 Jeux olympiques Danemark 0-9 2 000
22/10/1908 Jeux olympiques Danemark 1-17 1 000
15/07/1966 Coupe du monde Uruguay 1-2 45 662

Dans les années 1970, White City a été également utilisé pour des spectacles et des concerts. L’histoire a gardé celui des Kinks en 1973 où un Ray Davies complètement chargé dût quitter la scène pour être conduit à l’hôpital. Plus dramatique encore, le show du comédien David Cassidy un an plus tard où un mouvement de foule provoqua la mort d’une spectatrice et de nombreux blessés.

White City, ce stade olympique devenu la mecque des courses de lévriers, ce théâtre des défaites les plus honteuses de l’équipe de France, cette enceinte multidisciplinaire, a été détruit en 1985 dans le cadre d’une rénovation du quartier. Aujourd’hui, l’endroit est occupé par un bâtiment de la BBC. Sur un mur de ce bâtiment sont inscrits les noms des champions olympiques de 1908. On n’y lit heureusement pas les résultats de l’équipe de France de football.


La chanson “White City” des Pogues est directement inspirée de la destruction du stade en 1985.

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