Le résultat était-il prévisible ?
Face à une Croatie très faible essorée par le Portugal samedi (1-4), la marche ne semblait pas bien haute pour des Bleus privés de nombreux cadres (Varane, Pogba, Giroud, Mbappé) et à la condition physique incertaine. Une victoire était donc prévisible, seul l’écart était difficile à prévoir. Il l’était encore à la mi-temps avec un scénario baroque propre à dégoûter tout supporter croate qui se respecte. Si le Dieu du football existe, alors il est taquin. Comme en 1998, comme en 2018, l’équipe à l’échiquier a dominé la première mi-temps, elle y a cru, et finalement elle s’est inclinée, sur le même score qu’à Moscou, encore à cause d’un pénalty discutable, encore avec un CSC, même sans Pogba et Mbappé (mais sans Modric et Rakitic, ce qui n’est pas rien). Et cette fois, Giroud a marqué. Celui qui aurait prédit un tel scénario aurait passé pour un mythomane.
L’équipe est-elle en progrès ?
C’est assurément mieux que samedi dernier à Solna, du moins dans l’intention et dans l’efficacité offensive. En revanche, la fragilité défensive a de quoi inquiéter face à une équipe pourtant loin de son meilleur niveau, mais très joueuse. Ce n’est sûrement pas cette défense-là qu’on verra à l’Euro, d’abord parce qu’il manquait Varane, et parce que ce système à trois (ou à cinq, en comptant les joueurs de couloir) n’apporte aucune garantie derrière et déséquilibre l’entrejeu.
En revanche, la capacité des Bleus à réagir et à assommer leur adversaire d’une paire de claques vite fait bien fait est toujours là, comme en 2018. Le renversement du score en deux minutes avant la mi-temps, à un moment du match évidemment décisif, a complètement remis en selle une équipe sans repère et sans âme. Et même l’égalisation croate en début de deuxième période n’a pas entamé le moral des coéquipiers de Griezmann, qui auraient même pu marquer deux ou trois buts de plus avec un poil de lucidité supplémentaire dans la surface adverse.
Quels sont les joueurs en vue ?
Aucun des acteurs de cette revanche n’a fait un match complet, et il est bien difficile de ressortir une individualité d’une première mi-temps décousue à l’extrême. Anthony Martial a passé beaucoup de temps au sol, mais il a essayé de porter le danger dans la surface adverse. Il est malchanceux sur son but finalement attribué au gardien croate, mais est très loin d’avoir fait oublier Mbappé.
Antoine Griezmann s’est bien rattrapé après sa contre-performance de Solna. Il marque un joli but sur un service de Martial et a l’intelligence de laisser Giroud tirer le pénalty. C’est lui qui dépose le ballon du troisième but sur la tête d’Upamecano, comme il l’avait fait en Russie pour Varane et Umtiti.
Au milieu, Steven Nzonzi a fait un match sérieux, dominant les débats aériens et s’appliquant dans ses relances. Hugo Lloris ne peut rien sur les deux buts qu’il encaisse, il a la chance d’être sauvé par son poteau en fin de match mais il a été rassurant sur ses prises de balles aériennes. Il s’est appliqué dans ses relances aussi.
Enfin, Eduardo Camavinga était très attendu et il n’a pas déçu pendant la demi-heure qu’il a passée sur le terrain. Pas impressionné pour deux sous, il s’est d’abord contenté d’assurer ses passes avant de percuter sur l’aile droite, de tenter sa chance d’un bon tir cadré et de faire une très belle percée suivie d’un centre en retrait pour Martial qui méritait mieux. A revoir, évidemment. Placé plus haut, associé à Pogba et à un Kanté en état de marche, il pourrait faire des étincelles.
Quels sont les joueurs en retrait ?
Si face à la Suède la défense à trois centraux n’avait pas été vraiment inquiétée, le trio Upamecano-Lenglet-Hernandez a beaucoup souffert en première période où les accélérations et le jeu direct des Croates l’a un peu trop mis en difficulté. Il a donc fallu que les latéraux, Sissoko à droite et Mendy à gauche, descendent d’un cran pour fermer les couloirs, au détriment de l’animation offensive.
Au milieu, Kanté n’était pas dans le coup, sans doute pas prêt physiquement à répéter en trois jours un match du niveau de celui de Solna. Nzonzi n’a pas démérité, mais une fois encore on a vu les limites du système, qui coupe l’équipe en deux avec un milieu manquant de densité.
Devant, Wissam Ben Yedder a commencé dans une grande discrétion, comme souvent pour lui en sélection, avant de justifier sa place sur les deux premiers buts français, servant Martial d’une déviation dans la surface, puis centrant sur le même depuis l’aile droite. Mais c’est après sa sortie que les Bleus ont fait basculer définitivement le score.
Quelles sont les attentes pour le prochain match ?
Le mois d’octobre, si tout va bien d’ici-là et si le coronavirus oublie un peu les internationaux français, va proposer une séquence infernale (et pas du tout raisonnable) de trois matchs en une semaine : le 7 en amical probablement contre l’Ukraine, le 11 face au Portugal à Saint-Denis et enfin le 14 à Zagreb contre la Croatie.
La Ligue des Nations n’était pas la priorité pour une équipe de France championne du monde et qui vise un troisième titre européen en 2021, ces trois rencontres serviront de test à Didier Deschamps. Soit en intégrant de nouveaux joueurs, soit en peaufinant des systèmes de jeu, les deux n’étant évidemment pas incompatibles, on l’a vu avec Upamecano et Camavinga embarqués dans le 3-5-2. Mais le résultat passera en second. Les matchs qu’il faudra absolument gagner, ce sera en juin, et si possible devant du public.