Par noms d’usage, on entend toutes les appellations différentes de l’état-civil (nom et prénoms) utilisées pour désigner des joueurs ; cette coutume est surtout répandue dans les pays lusophones (Brésil, Portugal : par exemple Pelé, dont l’état-civil est Edson Arantes do Nascimento, ou Zico, Arthur Antunes Coimbra) ou encore en Espagne, avec Xavi (Hernandez) ou Raul (Gonzalez), Pirri... Mais elle n’est pas totalement inusitée en France, quoiqu’en net recul depuis 40 ans.
Plusieurs cas de figure peuvent être distingués.
Abréger
Kopaszewski devient Kopa, Kargulewicz (11 sélections de 1952 à 1962), Kargu, Kozakiewicz (1 en 1962), Koza, Stachowitz (3 de 1959 à 1964), Stako. Deux syllabes c’est plus pratique pour le supporter, quand il crie. Cas identique pour Guy Tran Van Sam, devenu Van Sam seulement (3 sélections en 1961).
Altérer
Wawrzeniak devient Wagi (1 sélection en 1935), Jedrzejczak, Jadrejak (3 en 1947), Daczkowski, Dakoski (2 en 1951), Ludwikowski (1 en 1961) Ludo, c’est tellement plus facile à prononcer ! Cas plus étrange pour Jean Sécember (4 de 1932 à35), systématiquement appelé Césember, à son grand dam, et durant 60 ans !
Le cas de Julien Du Rhéart a déjà été traité, on n’y reviendra pas.
- Lire l’article Julien Du Rhéart, l’inconnu au bataillon
Enfin, l’altération ne porte souvent que sur une seule consonne ou syllabe : les cas n’ont pas été listés de façon exhaustive ici (exemple : Wisnieski pour Wisniewski ou Dewaquez pour Devaquez).
Ne garder que le prénom
Thédore Szkudlapski (2 sélections en 1962-63) est Théo, Maryan Synakowski (13 de 1961 à 1965) est Maryan, Kowalczyk (5 de 1935 à 1938) est Ignace, toujours parce que les noms polonais sont difficiles à prononcer. Cas différent pour les Marocains Abdesselem et Mustapha (1 sélection chaque en 1953 et 1950), qui s’appellent Ben Mohammed et Ben M’Barek : leur nom est le prénom de leur père ! Quitte à prendre un prénom, autant donc que ce soit le leur... Mais on remarquera que ce principe ne s’est pas appliqué à Larbi Ben Barek !
Autre cas, celui de Ferry qui s’appelle Ferenc Koczur : Feri est le diminutif affectif du prénom Ferenc (François en hongrois), mais Ferry étant un nom répandu en France, la confusion s’est faite.
Trouver un sobriquet
Deux cas liés à des origines hongroises : Ladislas Smid (4 sélections en 1945), porteur d’un nom slovaque, a été « magyarisé » en Siklo (qui veut dire couleuvre), en référence au style zigzaguant de l’ailier de poche ? Deszö Kronenberger, porteur d’un nom allemand, a été magyarisé lui aussi en Koranyi. La raison en était que la Hongrie — qui a accédé à l’indépendance en 1918 découpée par rapport à son état précédent sous la Double Monarchie des Habsbourg — a voulu affirmer son identité à une population d’origine plus variée. Les Koranyi étaient trois frères : deux (Lajos et Matyas) ont été internationaux hongrois, le dernier, naturalisé français sous le prénom « francisé » de Désiré, a porté le maillot bleu (5 fois de 1939 à 1942). Un cas peu fréquent !
Le cas de Weiskopf (1 sélection en 1939) est voisin : magyarisé en Odon Virag (qui veut dire fleur !), il a repris son nom originel en venant en France, mais avec un prénom modifié (Edmond plutôt qu’Odon, qui est la version hongroise du prénom allemand Otto) ; puis, pour se cacher (étant juif), il a pris le nom de... Virage, francisant son nom hongrois !
Enfin, le cas de Jacques Le Héno, prenant le pseudonyme illustré par son père, Jacques Dhur, a déjà été développé dans un article précédent.
- Lire l’article Jacques Dhur, au nom du père
Simplifier
La simplification porte sur les noms doubles : c’est le cas notamment des enfants naturels, légitimés a posteriori. Par exemple Jean Batmale (6 sélections de 1920 à 1924) n’a été reconnu par son père, Jacques Frébault, qu’en 1922 ! De même, Robert Mercier (7 de 1931 à 1935) n’a été reconnu par son père, Gaston Furois, qu’en 1924, quand l’enfant avait 15 ans. Il a préféré garder le nom de sa mère pour le football, d’autant que c’était son oncle maternel qui l’avait initié. A noter que tous n’ont pas fait ce choix : Pierre Allemane (né Alègre), Georges Bonello (né Gourret) et Marcel Vanco (né Melun) ont opté pour le nom de leur père.
Changer
Restent cinq cas.
Le plus simple est celui de Paul Jouvène-Faure (1 sélection en 1919), qui a préféré la seconde moitié du nom paternel, sans raison connue, autre que raccourcir un nom jugé trop long.
Plus complexes sont les cas de Henri Beau, devenu Coulon (5 sélections en 1911) et Léon Poissenot, devenu Huot (4 de 1920 à 1926). Beau a joué sous son nom pendant dix ans, et en a changé en 1910 pour le psuedonyme Coulon. L’hypothèse de l’homonymie à éviter tient difficilement, puisque Beau était connu sous ce nom au CA Paris depuis des années avant le changement ; précisons que Coulon n’est ni le nom de jeune fille de sa mère, ni de sa femme. La question de ce choix tardif est ouverte !
Idem pour Poissenot : Huot n’est pas le nom de sa mère. Il était né à Villeneuve Saint-Georges, et il se trouve qu’un Léon Huot est aussi né à Villeneuve Saint-Georges, 7 ans plus tôt, et mort au front en 1915. Hommage ? Hypothèse sans garantie aucune, et aucune autre explication évidente.
Le dernier cas en date, en France , est celui de Jacques Atre, dit Zimako (13 sélections de 1977 à 1981). Il faudrait connaître la culture kanak et notamment ce qui touche aux noms, dans une société hiérarchisée en clans et en tribus, pour éclaircir ce cas de figure qui n’est pas isolé (par exemple, l’international amateur Kanyan s’appelle Marc Case).
Pour terminer , sera traité dans un article ultérieur le cas très intéressant de Victor-Bentall-Sergent (5 sélections de 1907 à 1913), qui mérite d’être développé.
Quant aux raisons pour lesquelles le recours aux noms d’usage s’est éteint en France, du moins dans le domaine du football, elles restent à déterminer. Il semble que les pseudonymes soient réservés au dos des maillots, à Internet et aux réseaux sociaux, mais ce n’est sans doute pas le seul motif : à chacun d’avancer ses hypothèses !