18 décembre 2022 : Argentine-France

Publié le 24 janvier 2023 - Bruno Colombari - 2

Match étrange et insaisissable que cette finale de Coupe du monde que les Bleus ont failli gagner après l’avoir perdue, sans mener une seule minute. On y revient dans le détail, avec des bonus statistiques.

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Cet Argentine-France 2022 est inédit à plusieurs titres. S’il oppose deux équipes déjà championnes du monde (1978 et 1986 pour l’Argentine, 1998 et 2018 pour la France), ces deux-là ne se sont jamais croisées à cette altitude. Le match se joue à Lusail, une ville sortie des sables qui n’existait pas encore en 2006, dans un pays, le Qatar, qui n’a obtenu son indépendance qu’en 1971. Enfin, il se dispute en décembre, alors que toutes les finales précédentes se sont jouées en juin ou en juillet.

C’est évidemment une victoire géopolitique pour le Qatar, propriétaire du Paris Saint-Germain depuis 2011, quelques mois après avoir obtenu l’organisation de la Coupe du monde. Avec Lionel Messi d’un côté, incarnation de ce qui s’est fait de mieux lors des quinze années écoulées, et Kylian Mbappé de l’autre, qui s’annonce comme le meilleur joueur du monde de la décennie à venir, il ne peut pas perdre. Mais on ne sait pas à quel point, avant le match, cette finale sera phagocytée par ces deux-là auteurs de cinq des six buts du match et protagonistes d’un duel semblable au Nadal-Djokovic du tennis.

L’Argentine a toujours ouvert le score

Pour en arriver là, l’Argentine s’est fait quelques frayeurs, même si elle a toujours ouvert le score. C’était le cas contre l’Arabie Saoudite, avec un but rapide de Messi sur pénalty, déjà, mais les trois suivants seront tous annulés pour hors-jeu. Et les Argentins vont perdre pied après la pause (1-2). Ils se rattrapent en battant sans souci le Mexique puis la Pologne (2-0 à chaque fois). En huitième contre l’Australie, ils mènent encore par deux buts d’écart mais laissent leur adversaire y croire et souffrent pour conserver une petite avance (2-1). Rebelote en quart face aux Pays-Bas, un premier choc, où les Néerlandais se réveillent en fin de match et arrachent l’égalisation à la 101e minute dans le temps additionnel (2-2). Les tirs au but sauvent l’Argentine (4-3). C’est beaucoup plus facile en demi-finale contre une Croatie débordée (3-0).

Les Bleus ont bien mieux commencé, avec deux victoires sur l’Australie (4-1) et le Danemark (2-1), le dernier match du groupe étant sacrifié avec neuf remplaçants alignés au coup d’envoi contre la Tunisie (0-1). La marche en avant reprend contre la Pologne (3-1, doublé de Mbappé), mais le quart de finale face à l’Angleterre voit des Bleus ballottés et largement dominés s’en sortir grâce notamment à un pénalty manqué de Harry Kane (2-1). La demi-finale est une surprise, avec comme protagoniste le Maroc, première sélection africaine dans le carré final mondial. mais c’est le match de trop pour les Marocains, qui s’inclinent logiquement (2-0).

Pour la finale, Lionel Scaloni, qui a alterné le 4-4,2, le 4-3-3 et le 5-3-2 tout au long de la compétition, revient à la formule intermédiaire utilisée face à la Pologne et à l’Australie, en rappelant Di Maria sur l’aile gauche et en sortant Paredes au milieu. E.Martinez - Molina, Romero, Otamendi, Tagliafico - De Paul, Fernandez, Mac Allister - Messi, Alvarez, Di Maria.

Didier Deschamps revient à son équipe type avec les retours de Upamecano et Rabiot, absents contre le Maroc. Le virus qui a couché plusieurs titulaires pendant la dernière semaine en l’empêche pas de choisir la composition suivante : Lloris - Koundé, Varane, Upamecano, T.Hernandez - Tchouaméni, Rabiot, Griezmann - Dembélé, Giroud, Mbappé.

Quatre Argentins et cinq Français ont disputé le match de Kazan en 2018 (4-3), mais si les deux entrejeux ont été intégralement renouvelés, celui de l’Albiceleste est beaucoup plus fort qu’il y a quatre ans. Celui des Bleus a perdu au change.

L’ambiance du stade de Lusail est quasi intégralement argentine, ce qui était déjà le cas à Kazan. Mais il y avait 42.000 spectateurs en Russie, contre 88.000 au Qatar.

Une équipe qui mord dans le match, qui gagne les duels

Dès les premières minutes, une perte de balle de Dembélé sur la ligne de touche, une énorme erreur de relance de Hernandez et une passe manquée de Griezmann qui aboutit à un tir cadré de Mc Allister. Les Argentins sont entrés dans leur match alors que les Bleus sont encore dans le couloir.

L’arbitre siffle au moindre contact et coupe le jeu. Varane est trop prudent derrière et laisse les Argentins remonter en bloc. A la 8ème, panique dans la surface française : Di Maria passe trop facilement Upamecano, le tir de De Paul est dévié en corner. Juste après, Lloris ne sort pas sur une chandelle dans la surface, puis est percuté par son coéquipier de Tottenham, Romero, lequel est poussé par Upamecano. Gros tampon d’entrée qui rappelle celui subit par Henry via Cannavaro en 2006.

Les Français tentent de presser haut quand les Argentins sont devant leur cage, mais ça n’arrive pas souvent et ça ne fonctionne pas. Les Argentins sont beaucoup plus agressifs sur les contacts. Les dégagements de Lloris sont systématiquement perdus. Il y a bien un embryon d’occasion à la 14e minute avec un une-deux Mbappé-Rabiot dans la surface, mais la passe du second pour le premier est trop profonde.

Au terme du premier quart d’heure, on pense forcément au début du France-Brésil 1998 et au France-Croatie 2018. Sauf que les Argentins 2022 ressemblent aux Bleus à Saint-Denis, et aux Croates à Moscou : une équipe qui mord dans le match, qui gagne les duels, qui crée le danger et qui prend l’ascendant. Mais on sait qu’en finale, ça ne veut rien dire : si les Brésiliens de 1998 avaient perdu pied à l’approche de la demi-heure et encaissé deux buts sur corner, les Bleus de 2018 avaient atteint la mi-temps sur le score inespéré de 2-1.

Des Français qui reculent, un pressing inexistant

A la 17e, nouvelle perte de balle d’Hernandez : voici une énorme situation argentine heureusement gâchée par un tir du droit de Di Maria dans les nuages. L’entrejeu français est désert, les deux attaquants (Giroud et Mbappé, Dembélé évoluant plus bas) sont trop loin des défenseurs qui sortent le ballon trop lentement. Hernandez parvient quand même à déborder et se fait contrer illicitement par De Paul (19e). Coup franc côté gauche de la surface. Griezmann le tire (on repose forcément à celui contre la Croatie, où Mandzukic dévie le ballon dans sa propre cage, quasiment au même moment de la partie), mais la tête de Giroud passe au-dessus. Fausse alerte : l’arbitre avait sifflé une faute sur Di Maria qui n’avait pas sauté.

Le pressing français se délite. Giroud et Mbappé n’y mettent pas de conviction et les neuf autres joueurs de champ sont trop bas, dans leurs trente mètres. C’est alors qu’arrive la percée de Di Maria à gauche, qui se joue d’un Dembélé hors sujet sur un crochet et tombe généreusement dans la surface. L’arbitre désigne immédiatement le point de pénalty. A vitesse réelle la faute semble évidente, au ralenti beaucoup moins : le Français met la main sur l’épaule de l’Argentin qui s’étale en se prenant lui-même les pieds dans le tapis. Messi ne manque évidemment pas l’offrande. 1-0.

A cet instant, bien sûr, rien n’est joué, même si renverser le score en finale de Coupe du monde n’arrive pas souvent.

Peut-on gagner une finale sans avoir ouvert le score ?

La dernière fois qu’un équipe a été titrée sans avoir ouvert le score remonte à 2006, et c’était déjà contre la France, pour l’Italie, avec un pénalty précoce de Zidane. Et la fois d’avant, c’était en 1974, et encore suite à un pénalty d’entrée, transformé par le Néerlandais Johan Neeskens contre la RFA. Auparavant, l’Italie en 1934 (contre la Tchécoslovaquie), l’Uruguay en 1950 (Brésil), la RFA en 1954 (Hongrie), le Brésil en 1958 (Suède) et en 1962 (Tchécoslovaquie) et l’Angleterre en 1966 (RFA) avaient gagné ainsi.

Trois minutes de réaction française après le premier but, et puis plus rien

Il va donc falloir réagir vite. Mais ces Bleus-là, sans doute hors de forme pour certains avec une semaine tronquée par un virus toujours pas identifié. A la 26e, Romero sèche Giroud à 28 mètres quasiment dans l’axe. Griezmann le tire en deux fois, sans aucune réussite. Messi et Hernandez se sont percutés mais se relèvent.

La réaction française a duré trois minutes montre en main et déjà ce sont les Argentins qui se projettent à nouveau devant, comme s’ils ne menaient pas. Ils sentent surtout que ces Bleus-là sont largement prenables et que c’est le moment d’enfoncer le clou. L’équipe de France est à la dérive, il n’y a strictement rien à sauver de cette première demi-heure et sans doute aurait-il déjà faire des changements. Il n’y a plus aucun pressing sur le porteur argentin qui a toujours plusieurs solutions, de près ou de loin. Les quelques ballons dégagés sont immédiatement récupérés par les Albiceleste.

Dans ce cas, en général, la punition arrive. Après une tentative d’incursion de Mbappé dans la surface argentine, le contre part et il est magnifique : le dégagement en chandelle de Martinez est repoussé par Upamecano près de la ligne de touche mais revient sur Romero qui relance en une touche sur De Paul, puis Messi qui glisse à Alvarez, lequel sert Mac Allister qui décale pour Di Maria. Du gauche, à sept mètres, le Turinois ajuste Lloris d’une balle piquée. 0-2. A cet instant-là, objectivement, il n’y a plus qu’une équipe sur le terrain, et il faudrait être sacrément devin pour imaginer que ces Bleus complètement perdus vont pouvoir revenir.

Peut-on perdre une finale après avoir mené 2-0 ?

Une seule équipe, lors des 21 premières finales, a été battue après avoir mené 2-0. C’était la grande Hongrie de 1954, qui avait marqué deux fois à la 6e (Puskas) et à la 8e (Czibor). Mais les Allemands avaient réagi immédiatement en réduisant le score à la 10e (Morlock) et en égalisant à la 18e (Rahn), avant de l’emporter en toute fin de partie (84e, Rahn), 3-2.


Deux buts de retard avant la mi-temps en Coupe du monde, ce n’était plus arrivé aux Bleus depuis juin 2010 contre l’Afrique du Sud (score final 1-2). Ça rappelait sans doute quelque chose à Hugo Lloris, qui était déjà là, mais on aurait aimé le voir un peu plus réagir au coeur de la tempête. Sur le banc français, ça s’agite : Kolo Muani et Thuram se préparent à rentrer.

Un double changement français qui casse l’élan argentin

Rétrospectivement, on se dit que c’est dans cette quinzaine de minutes-là (dont sept de temps additionnel) que les Argentins auraient pu plier le match beaucoup plus tôt et gagner facilement. Mais, comme face aux Pays-Bas en quart de finale, ils s’arrêtent et reculent. Le double changement français (Dembélé et Giroud sortent) a au moins le mérite de casser l’élan argentin, à défaut de sonner le réveil français. Car, pas plus qu’après le premier but, il n’y a de réaction digne de ce nom. C’est un combat brouillon sur toutes les zones du terrain, dont les Argentins sortent généralement vainqueurs, ou en bénéficiant d’un coup franc. Thuram et Kolo Muani apportent au moins de l’agressivité et de l’engagement. Mais ce n’est pas assez. Un ultime coup franc de Griezmann suite à une faute sur Kolo Muani passe au-dessus des têtes et sort directement. Mi-temps, enfin ! Et pas le moindre tir français, un désastre.

Deux remplacements en première mi-temps, déjà vu en finale mondiale ?

Lors des 9 premières finales de Coupe du monde, aucun remplacement n’était possible. Le premier arrive donc en 1970, quand l’Italien Juliano remplace Bertini à la 75e. C’est d’ailleurs le seul changement du match. Il faut attendre 1982 pour voir un remplaçant entrer en première période, et c’est encore un Italien, Altobelli, qui supplée Graziani blessé à la 8e. C’est à ce jour le changement le plus précoce en finale de Coupe du monde. En 1994, lors de Brésil-Italie il y a deux remplacements avant la pause, mais un de chaque côté : Cafu pour Jorginho à la 21e, Apolloni pour Mussi à la 34e. L’équipe de France est le premier finaliste à remplacer deux joueurs en première mi-temps en 2022.

Plus près du 0-3 que du 1-2

La première minute de la reprise n’est pas terminée que MacAllister est déjà dans la surface française sur une passe en profondeur de De Paul, mais Lloris s’interpose. Ceux qui s’attendaient à un redémarrage français pied au plancher peuvent déchanter. Les Bleus sont tétanisés, sans idée et sans moyens. De Paul, lui, tente une Pavard sur un centre de Di Maria, mais Lloris bloque (49e). Une grosse boulette de Martinez loin de sa surface devant Kolo Muani ne profite à personne (54e) et dans la foulée, Rabiot découpe De Paul et prend un jaune. Bref, la poisse continue mais au moins les Bleus tiennent un peu plus le ballon, sans en faire grand chose.

Les Argentins attendent la faille et se projettent toujours très vite, comme Julian Alvarez (59e) dans un angle fermé. Juste après, Di Maria fait ce qu’il veut devant Koundé et son centre manque de peu de se transformer en but de Messi, gêné par Rabiot. Puis c’est Alvarez qui sert MacAllister dans la surface encore, contré par un tacle de Lloris et poussé par Upamecano (63e). A ce moment-là, on est évidemment plus près du 0-3 que du 1-2. La sortie de Di Maria, remplacé par Acuna, est plutôt une bonne nouvelle pour les Bleus tant l’ex-Parisien a fait mal côté gauche.

Un lent délitement du jeu argentin

Les Bleus semblent se réveiller avec un centre tendu de Griezmann qui longe la cage argentine alors que Marcus Thuram est trop court, et que Randal Kolo Muani se bat côté droit. La défense argentine n’est pas sereine, comme Romero qui dévisse un dégagement en corner. Kylian Mbappé enchaîne et, ô miracle, voici le premier tir français, largement au-dessus (71e). Deuxième vague de changements français avec les sorties de Griezmann et Théo Hernandez pour Kingsley Coman et Eduardo Camavinga, encore utilisé à contre-emploi comme arrière gauche. Pour la première fois en finale d’une Coupe du monde, quatre remplaçants sont déjà entrés pour une même équipe.

Le délitement du jeu argentin se poursuit, même s’il n’est pas spectaculaire. Le milieu de terrain est abandonné aux Français, mais il est vrai qu’à 2-0 contre un adversaire inoffensif qui manque une passe sur deux, pourquoi s’inquiéter ? C’est sans doute ce qui explique le manque d’engagement d’Otamendi sur une balle longue à destination de Kolo Muani qui lui passe devant et l’oblige à intervenir dans la surface avec la main sur l’épaule. Rien de bien flagrant, mais pénalty sifflé par Szymon Marciniak (79e). Giroud et Griezmann sortis, c’est Kylian Mbappé qui va le tirer, en se disant qu’il y a un truc à tenter… L’attaquant du PSG marque côté gauche, Martinez touchant le ballon au passage. On joue depuis 79 minutes et 24 secondes.

Le KO en 94 secondes chrono

Sur une touche française, le ballon circule de gauche à droite. Messi intercepte une passe manquée de Rabiot et perce, mais alors qu’il cherche un partenaire, Coman arrive derrière lui et lui prend le ballon dans les pieds. Coman attaque, trouve Rabiot dans l’axe, lequel ouvre sur Mbappé à vingt mètres des cages, dos au but. Mbappé dévie de la tête sur Thuram qui lui remet dans la course. Volée couchée à treize mètres qui ne laisse aucune chance à Martinez. 2–2 après 80 minutes et 58 secondes de jeu. En 94 secondes chrono, Mbappé vient de propulser cette finale dans une autre dimension, celle des matchs dont on parlera très longtemps. Et ce n’est pas fini.

Les Argentins ont pris une cascade glacée sur la tête, et à cet instant-là du match, ils peuvent s’effondrer. Le KO est là, à portée de main, comme sur ce contre de Marcus Thuram qui trouve Mbappé dont le centre manque de peu d’être repris de la tête par Kolo Muani (85e).

Le doublé de Kylian Mbappé est-il le plus rapide en finale ?

Personne avant lui n’avait marqué deux fois aussi vite à ce niveau de la compétition. Celui qui se rapproche le plus des deux minutes (94 secondes pour être précis) de Mbappé est Ronaldo en 2002, mais il s’est écoulé 12 minutes entre ses deux buts contre l’Allemagne à Tokyo. C’est plus rapide que les 17 minutes entre les deux coups de tête de Zidane en 1998 (28e et 45e) et les 19 minutes entre le deuxième et le troisième but de Hurst en 1966 (101e et 120e). A noter que Mbappé est le seul des 12 buteurs multiples en finale à ne pas l’avoir gagnée.

Une dernière poussée bleue avant la prolongation

Puis Marcus Thuram s’écroule dans la surface argentine, au contact avec Enzo Fernandez. Pénalty ? Non, carton jaune pour le Français, coupable de simulation. Rabiot est KO suite à un choc à la tête avec Alvarez et le rythme retombe un peu. Pour les Argentins, alors que huit minutes de temps additionnel sont annoncées, il s’agit de tenir jusqu’aux prolongations. Thuram obtient un bon coup franc, mais Griezmann n’est plus là pour le frapper. Alors Mbappé s’y colle, mais sans résultat. Dommage. Puis il frappe à vingt mètres après une récupération de Camavinga et obtient un corner. A la suite, Coman déborde côté gauche, est séché à la limite de la surface, Rabiot récupère et tire, Martinez relâche devant Thuram et Romero pousse le ballon du genou vers son gardien. Ça brûle à la 94e !

Se faire remonter au score, une spécialité argentine ?

En 1930 contre l’Uruguay, l’Albiceleste encaisse le premier but (12e, 1-0) puis marque deux fois avant la mi-temps (20e et 37e, 1-2). Mais elle lâche autour de l’heure de jeu (57e et 68e, 3-2) et l’Uruguay prend le dessus avant de confirmer son succès en toute fin de match (90e, 4-2).

En 1978, elle pense avoir match gagné contre les Pays-Bas après le but de Kempes (38e) mais le remplaçant Nanninga égalise (82e, 1-1) et arrache la prolongation. Il faudra deux nouveaux buts de Kempes (105e) et Bertoni (115e) pour assurer le succès argentin.

En 1986, l’Argentine a deux buts d’avance à l’heure de jeu grâce à Brown (23e) et Valdano (56e). Mais elle craque en sept minutes face à la RFA qui revient (Rummenigge, 74e) et égalise (Völler, 81e). C’est Maradona qui trouve Burruchaga pour le but vainqueur (84e). Lors des deux finales suivantes contre l’Allemagne en 1990 et en 2014), les Argentins ne marquent pas et s’inclinent 0-1.

Alors que Giroud prend un carton jaune depuis le banc (pourquoi pas, après tout) pour contestation un nouveau contre français est mené par Mbappé qui sert Kolo Muani dans la surface, mais ce dernier est contré à la va comme je te pousse par Otamendi. Et les Argentins mettent un ultime coup d’accélérateur, avec une frappe de Messi que Lloris claque au-dessus d’une main (90+7). On repense à Barthez sauvant la patrie contre le Portugal en 2000 face à une tête d’Abel Xavier…

Le corner ne donne rien, mais alors que les Bleus ont un magnifique contre à jouer, l’arbitre siffle une faute sur Coman. Celui-ci joue immédiatement mais l’arbitre l’arrête pour mettre un carton jaune à Acuna… Une dernière situation chaude pour l’Argentine dans la surface française, et c’est la fin. Les Bleus se retrouvent en prolongations, une situation qui ne leur a réussi ni face au Portugal en 2016, ni contre la Suisse en 2021.

Combien de fois une finale mondiale s’est-elle jouée en prolongations ?

C’est une situation assez fréquente : dès 1934, l’Italie y a eu recours pour vaincre la Tchécoslovaquie à Rome (2-1). Puis en 1966, l’Angleterre a fait plier l’Allemagne (4-2) avec un but de Hurst qui n’avait sans doute pas franchi la ligne à la 101e. En 2010, l’Espagne s’impose devant les Pays-Bas à la 116e (1-0) et en 2014, l’Allemagne fait plier l’Argentine à peine plus tôt (113e, 1-0). En 1994 (Brésil-Italie, 0-0) et en 2006 (Italie-France, 1-1), rien n’est marqué en prolongations, il faut aller aux tirs au but. C’est donc la septième finale (sur 22) qui aura droit à trente minutes supplémentaires.

Kolo Muani se bat sur tous les ballons

Quand la prolongation démarre, les compteurs sont remis à zéro des deux côtés. Montiel a remplacé Molina pour les Argentins, pas de changement côté français. L’Albiceleste attaque la première avec un tir sans danger de MacAllister. Mais Camavinga chipe le ballon dans les pieds de Messi après avoir glissé. Avec quatre entrants, les Bleus semblent moins entamés physiquement, comme Kolo Muani qui se bat comme un affamé sur tous les ballons. Rabiot est remplacé par Fofana cinq minutes après, mais c’est Mbappé qui est touché à la cheville sur un tacle très dur de Romero. Il n’y a plus d’occasions franches comme dans le dernier quart d’heure du temps réglementaire, et même plus d’occasions du tout. Coman obtient un coup franc excentré puis un corner, mais ça ne donne rien.

Pendant ce temps, Lionel Scaloni fait entrer Leandro Paredes et surtout Lautaro Martinez, ce qui aura son importance. Le stade de Lusail a retrouvé la voix qu’il avait perdue en fin de match, et alors que le premier quart d’heure se termine, il y a soudain le feu dans la défense française : un décalage de Messi trouve Lautaro Martinez en excellente position, mais Upamecano sort un tacle monstrueux et la reprise de Montiel est déviée de la tête par Varane. Et juste après, une perte de balle entraîne une passe extérieur du pied de Paredes pour Lautaro Martinez lancé dans la surface, mais il est gêné par Upamecano son tir n’est pas cadré.

Maudite 108e minute

On se dit alors qu’il faut d’abord tenir avant d’espérer conclure, car comme en début de match, les Argentins ont pris le dessus et les Bleus souffrent encore. A la reprise, les Bleus défendent à nouveau très bas, comme ils l’ont fait contre l’Angleterre. Mais ça fait beaucoup de terrain à remonter, et laisser la balle aux Argentins n’est pas une bonne idée. La preuve : une frappe de Messi est repoussée par Lloris au pied de son poteau. Et juste après, la défense est traversée par une attaque rapide à trois entre Messi, Martinez et Fernandez. Servi par Messi, ce dernier décale Martinez sur sa droite, la frappe puissante de l’attaquant argentin est repoussée par Lloris mais Messi a suivi et marque du gauche. Koundé dégage le ballon mais il est un mètre derrière sa ligne de but. A peu près au même moment que Eder en 2016, ou que le coup de tête de Zidane en 2006 : la malédiction de la 108e minute a encore frappé.

Le jeu a repris et Varane lève la main pour demander un changement. Le défenseur français est hors de forme, probablement depuis le début du match. Il sort un ballon en corner et ne revient pas sur le terrain. Konaté prend sa place, un peu tard… car Varane a couvert Lautaro Martinez sur la déviation d’Enzo Fernandez aboutissant au 3-2.

Avant Messi et Mbappé, qui sont les buteurs multiples en finale ?

Dix autres joueurs ont marqué au moins deux fois lors d’une finale de Coupe du monde. Il y a les Italiens Gino Colaussi et Silvio Piola en 1938, l’Allemand Helmut Rahn en 1954, les Brésiliens Pelé et Vava en 1958, l’Anglais Geoff Hurst en 1966 (triplé), l’Argentin Mario Kempes en 1978, le Français Zinédine Zidane en 1998, le Brésilien Ronaldo en 2002 et le Croate Mario Mandzukic en 2018 (un de chaque côté, cas unique de csc en finale).

Mbappé claque un triplé

Paredes découpe Camavinga histoire de faire sortir les Bleus de ce qu’il reste de match. Bien essayé. Sur un corner frappé par Coman, le ballon est dégagé par la défense argentine, revient sur Mbappé qui frappe. Encore contré. Szymon Marciniak siffle et désigne son coude gauche. Pénalty ! Le ralenti montre Gonzalo Montiel sur la trajectoire de la frappe, qui tourne le dos au ballon mais le touche du coude. Mbappé a déjà le ballon dans les mains pendant que Marcus Thuram protège le point de pénalty. Le Parisien frappe fort côté gauche pendant qu’Emiliano Martinez part à droite. Et voilà le 3-3, et triplé pour Mbappé.

L’émotion est telle qu’on en oublie que les tirs au buts sont tout près, à cinq ou six minutes en comptant le temps additionnel. Les deux équipes donnent tout pour le KO, au point où on en est… Kylian Mbappé est servi sur la gauche, son centre cherche la tête de Marcus Kolo Muani qui est trop court, mais la trajectoire est brossée et le ballon rebondit avant de frôler le poteau argentin. Première balle de 4-3.

Deschamps fait entrer Axel Disasi à la place de Jules Koundé. C’est le septième changement français. La prolongation en donnait droit à un sixième, mais celui-là n’est pas une erreur : le protocole commotion a été appliqué pour Adrien Rabiot, ce qui donne droit à un changement supplémentaire. Et de l’autre côté, Paulo Dybala remplace Nicolas Tagliafico, dans la perspective des tirs au but dont il est un spécialiste.

L’occasion qui va hanter les nuits de Kolo Muani

Grosse frayeur française sur une remise en une touche de balle de Messi pour Lautaro Martinez qui arrive devant Lloris, mais il y avait hors-jeu. Et juste après, en un éclair, Konaté envoie un ballon aérien vers l’avant. Otamendi glisse et manque l’interception, et dans son dos, Randal Kolo Muani se présente devant Emiliano Martinez. La frappe rasante du coup du pied est déviée par le gardien argentin en position de handballeur. Deuxième balle de 4-3, et celle-ci va hanter les nuits de Kolo Muani jusqu’à sa mort.

Comme ce match est désormais irrationnel, sur le contre, Paulo Dybala déborde, centre pour Lautaro Martinez qui, a six mètres, croise trop sa tête. Ouf ! La fin du temps additionnel est dépassée de 45 secondes, mais l’arbitre laisse jouer, alors Tchouaméni gratte un dernier ballon dans le rond central et sert Mbappé sur l’aile gauche. Le triple buteur du soir a encore faim, alors il dépose Christian Romero, entre dans la surface en esquivant Paredes, tente de crocheter encore Enzo Fernandez avant de frapper, mais il est contré à sept mètres des buts. Le ballon lui revient dessus mais Dybala dégage au loin. Troisième balle de 4-3, la dernière. Le barillet est vide désormais, et les tirs au but s’avancent, en une perspective funeste.

Avant les trois pénalties de la finale 2022, combien de précédents ?

Un tiers des neuf pénalties sifflés en finale de Coupe du monde l’ont été à Lusail le 18 décembre 2022. C’est la première finale à en compter trois. Précédemment, celle de 1974 en avait eu deux, un transformé par le Néerlandais Johan Neeskens (1e), l’autre par l’Allemand Paul Breitner (26e). En 1982, l’Italien Antonio Cabrini manquait le sien (20e, le seul échec en finale), alors qu’en 1990, l’Allemand Andreas Brehme ne manquait pas la cible (85e). Puis est venu le temps des Français : Zinédine Zidane en 2006 (7e), Antoine Griezmann en 2018 (38e) et Kylian Mbappé en 2022 (80e et 118e), série interrompue par Lionel Messi (23e). Les Bleus ont donc bénéficié de 4 des 9 pénalties en finale mondiale.

Une séance décisive et tellement mal négociée

On n’y pense pas à ce moment-là car la tension est trop forte, mais sur le banc des Bleus, il y a un gardien à l’aise avec les pénalties, c’est Alphonse Aréola. Et il y a un joueur adroit dans cet exercice, c’est Jordan Veretout. Aucun des deux n’est entré, alors que Disasi l’a fait à la 120e… Et Didier Deschamps a pour principe de ne pas travailler les tirs au but à l’entraînement. Autant dire qu’avec Lloris et sans Giroud ni Griezmann, l’affaire est très mal engagée pour les Bleus, comme elle l’a été 18 mois plus tôt à Bucarest contre la Suisse.

Les Argentins, eux, ont sorti les Pays-Bas comme ça en quart de finale, et vu comment la prolongation s’est achevée, ils n’ont plus peur de rien. Dès le toss, c’est la page au pied de la tribune des supporters argentins qui est désignée, comme un mauvais présage. Kylian Mbappé s’avance en premier. Il a déjà tiré deux pénalties à Lautaro Martinez, du même côté. Le troisième part au même endroit, et comme le premier, Martinez le touche mais ne peut le sortir. 1-0. Messi répond instantanément, comme pour signifier que ce match-là est d’abord un duel entre les deux Parisiens. Lloris est battu. 1-1. Coman s’avance. Dans sa cage, Martinez gesticule. Le tir n’est pas assez placé et le gardien argentin le repousse. 1-1 et déjà du retard. Dybala tire plein axe, le ballon frôle le pied de Lloris qui s’est jeté sur sa gauche. 1-2.

Au tour de Tchouaméni. Martinez jette le ballon au loin, et le Français va le chercher sans protester. C’est sur ce genre de détails qu’une séance se gagne, et effectivement, le tir du Madrilène n’est pas cadré. Toujours 1-2 et deux tentatives de retard côté français. C’est déjà fini, bien sûr. Paredes marque même si Lloris est parti pour une fois du bon côté. 1-3 et c’est Kolo Muani qui ne peut que retarder l’échéance. Une grosse frappe plein axe et marque. 2-3, mais Gonzalo Montiel a une balle de match, sachant que s’il la rate, il en restera une autre. Mais évidemment il marque, toujours du même côté, près du poteau droit de Lloris qui est parti du mauvais côté, trois fois sur quatre. 2-4, rideau. Mais pourquoi donc travailler les tirs au but à l’entraînement, au fait ?

Quelle équipe a fait le plein lors d’une séance de tirs au but en finale ?

Il n’est arrivé que trois fois dans l’histoire de la Coupe du monde qu’une finale se termine ainsi. L’Italie et la France sont récidivistes, et chacune a gagné l’une et perdu l’autre, justifiant ainsi la réputation de loterie qui colle à l’exercice. Les Italiens de 1994 ont été les plus maladroits, avec trois échecs signés Franco Baresi, Daniele Massaro et Roberto Baggio, alors que le Brésilien Marcio Santos avait manqué le sien (4-3). Mais ceux de 2006 ont mis une manita à Barthez : cinq tirs, cinq buts ! Andrea Pirlo, Marco Materazzi, Daniele De Rossi, Alessandro Del Piero et Fabio Grosso ont tous marqué. Côté Français, Sylvain Wiltord, Eric Abidal et Willy Sagnol ont battu Buffon, mais le tir de David Trezeguet a frappé sous la barre avant de sortir. William Gallas, cinquième tireur, a été dispensé puisque l’Italie a mené 5-3. En 2022, les Argentins n’ont eu besoin que de quatre tirs, tous victorieux, pour venir à bout des Bleus.

C’est terminé, l’Argentine a remporté son troisième titre mondial et il faut bien reconnaître que c’est mérité. L’Albiceleste a fait l’essentiel du jeu dans la finale, elle a mené au score de la 23e à la 80e minute, puis encore de la 108e à la 118e. Les Bleus n’ont jamais été devant, hormis une poignée de secondes après le premier tir au but marqué par Mbappé. Ils n’ont joué qu’en réaction, avec deux périodes très courtes d’environ un quart d’heure en fin de match et de cinq minutes en fin de prolongations, après chaque égalisation. Là, ils ont montré qu’ils avaient les moyens de mettre la panique dans la défense argentine, mais c’est bien trop peu pour gagner une finale. Et la séance de tirs au but, une fois de plus, a été ratée, comme en 2006 et comme en 2021.

Vos commentaires

  • Le 12 mars 2023 à 21:23, par Victor TIEU En réponse à : 18 décembre 2022 : Argentine-France

    Bonsoir,
    Merci pour le compte-rendu de ce match tellement particulier

    Petit correctif quand même :
    « Volée couchée à treize mètres qui ne laisse aucune chance à Fernandez. »
    Je pense que ce serait plutôt « Volée couchée à treize mètres qui ne laisse aucune chance à Martinez ».

  • Le 12 mars 2023 à 21:56, par Bruno Colombari En réponse à : 18 décembre 2022 : Argentine-France

    C’est même certain ! On ne peut pourtant pas reprocher à Martinez d’avoir tout fait pour se faire oublier…

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