Histoires de tirs au but (2/5) : voyage au bout de l’ennui (1996)

Publié le 6 février 2024 - Matthieu Delahais

Les mauvaises prestations françaises entre la Coupe du monde 1986 et l’Euro 1996 dispensent l’équipe de France de toute séance de tirs au but. Le retour des Bleus au premier plan va coïncider avec celui de cet exercice, dès l’Euro anglais.

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Cet article est le deuxième d’une série de 5 : Le temps des chefs d’oeuvre (1/5), Rivalités franco-italiennes (3/5), Le temps des échecs (4/5) et Malédiction ou mal français ?

Lorsqu’Aimé Jacquet part pour l’Euro 1996, son objectif premier est d’emmagasiner de l’expérience en vue de la Coupe du monde qui aura lieu en France deux ans plus tard et qui est le véritable objectif. L’opération défense de fer se met en place, avec sans doute le meilleur « back-four » de l’histoire de la sélection articulé autour de Lilian Thuram, Laurent Blanc, Marcel Desailly et Bixente Lizarazu. Mais si la défense tient le choc (deux buts encaissés en cinq matchs, tous au premier tour), l’attaque cale et les Français retrouvent les joies des séances de tirs au but.

22 juin 1996 : France - Pays-Bas 5-4, quart de finale de l’Euro

C’est tout d’abord en quart de finale, face aux Pays-Bas et après deux heures de jeu soporifiques concluent par un score vierge, qu’une première série de tirs au but s’ouvre devant les Bleus. Jacquet sait qu’il peut compter sur Bernard Lama dans les buts mais aussi sur cinq tireurs pleins de sang-froid : Zinédine Zidane, Youri Djorkaeff, Bixente Lizarazu, Vincent Guérin et Laurent Blanc. Le choix de ces joueurs se fait en concertation avec le reste de l’équipe comme l’explique Jocelyn Angloma. « Dans ces cas-là, on se consulte pour savoir qui tire, qui ne tire pas. Deschamps par exemple, il n’aurait jamais tiré (rires) ! En dernier recours quoi… Laurent avait un bagage technique, il était à l’aise avec la balle. Il avait une facilité sur coup de pied arrêté, un sang-froid qui lui permettait de tirer. » [1]

Les cinq tireurs réussissent tous leur tentative tandis que Lama stoppe celle du quatrième tireur néerlandais Clarence Seedorf. Les tirs se font face à la tribune des supporters bataves, pourtant Lama aurait préféré qu’elle ait lieu avec ces supporters dans son dos. « J’aurais préféré que la séance se déroule sur le but opposé, se remémore le Guyanais, même s’il était situé devant la tribune réservée aux supporters néerlandais. Car le terrain y était en meilleur état. Là, ça glissait, je n’étais pas très bien sur mes appuis. » [2]

C’est en plongeant sur sa gauche que Lama arrête la tentative du milieu néerlandais. Si le portier des Bleus explique être resté concentré sur le tireur, son capitaine, Didier Deschamps avait été informé par Christian Karembeu, coéquipier de Seedorf au Real Madrid, que ce dernier avait l’habitude de tirer sur la gauche du gardien. Deschamps tente alors vainement d’avertir son coéquipier qui réalise quand même l’exploit.

Blanc est alors en charge de finir la série et de donner la victoire aux Bleus. Côté Français, Lama et Karembeu tentent de consoler Seedorf en larmes après son échec et l’élimination des siens.

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26 juin 1996 : France - République tchèque 5-6, demi-finale de l’Euro

En demi-finale, la même recette produit le même résultat face à la République tchèque. Après deux heures de jeu à mourir d’ennui, les 22 acteurs se retrouvent pour un dernier quart d’heure d’adrénaline autour d’une séance de tirs au but. Jacquet ne change pas ses cinq premiers tireurs (Zidane, Djorkaeff, Lizarazu, Guérin et Blanc) qui marquent tous, mais cette fois-ci Lama ne parvient pas à stopper une tentative adversaire. C’est donc Reynald Pedros, dans la même position que Maxime Bossis en 1982, qui s’avance pour tirer le sixième tir au but français et qui rate sa tentative. Miroslav Kadlec marque ensuite et envoie son pays en finale.

Le milieu de terrain des Bleus reconnait ne pas avoir très bien tiré son penalty, mais pense que cet échec n’a pas eu d’impact sur la suite de sa carrière qui ne s’est pourtant pas prolongée longtemps en équipe de France (dernière sélection le 9 novembre 1996). « Sur le moment, j’étais déçu de l’avoir loupé. J’espérais que celui de derrière allait le louper aussi. Mais ce n’est pas quelque chose qui m’a contrarié dans ma carrière, qui m’a fait baisser la tête ou plombé. C’est quelque chose qui est un peu anecdotique pour moi, même si beaucoup de choses se sont passées après. C’est une péripétie de ma carrière. C’est quelque chose qui s’estompe assez rapidement. J’ai pu en discuter avec certaines personnes qui m’ont rassuré en disant que ce n’était pas la fin du monde et que ça faisait partie du métier de footballeur. » Son plus gros regret est qu’il pense que la France aurait pu gagner l’Euro si les Bleus étaient passés [3].

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Quelques chiffres pour finir

Les deux séances ayant lieu dans la même compétition et quatre jours d’intervalle, les acteurs français sont les mêmes. Bernard Lama stoppe la frappe de Clarence Seedorf, mais concède les dix autres tirs auxquels il est confronté. Zinédine Zidane, Youri Djorkaeff, Bixente Lizarazu, Vincent Guérin et Laurent Blanc, désignés comme tireurs pour les deux matchs réussissent tous leurs deux tirs au but. C’est Reynald Pedros qui connait le seul raté français, en tant que sixième tireur lors des demi-finales.

[1Antoine Donnarieix, Quand Blanc sortait Hiddink de l’Euro 96, sofoot.com, 16 février 2016.

[2J – 89 : rétro Bleus - Oranje amers , onzemondial.com, 13 mars 2012.

[3« Euro 1996, Pedros se souvient… », sports.fr, 5 juin 2012.

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