Histoires de tirs au but (4/5) : le temps des échecs

Publié le 20 février 2024 - Matthieu Delahais - 2

Didier Deschamps n’a perdu qu’une seule rencontre à élimination directe dans le temps réglementaire en tant que sélectionneur. Mais ses deux dernières phases finales ont fini par des défaites aux tirs au but, face à la Suisse en 2021 puis contre l’Argentine en 2022.

4 minutes de lecture
Cet article est le quatrième d’une série de 5 : Le temps des chefs d’oeuvre (1/5), Voyage au bout de l’ennui (2/5), Rivalités franco-italiennes (3/5) et Malédiction ou mal français ?

28 juin 2021 : France Suisse 4-5, huitième de finale de l’Euro

Après un premier tour compliqué (victoire contre l’Allemagne, nuls contre la Hongrie et le Portugal), la France affronte la Suisse en huitième de finale. Même si les Bleus souffrent en première mi-temps, ils parviennent à mener 3-1 à dix minutes de la fin du match. Mais les Suisses reviennent au score et contraignent les Français à disputer les prolongations puis la séance de tirs au but. Hugo Lloris, tout comme ses coéquipiers, s’apprête à vivre cet exercice pour la première fois en sélection.

S’il est loin d’être un spécialiste des penalties (trois tentatives repoussées sur vingt-quatre subis depuis ses débuts chez les Bleus), Lloris a toutefois arrêté au cours du match un tir aux onze mètres de Ricardo Rodriguez. Mais le portier français ne stoppe aucun des cinq premiers tirs suisses. Son homologue ne fait pas mieux lors des quatre premières tentatives françaises mais réussit à détourner celle de Kylian Mbappé, cinquième et donc dernier tireur français.

Le kid de Bondy publie dans la foulée des excuses sur instagram « Très difficile de tourner la page. La tristesse est immense après cette élimination, nous n’avons pas pu atteindre notre objectif. Je suis désolé pour ce penalty. J’ai voulu aider l’équipe mais j’ai échoué. Trouver le sommeil sera difficile mais c’est malheureusement les aléas de ce sport que j’aime tant. Je sais que vous les fans, vous êtes déçus, mais je voudrais quand même vous remercier pour votre soutien et de toujours avoir cru en nous. Le plus important sera de se relever encore plus fort pour les prochaines échéances à venir. Félicitations et bonne chance à la Suisse. »

Contrairement à Raymond Domenech qui n’avait apporté aucun soutien à David Trezeguet après son échec en 2006, Didier Deschamps essaie de réconforter son buteur. « Kylian était évidemment attendu. Même s’il n’a pas marqué de but, il a été souvent décisif. Il prend la responsabilité de tirer le penalty. Personne ne lui en veut. (…) Evidemment, Kylian assume sa responsabilité. Il se sent coupable, mais il n’a pas à l’être. Il pouvait marquer et nous qualifier. Il n’y a pas le moindre souci là-dessus. J’ai un groupe uni et solidaire. Il l’a toujours été. On restera uni et solidaire. » [1]

Le groupe est toutefois moins uni et solidaire que ce que le sélectionneur dit ou espère. Beaucoup de supporters ont pensé que Mbappé a voulu tirer en dernier pour marquer le but vainqueur. Mais en fait, Paul Pogba a refusé cette responsabilité, la laissant à Mbappé. Et si Pogba a réussi son tir au but, il est fautif sur l’égalisation suisse venue d’un ballon qu’il a perdu en milieu de terrain. [2]

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18 décembre 2022 : France-Argentine 2-4, finale de la Coupe du monde

Un an et demi plus tard, les Bleus sont à nouveau confrontés à une séance de tir au but, en finale de la Coupe du monde cette fois. Le scénario du match est déconcertant, avec une domination sans partage des Argentins qui mènent 2-0 à dix minutes de la fin du match avant que Kylian Mbappé ne remette les pendules à l’heure en l’espace de 97 secondes, dont un but sur pénalty. Les équipes sont donc poussées à jouer les prolongations, et si Lionel Messi donne un avantage qu’il espère décisif aux siens, Mbappé, encore lui, ramène les deux équipes à égalité à quelques minutes du terme, encore sur pénalty.

Hugo Lloris est alors opposé à Emiliano Martinez, qui a déjà remporté une séance de tirs au but en quart de finale contre les Pays-Bas. Si le portier argentin n’hésite pas à jouer dans la provocation pour déstabiliser ses adversaires, Lloris est beaucoup plus calme, mais aussi lucide quant à ses qualités sur penalty. « D’une manière générale, je n’ai pas été beaucoup en réussite dans ma carrière dans cet exercice. Cela ne m’a pas empêché d’arrêter des penalties importants, et j’ai gagné certaines séances de tirs au but, mais j’en ai perdu beaucoup, aussi. Il y a des gardiens qui sont plus en réussite que d’autres. En fait, il y a des choses que je ne sais pas faire. Faire l’idiot dans le but, déstabiliser ostensiblement l’adversaire en jouant avec la limite, je ne sais pas le faire. Je suis trop rationnel, trop honnête pour aller sur ce terrain-là. Je ne sais pas gagner comme ça, même si je n’avais vraiment pas envie de perdre comme ça, non plus... » [3].

A l’arrivée, le capitaine des Bleus ne stoppe aucune des tentatives de Messi et ses partenaires. Martinez dévie celle de Kingskey Coman, deuxième tireur français, et voit celle d’Aurélien Tchouaméni passer à côté de ses buts. Le milieu français se dit désolé d’avoir son penalty, et comme Mbappé après son échec face à la Suisse, fait son mea-culpa. « Il faudra du temps pour digérer l’amertume et la frustration. On aura tout essayé. J’ai pris mes responsabilités, ça n’a pas marché et j’en suis le premier désolé. Je suis persuadé que l’avenir de l’équipe de France s’annonce radieux, surtout si on peut compter sur vous. » [4].

Martin Tocalli, entraîneur des gardiens de l’Argentine, explique que la confiance est un élément clé dans ce genre d’exercice. Il essaie d’ailleurs de transmettre sa sérénité à son gardien avant le début de la séance. « C’est ton moment, ferme-la, je te fais confiance, ferme-la, ça va aller. » Il résume l’état d’esprit de Martinez en quelques mots. « Il était sûr de lui, il part toujours comme un gagnant. Il sent qu’il peut bien faire, je pense que c’est en partie ce qui l’aide à avoir ce niveau. La confiance est la clé, surtout chez le gardien de but. »

Tocalli n’oublie tout de même pas de rendre hommage à Hugo Lloris qui aurait pu aussi être élu meilleur portier de la Coupe du monde : « Lloris pourrait être aussi sur le podium, ce n’est pas un hasard si en deux Coupes du monde, (il fait) deux finales. Il maintient de bonnes performances, de grands matchs avec peu d’erreurs. Emiliano et Lloris sont les meilleurs gardiens de la Coupe du monde » [5]

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Quelques chiffres pour finir

Hugo Lloris, qui a été le portier lors de ces deux séries, a concédé tous les tirs qu’il a subits, soit neuf. Côté tireurs, Paul Pogba, Olivier Giroud, Marcus Thuram et Presnel Kimpembe ont réussi leur tentative face à la Suisse tout comme Kylian Mbappé et Randal Kolo Muani en 2022. Kylian Mbappé, seul joueur à avoir participé aux deux séries, a vu sur tir repoussé Yann Sommer en 2021 et Kingsley Coman vit la même déconvenue en 2022. Aurélien Tchouaméni est le seul qui ait tiré hors cadre lors de ces deux séries.

Vos commentaires

  • Le 20 février à 20:48, par Victor TIEU En réponse à : Histoires de tirs au but (4/5) : le temps des échecs

    (...)Hugo Lloris, qui a été le portier lors de ces deux séries, a concédé tous les tirs qu’il a subits, soit neuf. (...) Aurélien Tchouaméni est le seul qui ait tiré hors cadre lors de ces deux séries.

    Aurélien Tchouaméni n’est pas dans la liste des tireurs contre la Suisse...

  • Le 14 mars à 15:08, par Bruno Colombari En réponse à : Histoires de tirs au but (4/5) : le temps des échecs

    Ce n’est pas ce qui est dit. Sur l’ensemble des deux séries, seul Aurélien Tchouaméni n’a pas cadré sa tentative.

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