Le résultat est-il prévisible ?
Ce qui fait la beauté du football, et nous font lui pardonner tant de matchs soporifiques où on regrette de ne pas avoir fait quelque chose de plus utile pendant deux heures, c’est son imprévisibilité. Dans l’histoire récente des France-Espagne en phase finale, deux scénarios venaient spontanément en tête au matin de la demi-finale : celui de 2006, où les Bleus avaient enfin démarré leur tournoi (en huitièmes de finale) en lâchant les chevaux après une belle entame espagnole et l’ouverture du score par David Villa sur pénalty. Et celui de 2012, où le dispositif tactique de Laurent Blanc avec deux latéraux droits (Réveillère et Debuchy) avait volé en éclats en vingt minutes. Si l’histoire se répétait, le Ribéry de 2024 aurait pu être Barcola (mais il était sur le banc à Hambourg), Tchouaméni ferait du Vieira et Griezmann viendrait parachever le travail sur un contre dévastateur. A l’inverse, le Xabi Alonso fatal aux Bleus en 2012 pourrait être Rodri.
C’est finalement la version 2012 de l’histoire qui l’a emporté, même si beaucoup d’autres scénarios intermédiaires auraient pu advenir. Mais il est paradoxal que ce soit au moment même où une étincelle a jailli de l’attaque, enfin, que la défense ait lâché en quatre minutes sur deux fulgurances de Lamine Yamal et Dani Olmo. On espérait, hier, que l’équipe de France soit menée pour l’obliger à réagir enfin, mais sans penser que ce serait elle qui se retrouverait devant aussi vite. Et le fait est que, comme en 2012, les Bleus n’avaient tout simplement pas les ressources physiques, mentales et techniques pour renverser la table comme ils l’avaient si bien fait lors de la finale de la Ligue des Nations en 2021.
L’équipe est-elle en progrès ?
Les vingt premières minutes étaient à la fois prometteuses et inquiétantes. Prometteuses devant, avec un jeu plus direct qui mettait en souffrance la défense espagnole, notamment son côté droit, celui de Jesus Navas, et qui débouchait très vite sur le but de Randal Kolo Muani (9e). Inquiétantes car les milieux de la Roja n’étaient pas attaqués et entraient un peu trop facilement dans la surface de réparation française. Il n’a fallu qu’un quart d’heure après l’ouverture du score pour que les Espagnols reviennent, puis passent devant, sans vraiment accélérer, avec la force de l’évidence.
Dès lors, dans un match beaucoup plus ouvert que les cinq précédents, on se disait qu’après tout, rien n’était joué, et qu’on allait peut-être avoir droit à une éruption offensive comme celle de 2016 face à l’Irlande ou de 2018 contre l’Argentine. Mais l’équipe de 2024 en était trop loin, et sans doute avait-elle déjà dépassé ses possibilités du moment en atteignant le dernier carré. On dit que seul le résultat compte, et qu’on ne se souvient que des vainqueurs. Ceux-là ne le seront pas, et il n’est pas sûr qu’on se souvienne longtemps de cet Euro 2024, sinon comme celui où Mbappé a joué trois fois avec un masque noir.
Quels sont les joueurs en vue ?
On dira William Saliba, car il a été solide et efficace face à Alvaro Morata, mais ça n’aura pas été suffisant. Jules Koundé a souffert sur son côté face à Nico Williams, amis il a fini par prendre le dessus. Randal Kolo Muani a marqué sur le premier ballon dans la surface espagnole, avant de disparaître. Quant à Mike Maignan, il ne peut rien sur les deux buts et a bien négocié les rares occasions espagnoles, avec même une sortie un peu hasardeuse près de la ligne de touche en tout début de deuxième période. Pour le reste, il n’y a pas grand chose à sauver, hormis une entrée en jeu intéressante de Bradley Barcola, qui restera sans doute le plus grand regret de ce tournoi.
Quels sont les joueurs en retrait ?
Aucun des onze titulaires, à part Maignan, Koundé et Saliba, n’a évolué à un niveau correct, sans même parler de celui qui aurait été nécessaire pour battre l’Espagne à Munich. Les défaillances les plus spectaculaires concernent Théo Hernandez, qui n’a jamais pu gérer Lamine Yamal, et le trio du milieu de terrain, complètement dépassé dans le jeu et qui pointe les limites autant d’un entrejeu aussi défensif que le fait qu’il ait très peu tourné, puisque Eduardo Camavinga (1 titularisation, 167 minutes) et Youssouf Fofana (3 remplacements, 39 minutes) ont peu joué, sans parler de Warren Zaïre-Emery que l’on n’a pas vu du tout. Devant, l’idée d’associer les Parisiens Mbappé, Kolo Muani et Dembélé a semblé pertinente en début de match, mais ce trio-là a vite été privé de ballons et n’en a pas fait grand chose quand il en a eu à négocier. Le capitaine des Bleus a délivré une passe décisive, mais pour le reste, il a souvent buté sur la défense espagnole, et ses frappes n’ont soit pas été assez appuyées, soit contrées, soit hors cadre, comme celle de la 86e qui aurait pu offrir une prolongation aux Bleus. Même sans le masque, Mbappé, n’a pas retrouvé sa précision perdue et finit ce tournoi comme il l’a commencé : brouillon et sans impact sur le jeu.
Quelles sont les attentes pour le prochain match ?
Cet Euro 2024 est désormais terminé au terme de son sixième match, et c’est le premier échec en demi-finale depuis 1996, année bien stérile aussi, mais qui avait vu la mise en place de la défense Barthez, Thuram, Blanc, Desailly, Lizarazu qui allait dominer le monde pendant quatre ans. On se souvient aussi qu’Aimé Jacquet avait priorisé la recherche d’attaquants et avait lancé Thierry Henry, David Trezeguet et Nicolas Anelka, même s’il n’avait finalement pas retenu le dernier à la Coupe du monde et avait sorti les deux premiers des titulaires à partir du quart de finale.
Pour la troisième fois en six tournois majeurs depuis que Didier Deschamps est sélectionneur, il n’atteindra pas la finale. C’est évidemment une déception compte tenu du potentiel de l’effectif actuel, mais aussi de la manière dont il a été utilisé, et alors même qu’aucun joueur important (hormis Lucas Hernandez) n’était absent, contrairement à 2022. Jamais sept joueurs n’avaient été laissés sur le banc au-delà du premier tour, et on est triste aujourd’hui pour Jonathan Clauss, Benjamin Pavard et Warren Zaïre-Emery, qui méritaient mieux qu’un statut d’Adil Rami.
Les prochains matchs, ce sera le 6 septembre au Parc contre l’Italie en Ligue des Nations, puis le 9 septembre à Lyon devant la Belgique. Un programme relevé dès la rentrée donc, mais face à deux équipes sorties de l’Euro encore plus tôt que les Bleus, dès les huitièmes de finale. Olivier Giroud ne sera plus là, mais a priori tout le groupe actuel pourrait être concerné, à moins que Griezmann ou Kanté n’annoncent leur retraite internationale pendant l’été. Il faudra aussi surveiller les Olympiques fin juillet : en cas de tournoi réussi, trois ou quatre éléments pourraient prétendre rejoindre les A.