Le contexte
En ce mois de novembre 2013, l’année qui s’achève est un calvaire pour les Bleus. Battus cinq fois (Allemagne, Uruguay et Brésil en amical, Espagne et Ukraine en compétition), ils ont été contraints de jouer les barrages pour tenter d’arracher une qualification pour la Coupe du monde au Brésil. Si le tirage a été plutôt clément en offrant l’Ukraine avec retour à la maison, l’aller a ressemblé aux matchs à l’extérieur des années 60-70 dans les pays de l’Est. 0-2, Koscielny expulsé, une défense en miettes et une confiance au plus bas. Didier Deschamps sait qu’il joue sa place quatre jours plus tard. L’heure est grave.
19 novembre 2013 : France-Ukraine
En sélection, il est très rare de jouer un va-tout en aller-retour, sur quatre jours. Pas le temps de tergiverser : Deschamps fait le ménage, écarte Samir Nasri, sort Olivier Giroud au profit de Karim Benzema et change sa charnière centrale en remplaçant Abidal et Koscielny par Sakho et Varane (43 ans à eux deux), rappelle Yohan Cabaye au milieu et Mathieu Valbuena devant à la place de Loïc Rémy.
L’ambiance est inédite au Stade de France. C’est la Ligue des Champions, c’est une fournaise, un chaudron, et les Ukrainiens sont poussés dans les cordes dès les premières minutes par des Bleus morts de faim. Il faut 22 minutes pour que Sakho, qui a suivi un coup franc de Ribéry repoussé par Pyatov, ouvre le score. Juste après, un but de Benzema est refusé pour un hors jeu inexistant, et trois minutes plus tard, le même Benzema traîne dans la surface pour prolonger une frappe de Cabaye déviée par Valbuena. Hors-jeu d’un bon mètre, mais l’arbitre l’accorde.
2-0 à la mi-temps, c’est un scénario idéal, mais l’équipe de France souffre face à dix Ukrainiens (Khacheridi a été expulsé juste après le retour des vestiaires) qui n’ont plus rien à perdre. Heureusement, un centre de Ribéry est dévié du genou par... Sakho, qui se soir-là se prend pour Thuram. 3-0, qualification obtenue de haute lutte et naissance d’une vraie équipe, réconciliée avec son public.
Comment Chroniques bleues l’a traité
Dans le compte-rendu rédigé à chaud juste après le coup de sifflet final, impossible de cacher la surprise : « Il était permis de douter qu’une équipe aussi peu réactive à l’aller se transforme subitement en machine de guerre quatre jours plus tard, surtout face à une sélection aussi compacte et organisée que l’Ukraine. »
« Mais à Saint-Denis, l’équipe de France rajeunie par le retour de Sakho et Varane et le très gros match de Pogba a mis l’intensité et la détermination qui avaient donné la victoire aux Ukrainiens vendredi. La technique en plus : en jouant à une touche de balle et en première intention, Debuchy, Pogba, Cabaye, Valbuena et Benzema ont ouvert des brèches sur le flanc droit de l’attaque. »
Parmi les joueurs mis en avant, outre un Sakho inarrêtable, « Paul Pogba a été impressionnant de sang-froid et de puissance, rappelant le Patrick Vieira des grands jours. S’il y en a un à qui il faut confier d’urgence les clés de la maison, c’est bien lui. » Mais c’était quatre mois avant les débuts d’Antoine Griezmann...
Mention aussi à Benzema : « il a marqué deux fois, et tant pis si le but accordé n’était pas le bon. Il a joué juste, n’a pas cherché exagérément à jouer avec Ribéry (heureusement, d’ailleurs) et a toujours eu le souci d’accélérer et de porter le danger devant le but. »
Ce que ça a changé
Tout. Effacées, les frustrations d’une année globalement ratée. Qualifiés, les Bleus vont se lancer à la conquête du monde en quatre ans et demi. Tout d’abord en échangeant Ribéry pour Griezmann en mars 2014, en prenant leurs marques au Brésil, en digérant le clash Valbuena-Benzema à l’automne 2015, en intégrant Kanté en mars 2016 puis Mbappé un an plus tard, en digérant le cruel épisode d’un Euro plein de rebondissements, et en renouvelant leurs latéraux, Sagna et Evra étant remplacés avantageusement par Pavard et Hernandez. Si l’Ukraine était sortie qualifiée des barrages de l’automne 2013, l’histoire aurait été bien différente.