C’est donc Adidas qui commercialise en premier les maillots des Bleus en 1978. Le prix oscille entre 85 francs (F) pour la taille enfant et 100 pour les adultes. En 1980, le maillot est à 113 F, puis deux ans plus tard, il faut 130 F pour s’offrir la taille adulte. Et le prix ne va cesser de grimper. La taille enfant passe de 175 F en 1984 à 200 en 1988 puis 285 lors de la coupe du monde italienne à laquelle les Bleus ne participent même pas. Pour les adultes, les prix suivent la même courbe. S’il ne valait qu’entre 199 et 225 F en 1986, il faut débourser entre 220 et 245 F en 1988 et 350 F en 1990 pour s’acheter la précieuse tunique. En 1986, il est même possible d’ajouter un numéro 10 dans le dos pour 10 francs de plus. En 1996, il coûte entre 355 (pour les enfants) et 412 F (pour les adultes). Si le maillot de la Coupe du monde 1998 est un peu moins cher (360 F), la victoire des Bleus le fait monter à 400 F, ce qui chiffre l’étoile à 40 F. Deux ans plus, le prix est passé à 450 F.
Si en l’espace de 22 ans, le prix du maillot a été multiplié par 4,5, quelle courbe a suivi le SMIC sur la même période ? En 1978, il était à 10,45 F. Il passe la barre des 19 F en 1982 et se rapproche des 24 F quand la France remporte l’Euro 1984. Il est à 27 F lors de la dernière Coupe du monde de Platini (1986) et à 34 F lorsque l’ex-numéro 10 quitte son rôle de sélectionneur en 1992. Quand la France décroche sa première étoile, il dépasse tout juste le seuil des 40 F pour atteindre 42,05 francs quand Didier Deschamps quitte la sélection en 2000.
Entre 1978 et 2000, le SMIC a donc été multiplié par 4, soit une hausse un peu moins importante que celle du prix du maillot des Bleus (multiplié par 4,5). Pour dire les choses autrement, une personne gagnant le SMIC devait travailler un peu plus de 9h30 en 1978 pour s’offrir un maillot des Bleus alors qu’en 2000, cela représentait presque 10h45.
Le passage à l’euro a-t-il changé les choses ?
Dans un premier temps (entre 2002 et 2006), le prix du maillot a chuté puisqu’il ne fallait que 65 euros (soit 426 francs) pour obtenir la tenue de l’équipe de France au début des années 2000. Mais Adidas a commencé à préparer le terrain pour les années futures en mettant à la vente des vrais maillots (c’est-à-dire identiques à ceux que portent les joueurs). Seuls ceux de 2002 ont été mis en vente, mais le prix passe tout de suite un cap car il fallait compter 100 € pour les obtenir.
En 2008, pour fêter les dix ans du titre de champion du monde, le maillot de la victoire est remis à la vente pour 80 € (soit 524 F contre seulement 400 francs dix ans plus tôt). Le prix du maillot bleu est de 70 € en 2008 et 2010 (55 pour les enfants), mais Adidas décide de soigner ses clients en 2010 en proposant le maillot blanc pour seulement 40 €, mais aussi des maillots de match pour lesquels le prix était de 150 euros. Les joueurs n’aideront pas la marque aux trois bandes pour cette dernière année de partenariat.
Lorsque Nike prend le relais, en 2011, les prix restent dans la même fourchette (60 € pour les enfants, 75 pour les adultes). Mais ils vont ensuite monter progressivement (80 € en 2012, 85 en 2014) pour atteindre 90 € cette année. En parallèle, le prix des maillots de match sont passés de 120 € en 2012 à 140 € depuis 2016. A cela, il est bien entendu possible d’ajouter un flocage pour lequel il faut compte entre 15 et 20 €.
Au cours des 20 dernières années, le prix du maillot n’a été multiplié que 1,38. Et dans le même temps, le SMIC est passé de 6,41 € en 2000 à 10,15 en janvier 2020, soit une hausse de 58 %. Si en 2000, un maillot représentait près de 11 heures de travail, 20 ans plus tard, un salarié payé au SMIC ne doit plus que travailler qu’un peu moins de 9 heures (8 heures et 52 minutes pour être précis) pour en acheter un. Par contre, pour s’offrir un maillot officiel, il faut travailler presque 14 heures (13 heures 48 minutes).
Combien de maillots se vendent chaque année ?
Il est très difficile d’obtenir ce genre de chiffres, car les équipementiers (particulièrement Nike) communiquent peu sur le sujet. Ce qu’on peut dire avec certitude cependant, c’est la victoire lors de la coupe du monde 1998 a été déterminante. Auparavant, porter un maillot de foot donnait une image ringarde ou beauf. Mais le succès de Zidane et sa bande ont tout changé. On estime à 500 000 le nombre de maillots qui se sont écoulés en 1998 (et près de 250 000 tee-shirts célébrant la victoire).
Ce chiffre aurait été aussi atteint en 2006, lorsque la France a été vice-championne du monde en 2006. Chiffre qui aurait été plus haut en cas de victoire face aux Italiens. 2010 aurait pu être une année record, puisque plus de 300 000 tenues étaient parties avant même le début de l’épreuve sud-africaine. Mais l’échec des Bleus, aussi bien sportif qu’en terme d’image, a réduit à néant les espoirs de la marque aux trois bandes de battre son record de ventes.
Pour Nike, rares sont les informations ayant filtrées. On sait juste qu’en 2011, c’était Karim Benzema, Samir Nasri, Florent Malouda, Yohan Gourcuff et Marvin Martin (dans cet ordre) qui faisaient vendre le plus de maillots. En 2014, les magasins se trouvent en rupture de stock après le huitième de finale (remporté 1-0 face au Nigéria) et on parle d’une centaine de milliers de pièces vendues. Enfin, on se souvient tous de l’épisode post mondial 2018, où les tenues doublement étoilés ne sont jamais arrivées dans les magasins, alors que des centaines de milliers de ventes semblaient assurées.