Une carrière de footballeur professionnel est l’aboutissement de longues années d’apprentissage et de travail acharné. Mais elle résulte avant tout de prédispositions à la pratique du jeu. Gérard Soler est un exemple parfait. Le natif d’Oujda, au Maroc, n’intègre son premier club de foot qu’à l’âge de treize ans. Ce supposé retard ne l’empêchera pas de devenir professionnel, de jouer en équipe de France et disputer la Coupe du monde.
L’énergie Soler
Au sein des équipes de jeunes de l’AS Poissy, le gamin fait sensation, inscrivant but sur but au point d’être au bout de deux ans surclassé jusqu’à l’équipe première. Doté d’une belle pointe de vitesse et d’un féroce appétit d’espace, le gamin fait les beaux jours du club pisciacais alors en division d’honneur dans un périmètre très relevé, la région parisienne. Le phénomène attire la curiosité des clubs professionnels, notamment le FC Sochaux qu’il rejoint en 1972, l’année de ses dix-huit ans. L’entraîneur Paul Barret fait de cet attaquant de pointe un ailier, poste où il trouve plus d’espaces.
En octobre 1973, le jeune sochalien apparaît en équipe de France espoirs. Un an plus tard, c’est la grande équipe de France, celle de Stefan Kovacs, qui le convoque le 16 novembre 1974 pour un match au Parc des Princes, le premier contre la RDA, en éliminatoires du championnat d’Europe. Bien que doté du numéro 10, le Sochalien joue bien sur l’aile droite, avec le Lillois Christian Coste comme avant-centre et le néo-Marseillais Georges Bereta sur l’aile gauche.
Après une heure de jeu, la France est menée 0-2 par Sparwasser et les siens. “La seule satisfaction tricolore vient du bon comportement de Soler, vaillant soldat dont les dribbles saccadés, les crochets répétés et la force de percussion mériteraient un meilleur sort” peut-on lire dans L’année du Football 1975 sous la plume de Jacques Thibert. Les Français parviennent à réduire l’écart dans le dernier quart d’heure, grâce à un but de Jean-Marc Guillou. Gérard Soler, lui, ne termine pas la rencontre. Victime à quelques minutes de la fin d’un coup de genou de Waetzlich dans la cuisse gauche, il doit sortir et n’est pas remplacé, puisque la France a déjà effectué ses deux changements. Bien que réduite à dix, la sélection tricolore parvient pourtant à égaliser in-extremis grâce à une tête de Jean Gallice, qui avait remplacé Christian Coste à la mi-temps.
Malgré une performance satisfaisante contre les Allemands de l’Est, Gérard Soler ne sera pas rappelé par Stefan Kovacs. Le sélectionneur roumain brasse beaucoup de joueurs, change souvent d’avis et décide en outre de s’appuyer sur les Stéphanois qui font parler d’eux sur le front européen. Gérard Soler a le temps. Il reste régulièrement convoqué chez les Espoirs, puis apparait brièvement chez les A un soir d’octobre 1975 à Strasbourg à l’occasion d’une rencontre contre le club allemand d’Hambourg. Entré en deuxième période à la place de Gallice, Gérard Soler ne parvient pas à empêcher la partie de se terminer par un score nul et vierge.
Dans la première d’Hidalgo
C’est Michel Hidalgo qui donne une nouvelle chance à Gérard Soler lorsqu’il dirige pour la première fois l’équipe de France le 23 mars 1976 à l’occasion d’une rencontre au Parc des Princes contre la Tchécoslovaquie. Privé des joueurs stéphanois, le nouveau sélectionneur fait appel à six nouveaux, dont Robert Pintenat, partenaire d’attaque de Gérard Soler au FC Sochaux. C’est d’ailleurs sur une action de ce dernier, sur un centre de Platini, que Soler récupère le ballon et ouvre le score à la 17e minute. Le buteur sochalien sera remplacé en fin de partie par Didier Six en étant crédité d’un bon match.
On retrouve Gérard Soler au Parc des Princes avec les Bleus en août 1976 dans le dernier quart d’heure d’un match UNFP contre Hambourg (qu’il rencontre donc pour la seconde fois avec les Bleus). Mais le Sochalien ne fait pas partie des premiers choix du sélectionneur. Son club se montre irrégulier en championnat. Gérard Soler est envoyé vers l’équipe de France espoirs. En 1977, il remporte le Tournoi de Toulon dont il finit meilleur buteur. Une performance insuffisante pour être du voyage en Argentine.
Au cours de cet été 1978, Gérard Soler consent à quitter Sochaux et rejoint l’AS Monaco, champion de France en titre. Un club d’une plus grande envergure qui lui permet de se signaler auprès du sélectionneur, lequel le fait entrer dans le dernier quart d’heure d’une rencontre amicale contre l’Espagne à la place de Dominique Rocheteau. La suite de la saison en Principauté sera moyenne, à tel point qu’il quitte le club. Il rejoint les Girondins de Bordeaux en même temps qu’un autre attaquant en disgrâce, Bernard Lacombe, qui ne s’est pas imposé à Saint-Etienne.
Le club bordelais s’installe parmi les tous meilleurs du championnat de France et fournit de plus en plus de joueurs à l’équipe de France. Mais celle-ci ignore Gérard Soler qui ne semble pas correspondre aux profils que cherche Michel Hidalgo. L’attaquant bordelais n’a pas été appelé durant les éliminatoires du championnat d’Europe 1980, et semble tout aussi oublié pour celles de la Coupe du monde 1982. Il faudra une cascade de forfaits en avril 1981 pour le voir réapparaître sous le maillot bleu, à l’occasion d’un décisif France-Belgique au Parc des Princes. Pour ce match de la dernière chance, Michel Hidalgo aligne une équipe extrêmement offensive. Après avoir encaissé un premier but dès la 5e minute, l’équipe de France réalise une magnifique demi-heure où Gérard Soler inscrit deux des trois buts français. Le héros du jour sort à vingt minutes de la fin sous les acclamations du Parc, heureux d’avoir retrouvé une équipe de France des grands soirs.
L’homme de Bilbao
Mais il faut croire que la carrière internationale de Gérard Soler ne sera qu’une série de piges sans lendemain. La suite des éliminatoires du mondial 1982 se déroule sans lui. Toutefois, au début de l’année 1982, Michel Hidalgo rappelle son intérimaire de luxe pour les matchs amicaux contre l’Italie (2-0) et l’Irlande du Nord (4-0). L’attaquant bordelais fait partie des quarante pré-sélectionnés pour la Coupe du monde en Espagne, puis figure sur la liste des 22. Mieux, il est titulaire pour le premier match à Bilbao contre l’Angleterre. Un match étouffant que les Français démarrent très mal en encaissant un but après 27 secondes de jeu. A la vingt-cinquième minute, Alain Giresse envoie une ouverture lumineuse vers Gérard Soler qui devance Terry Butcher et bat Peter Shilton d’un tir croisé. Cette égalisation ne sera malheureusement qu’un sursis. L’équipe de France s’écroule en seconde période et s’incline 3-1.
Michel Hidalgo procède à de nombreux changements pour le match suivant contre le Koweït, mais il conserve son numéro 20 qui a malgré tout donné satisfaction face aux Anglais. Le Bordelais sera d’ailleurs titularisé tout au long du parcours des Tricolores, principalement sur l’aide droite alors que le côté gauche est occupé par Didier Six et le centre par Bernard Lacombe puis Dominique Rocheteau. A Madrid, la France réalise un superbe match contre l’Autriche remporté seulement 1-0, Gérard Soler ayant manqué quelques occasions qui aurait pu améliorer le score. Lorsqu’il décide, pour les matchs suivants, d’aligner quatre hommes au milieu de terrain, Michel Hidalgo est obligé de retirer un attaquant. Ce sera Didier Six pour le match contre l’Irlande du Nord (4-1), puis Gérard Soler pour la fameuse demi-finale France-RFA, la seule rencontre qu’il a suivi intégralement du banc de touche.
A l’issue de la Coupe du monde 1982, le héros de Bilbao rejoint le Toulouse FC, ambitieux promu qui a également recruté Christian Lopez. Il est rappelé par Michel Hidalgo pour les rencontres amicales contre la Pologne (0-4), la Hongrie (1-0) et enfin le match contre la Belgique (1-1) à Luxembourg en fin de saison. Sorti après l’heure de jeu et remplacé par Yannick Stopyra, Gérard Soler a disputé sans le savoir son dernier match avec les Tricolores. Il ne participera pas à l’Euro 1984.
16 sélections, 4 buts
La carrière internationale de Gérard Soler s’étale de 1974 à 1983 mais il a connu 11 de ses 16 sélections au cours de la seule année 1982, où il disputa la Coupe du monde en Espagne. Il a inscrit quatre buts pour les Bleus.
Sel | Genre | Date | Lieu | Adversaire | Score | Tps jeu | Buts |
1 | qEuro | 16/11/1974 | Paris (Parc) | RDA | 2-2 | 88* | |
. | (non-officiel) | 08/10/1975 | Strasbourg | Hambourg SV | 0-0 | 45 | |
2 | Amical | 27/03/1976 | Paris (Parc) | Tchécoslovaquie | 2-2 | 81* | 1 |
. | (non-officiel) | 24/08/1976 | Paris (Parc) | Hambourg SV | 4-2 | 15 | |
3 | Amical | 08/11/1978 | Paris (Parc) | Espagne | 1-0 | 17 | |
4 | qCM | 29/04/1981 | Paris (Parc) | Belgique | 3-2 | 71* | 2 |
5 | Amical | 23/02/1982 | Paris (Parc) | Italie | 2-0 | 90 | |
6 | Amical | 24/03/1982 | Paris (Parc) | Irlande du Nord | 4-0 | 15 | |
. | (non-officiel) | 29/05/1982 | Andorre | Andorra CF | 2-1 | 90 | |
7 | Amical | 02/06/1982 | Toulouse | Galles | 0-1 | 90 | |
8 | CM T1 | 16/06/1982 | Bilbao* | Angleterre | 1-3 | 90 | 1 |
9 | CM T1 | 21/06/1982 | Valladolid* | Koweït | 4-1 | 90 | |
10 | CM T1 | 24/06/1982 | Valladolid* | Tchécoslovaquie | 1-1 | 88* | |
11 | CM T2 | 28/06/1982 | Madrid* | Autriche | 1-0 | 90 | |
12 | CM T2 | 04/07/1982 | Madrid* | Irlande du Nord | 4-1 | 63* | |
13 | CM 3pl | 10/07/1982 | Alicante* | Pologne | 2-3 | 90 | |
14 | Amical | 31/08/1982 | Paris (Parc) | Pologne | 0-4 | 90 | |
15 | Amical | 06/10/1982 | Paris (Parc) | Hongrie | 1-0 | 17 | |
16 | Amical | 31/05/1983 | Luxembourg* | Belgique | 1-1 | 64* |