Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

Publié le 11 avril 2023 - Bruno Colombari - 6

De 1920 à aujourd’hui, on peut dégager dix générations successives autour d’un joueur clé. Devaquez, Mattler, Baratte, Bereta, Papin et Ribéry ont ainsi assuré la continuité autour des époques Kopa, Platini et Zidane. Présentation de la série.

Cet article fait partie de la série Générations
Mise à jour d’un article initialement paru en avril 2018.
4 minutes de lecture

Si 932 joueurs ont porté au moins une fois le maillot de la sélection depuis 1904, on peut considérer qu’en 119 ans, et en considérant qu’une génération de footballeurs dure une dizaine d’années en moyenne, nous en serions approximativement à la douzième génération, mais il faut tenir compte des interruptions lors des années de guerre et du fait qu’au début du 20è siècle, l’équipe de France jouait peu de matchs mais utilisait énormément de joueurs.

Pourquoi ne pas raconter l’histoire des Bleus par le biais d’un joueur représentatif d’une génération, en étudiant ceux qui l’ont accompagné, les résultats qu’ils ont obtenu, et en pointant le point culminant et le point bas de la période ? C’est ce que je vais faire dans les prochaines semaines, dans une série de dix articles, chacun étant consacré à une génération. J’en ai identifié dix, que je vais vous présenter maintenant. D’une certaine manière, ils constituent l’ADN de l’équipe de France, sa mémoire et son patrimoine génétique.

Jules Devaquez (1), Etienne Mattler (2), Jean Baratte (3), Raymond Kopa (4), Georges Bereta (5), Michel Platini (6), Jean-Pierre Papin (7), Zinédine Zidane (8), Franck Ribéry (9) et Antoine Griezmann (10).
Jules Devaquez (1), Etienne Mattler (2), Jean Baratte (3), Raymond Kopa (4), Georges Bereta (5), Michel Platini (6), Jean-Pierre Papin (7), Zinédine Zidane (8), Franck Ribéry (9) et Antoine Griezmann (10).

La décennie d’avant la première guerre mondiale a été trop chaotique et trop brouillonne pour être lisible. Personne ne se détache de cette période, tant les joueurs ont été nombreux et, il faut bien le dire, dépourvus de talent. A l’exception sans doute d’Eugène Maës, mais avec 11 sélections concentrées sur deux années, le premier grand buteur des Bleus ne peut prétendre au statut de chef de file générationnel.

Depuis les années 1920, il est possible de dégager des générations successives autour d’un joueur clé. Dans le schéma ci-dessous, chaque génération est représentée par un cercle dont la taille est proportionnelle au nombre de matchs qu’elle comprend. Par exemple, Zidane compte 108 sélections entre 1994 et 2006, mais dans cet intervalle il y a eu 158 matchs. C’est ce nombre qui est indiqué, ainsi que les titres majeurs (ou la meilleure performance) de la période. Les générations en rouge sont les majeures, les générations en gris sont les intermédiaires. Celle de Griezmann ne peut pour l’instant pas être classée dans l’une ou l’autre catégorie, même si ses quatre finales disputées entre 2016 et 2022, dont deux gagnées, la rapproche de la première.

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Si dans l’entre-deux-guerres, aucun joueur français n’a atteint un niveau mondial, on peut quand même, arbitrairement certes, en identifier trois. Le premier est l’attaquant de l’Olympique de Paris puis de l’OM Jules Devaquez, 41 sélections entre 1920 et 1929 et 11 buts inscrits. Sa carrière vient se caler entre la création de la FFF en janvier 1920 et mai 1929, à un an de la première Coupe du monde.

Le suivant est Etienne Mattler, le défenseur du FC Sochaux. Entre 1930 et 1940, il compte 46 sélections et devient le recordman du genre. Il est également 14 fois capitaine, et participe aux trois Coupes du monde d’avant-guerre.

Jean Baratte, attaquant de Lille, aurait certainement fait une brillante carrière internationale s’il était né dix ans plus tard. Entre 1944 et 1952, il joue 32 fois en équipe de France et inscrit 19 buts. On le surnomme à son époque le « capitaine courage ».

La quatrième génération est d’évidence celle de Raymond Kopa, le premier français de classe mondiale. Entre 1952 et 1962, il fait entrer les Bleus dans la cour des grands en 45 sélections, son passage au Real Madrid (1956-1959) lui en ayant coûté une vingtaine. Il n’aura pas eu la fin de carrière qu’il méritait, sorti par la petite porte en 1963 par la Fédération et par un sélectionneur revanchard.

C’est ensuite que les affaires se corsent. La première moitié des années 60 est la pire période des Bleus depuis la guerre, et, comme à la Belle Epoque, aucune personnalité n’émerge alors que les sélectionneurs se succèdent à toute vitesse. Le seul nom que l’on peut associer à la décennie 66-75, celle qui va de la Coupe du monde anglaise à l’arrivée de Michel Hidalgo, c’est Georges Bereta. L’aillier gauche stéphanois compte 44 sélections avec les Bleus, dont il est 12 fois capitaine, et se forge en club un palmarès brillant.

De mars 1976 à avril 1987, c’est la génération Platini, une génération exceptionnelle qui compte aussi Bossis, Tigana, Rocheteau, Giresse, Six ou Battiston. Emmenés par leur triple Ballon d’Or, les Bleus dominent l’Europe et échouent deux fois tout près d’une finale mondiale. C’est l’époque du carré magique, des audaces offensives payées cash puis de la conversion à la rigueur défensive inculquée par Platini le Turinois.

La septième génération, celle de Jean-Pierre Papin, aura été plus pauvre en talents, ou plus exactement ceux-ci, Cantona excepté, se comptaient dans la génération précédente finissante (Bats, Fernandez, Amoros, Touré) ou dans la suivante, pas encore mature (Blanc, Deschamps, Lama, Lizarazu...). C’est l’exemple même d’une phase de transition.

La huitième est de très loin la plus chargée en titres, en gloire et en centenaires en sélections. De l’été 1994 à 2006, Zinédine Zidane va prendre la tête d’un groupe exceptionnel formant l’équipe de France la plus forte de l’histoire. Ça ne l’a pas empêchée de connaître de gros trous d’air, ou de se faire sortir par le Danemark en 2002 et la Grèce en 2004.

La neuvième génération ressemble beaucoup à la septième : avec un chef de file, Franck Ribéry, adoubé en Coupe du monde par la superstar sortante (Zidane en 2006, comme Papin l’avait été par Platini en 1986), et le cocktail qui ne prend pas entre vieilles gloires (Thuram, Henry, Vieira, Makelele) et jeunes loups (Benzema, Nasri, Gourcuff).

Depuis neuf ans, nous voilà dans la dixième génération, celle emmenée par Antoine Griezmann. Quand cet article a été écrit, il était impossible de dire si, après les coups d’éclats et les déceptions de 2014 et 2016, elle serait capable de franchir un cap. La Coupe du monde 2018 en a apporté la réponse, et celle de 2022 aura été une forme de confirmation. Cette génération-là est bien l’une des quatre grandes de l’histoire après la huitième (Zidane), faute d’avoir remporté un Euro, mais déjà devant la sixième (Platini) et la quatrième (Kopa). Et elle a glané au passage une Ligue des Nations, bien plus relevée que les deux Coupes des Confédérations de 20001 et 2003.

On ne sait pas encore jusqu’où elle ira, sans doute jusqu’à l’Euro 2024 pour sa tête de file. Mais il n’est pas impossible que, chose inédite dans le football français, elle abrite en son sein une autre génération encore plus forte. Celle de Kylian Mbappé, qui vient d’hériter du brassard de capitaine à 24 ans, comme l’avait fait avant lui Michel Platini en 1979. Réponse dans quelques années.

Vos commentaires

  • Le 29 avril 2020 à 09:42, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    INTRODUCTION GENERATION HERBIN
    Dans le tableau des 10 générations, j’aurai ajouté une génération supplémentaire, elle se situerait entre celle de Kopa & de Bereta. & comme joueur symbolique Robert Herbin (du fait que sa carrière en bleu a commencé en 60 & s’est terminé en 68) même si ils peuvent être plusieurs à représenter cette génération du fait que certains ont commencé leur carrière en bleu vers la fin de la génération précédente cad vers 59 comme par ex L.Müller (qui a terminé sa carrière lors de la coupe du monde 66 sans chez les bleus entre 64-66) et même 57-58 comme Y. Douis, M Wisniewski qui ont joué la coupe du monde 58 & l’euro 60 & qui ont arrêté leur carrière en bleu entre 63 & 65) sans pour autant aller au bout de la génération suivante.
    Comme pour les générations qui ont suivi après celles qui étaient sur de bons résultats (Papin Ribery), il a été dur de succéder pour elle aussi à la génération de Kopa.
    Herbin & ses coéquipiers de sa génération auront joué avec & vu partir les héros de la coupe du monde 1958 entre 1959 & 63. Ils auront vu arriver la génération qui leur succédera après entre la fin de la coupe du monde 1966 & durant les éliminatoires de l’euro 68.
    Leur sienne, celle des Djorkaeff, Herbin, Budzinski se sont plus illustrés en club nationalement comme leur successeurs sans pour autant être brillant en coupe d’Europe contrairement à ceux de la génération Papin & Ribery,

  • Le 29 avril 2020 à 09:50, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    NOYAU
    Concernant le noyau, ce seraient la plupart des joueurs qui sont nés milieu/fin des années 30 & début/milieu des années 40 notamment ceux qui ont joué la coupe du monde 66.

    QUI LES A LANCES ?
    Jusqu’en 64, comme pour la génération Kopa, il est difficile de définir du fait qu’il n’y avait pas encore de sélectionneur unique malgré le passage de Georges Verriest entre 60-64. Par contre à partir de 64, elle a connu tout le mandat d’Henri Guérin (15 matches), du duo Snella/Arribas , du passage Fontaine tout aussi éphémère l’un & l’autre & sûrement de la totalité de celui de Dugauguez.

  • Le 29 avril 2020 à 10:02, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    BILAN
    environs 60 matches, 25% victoire & plus 50% défaite. Evidemment c’est très mauvais & ça explique le début du déclin de l’équipe de France dans les années 60 confirmé plus tard dans les années 70 par la génération suivante. Cependant ces chiffres sont à relativiser car la plupart des défaites ont eu lieu lors de matchs amicaux.
    Par contre en compéte, c’est un peu mieux certes avec à peine une participation anonyme lors du mondial 66. & sans pour avoir la garantie de rééditer la perf de 58 , elle aurait pu jouer le mondial 62 si les 2 derniers matches contre la Bulgarie avaient été mieux négociés surtout le premier (défaite controversée en dernière minute auquel un nul aurait suffit) & si la différence de but était prise à l’époque. & lors de l’euro 64 & 68, où elle a été éliminée en 1/4finale on aurait pu considérer qu’elle aurait pu jouer la phase finale d’1euro si elle s’était déjà joué à 8 & non à 4 à l’époque. Cette génération était mauvaise par rapport à la précédente mais meilleure par rapport à celle qui l’a suivie du moins dans ses résultats en compete. Car si à la limite la génération Bereta partage en commun avec celle de Herbin & cie les résultats de l’Euro 68, elle n’a jamais été en mesure de prouver qu’elle pouvait se qualifier pour une phase finale de compétition (même virtuellement si l’euro se serait joué à 8 ou même à 16) jusqu’à la génération Platini

  • Le 29 avril 2020 à 10:09, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    LE POINT LE PLUS HAUT
    Ce serait la victoire 5-2 à Paris lors du 1/16 finale retour de l’euro 64 contre l’Angleterre en 2/1963 après un bon match nul lors de la manche aller en Angleterre en 10/62.
    Malgré que l’Angleterre était certes en construction pour la coupe du monde 66, elle restait sur une participation en 1/4 finale lors de la coupe du monde précédente & comptait déjà en ses rangs certains futurs champions du monde 66 comme Charlton, Greaves ou Moore. Ce jour-là la France jouait sans Kopa qui avait décidé de quitter la sélection. Avec cette victoire, on aurait pu croire à un avenir meilleur à l’équipe de France sans Kopa mais finalement elle n’a été qu’un feu de paille comme celle sur la Yougoslavie lors du match qualificatif en 11/65 pour le mondial 66.

  • Le 29 avril 2020 à 10:11, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    LE POINT LE PLUS BAS
    On pourrait citer un bon nombre de matches notamment ceux lors du mondial 66. Mais les défaites contre la plupart des équipes jouées pouvaient être encore logiques à l’époque du moins dans le résultat, elle pourrait partager le même matche que celle de la génération Bereta, la fameux France-Norvège de 11/68 qui a vraiment marqué la fin de la génération de ceux qui ont joué la coupe du monde 1966 même si certains joueront encore après en 1970-72 voire 74/75 comme Bosquier, J. Djorkaeff & Carnus.
    Si on devait en choisir un, je dirai le Yougoslavie-France à Belgrade lors du 1/4 finale retour de l’euro 68. Ce n’est pas la défaite qui pose problème mais l’impression qui confirme que si la France ne pouvait pas jouer à un niveau plus haut mais qu’elle pourrait jouer à un niveau plus bas à l’avenir si elle ne ressaisirait pas dans un futur proche, impression confirmée quand on regarde la génération suivante.

  • Le 29 avril 2020 à 10:19, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les dix générations qui ont fait l’histoire des Bleus

    CE QU’ON RETIENDRA
    Avec un bilan de 25% victoire & plus de 50% defaites sur environs 60 matches, pas grand chose à retenir au départ, à part que la France était encore bien loin de ce qu’elle est aujourd’hui même si il y a eu quelques belles sans lendemain comme la victoire sur l’Angleterre lors de l’Euro 64 ou la qualif lors du mondial 66 vite effacée par l’élimination au 1er tour sur querelles internes sur le plan techino-tactiques.

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