José Touré, bleu comme le Brésil

Publié le 24 avril 2023 - Richard Coudrais

De 1983 à 1989, José Touré a joué seize rencontres officielles avec l’équipe de France. De graves blessures et une fin de carrière précoce ont laissé beaucoup de regrets.

Cet article fait partie de la série Génération 6
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Pour son élégance et son aisance technique, associées à sa peau mate et au maillot jaune de son club, on l’avait surnommé le Brésilien et on ne résistait pas au plaisir de l’imaginer évoluant aux côtés des Sócrates, Zico et Falcão, inoubliables magiciens de l’équipe auriverde qui avait illuminé le Mondial espagnol de 1982.

Joker à Nantes

Avant d’être surnommé le Brésilien, les supporters du FC Nantes l’avaient appelé le Joker. Dès son premier match en pro, il avait inscrit son premier but quelques minutes après être entré en jeu. Et il récidiva en quelques occasions, notamment durant l’épopée européenne qui conduisit l’équipe nantaise jusqu’en demi-finale de la Coupe des Coupes en 1980.

Après ces débuts tonitruants, José Touré n’allait pas tarder à enfiler le maillot bleu : Espoirs, amateurs, militaires, équipe de France B, Olympiques et enfin en équipe de France A le 23 avril 1983 à l’occasion d’une rencontre amicale contre la Yougoslavie, à la veille de ses 22 ans. Privé de Platini, Giresse et Genghini, Michel Hidalgo a constitué un milieu de terrain inédit avec Fernandez, Tigana, Ferreri et Touré. En même temps que le Nantais débute également le défenseur brestois Yvon le Roux, entouré de Bossis, capitaine d’un soir, Amoros et Tusseau, alors que la cage est gardée par Tempet. Devant, le sélectionneur associe Bellone à Rocheteau.

La France l’emporte 4-0. Un score d’autant plus réjouissant que les deux nouveaux y ont été de leur but : Le Roux a ouvert le score après 22 minutes d’une reprise de la tête et Touré l’a clôturé à l’entrée du dernier quart d’heure : Sur un corner de Ferreri, le Nantais reçoit le ballon dans l’arc de cercle de la surface. Il contrôle de la poitrine, laisse rebondir avant de reprendre du pied droit et d’envoyer en pleine lucarne. Un but à la Brésilienne en bande-annonce de celui qui le rendra célèbre, un mois et demi plus tard dans ce même Parc des Princes, en finale de la Coupe de France.

Avant-centre ou milieu de terrain ?

Le Nantais connaît sa deuxième sélection lors d’une rencontre amicale contre la Belgique à Luxembourg. Associé à Bernard Genghini au milieu du terrain, Touré est bien près d’inscrire un nouveau but en reprenant un centre d’une magnifique tête plongeante. Le gardien belge Munaron parvient à repousser mais Didier Six, capitaine d’un soir, reprend pour ouvrir le score.

Michel Hidalgo est à la fois satisfait et contrarié par les débuts en bleu de José Touré. Le Nantais revendique un poste de meneur de jeu, comme celui qu’il occupe au FC Nantes. Mais chez les Bleus, le poste est plutôt bien pourvu avec Platini, Giresse, Genghini, voire Tigana, mais aussi Bravo, Ferreri et Vercruysse, les autres jeunes postulants. Le sélectionneur préférerait faire de José Touré le grand avant-centre qu’il cherche depuis des années.

A quatre mois de l’Euro 1984, un France-Angleterre amical est l’occasion de tester José Touré comme avant-centre avec Michel Platini et Alain Giresse en pourvoyeurs. Le jeu aérien du Nantais fait merveille au milieu des défenseurs anglais, mais c’est Platini qui marque les deux buts de la soirée (2-0).

Champion olympique

Une contracture à la cuisse malvenue empêche ensuite José Touré de répondre aux convocations du sélectionneur. Privé de championnat d’Europe, il rejoindra l’équipe olympique à Los Angeles pour conquérir la médaille d’or avec l’équipe dirigée par Henri Michel. Même si son parcours s’est arrêté en quart de finale par une nouvelle blessure, José Touré a pu fièrement écouter la Marseillaise sur la plus haute marche du podium.

L’équipe de France championne d’Europe se lance alors dans la course à la qualification pour le mondial 1986. Henri Michel a succédé à Michel Hidalgo tout en poursuivant son œuvre. Pour le deuxième match de qualification au Parc des Princes contre la Bulgarie, le sélectionneur appelle son ancien jeune coéquipier de Nantes, mais il le laisse sur le banc de touche. Le Nantais remplace Yannick Stopyra à l’heure de jeu mais il ne termine pas le match, fauché par un claquage dans les dernières minutes. José Touré semble ne jamais en finir avec les blessures.

On le retrouve toutefois au printemps pour la suite des éliminatoires. A Sarajevo, il remplace Yannick Stopyra en deuxième mi-temps et manque de peu de faire la décision en fin de rencontre (0-0). A Sofia, il est pour la première fois titularisé par Henri Michel à la place d’Alain Giresse dans le carré magique. Dans une ambiance hostile, les Bleus se font surprendre par des Bulgares revanchards (2-0) et concèdent leur première défaite depuis dix-huit mois.

Samba contre l’Uruguay

C’est à la rentrée 1985 que José Touré va de nouveau illuminer l’équipe de France. A l’occasion de la rencontre France-Uruguay, il est positionné en second attaquant aux côtés de Dominique Rocheteau. Le Nantais fait un match éblouissant ponctué par un but dont il est à l’origine et à la conclusion : un contrôle de la poitrine pour récupérer le ballon, un pas de samba pour éliminer son adversaire, un relais avec Platini puis Giresse qui centre, un contrôle de la poitrine dans la surface pour éliminer un défenseur puis une reprise du pied droit pour éliminer le gardien.


 

Et dire que José ne devait pas jouer cette rencontre contre l’Uruguay ! Henri Michel ne l’avait pas convoqué, et c’est suite au forfait de Daniel Xuereb qu’il l’a rappelé.

José Touré participe à la qualification de l’équipe de France pour le mondial mexicain, marquant un but contre le Luxembourg (6-0) puis donnant à Platini le ballon du deuxième but contre la Yougoslavie (2-0). Malheureusement, une grave blessure au genou avec Nantes lors d’un quart de finale européen contre l’Inter Milan le prive de la Coupe du monde.

Après huit mois sans jouer, on le retrouve au début de l’année 1987 sous le maillot des Girondins de Bordeaux. Alors que l’on doutait de ses capacités à revenir au plus haut niveau, José Touré est devenu indiscutable chez les Girondins et Henri Michel n’hésite pas à le rappeler chez les Bleus pour tenter de redresser le mauvais départ en éliminatoires de l’Euro 1988.

L’ancien Nantais est titularisé contre l’Islande au Parc pour la seule victoire des Tricolores (2-0) dans une campagne éliminatoire catastrophique. Il s’impose aux yeux d’Henri Michel comme un élément essentiel pour la reconquête à l’heure où Michel Platini range ses crampons. A Berlin, il donne une passe décisive au débutant Eric Cantona. A Moscou, il marque un but magnifique à son ami Rinat Dasaev. Mais au Parc contre la Norvège, il ne peut éviter aux Bleus de retomber dans leurs travers.

Un lent déclin

Au début de l’année 1988, José Touré fait partie du groupe appelé à un rassemblement à Israël, qui sera suivi par un tournoi quadrangulaire organisé en France. S’il est bien titularisé à Tel-Aviv (0-0), le Bordelais reste sur le banc de touche durant tout le tournoi face à la Suisse et au Maroc.

José Touré traverse alors une période où ses performances sont en chute libre. On ignore la profondeur de son mal-être, dont il ne parviendra jamais à remonter la pente. Alors qu’il a rejoint l’AS Monaco, José Touré est appelé en février 1989 par Michel Platini pour une rencontre amicale à Dublin face à l’Irlande. Il entre à la mi-temps à la place de Stéphane Paille, mais sa prestation ne séduit pas le nouveau sélectionneur. C’est sa dernière sélection.

José Touré fait partie, avec Jean-Marc Ferreri, Philippe Vercruysse ou Daniel Bravo, de la génération qui devait poursuivre la voie tracée par celle de Platini, Giresse et Rocheteau, mais dont le talent a volé en éclat face aux turpitudes du foot-business des années 1980. Il compte seize sélections en équipe de France (soit 1.221 minutes selon le site FFF), 13 titularisations, 4 buts et deux passes décisives. C’est avec l’équipe de France olympique qu’il a connu ses plus belles épopées, avec la médaille d’or des Jeux olympiques et l’argent des Jeux méditerranéens en 1979.

18 matches en bleu, 4 buts

Sel.GenreDateLieuAdversaireScoreTps JeuNotes
. France B 27/04/1982 Esch-sur-Alzette Luxembourg 1-0 90
1 Amical 23/04/1983 Paris Yougoslavie 4-0 79> But 74’
2 Amical 31/05/1983 Luxembourg Belgique 1-1 90
3 Amical 29/02/1984 Paris Angleterre 2-0 90
4 qCM 21/11/1984 Paris Bulgarie 1-0 >26>
5 qCM 03/04/1985 Sarajevo Yougoslavie 0-0 >21
6 qCM 02/05/1985 Sofia Bulgarie 0-2 90
7 Interc. 21/08/1985 Paris Uruguay 2-0 90 But 66’
8 qCM 11/09/1985 Leipzig RDA 0-2 90
9 qCM 30/10/1985 Paris Luxembourg 6-0 90 But 24’
10 qCM 16/11/1985 Paris Yougoslavie 2-0 90
11 qEuro 29/04/1987 Paris Islande 2-0 90
12 Amical 12/08/1987 Berlin RFA 1-2 90
13 qEuro 09/09/1987 Moscou URSS 1-1 74> But 13’
14 qEuro 14/10/1987 Paris Norvège 1-1 90
15 Amical 27/01/1988 Tel Aviv Israël 1-1 77>
. France A’ 16/11/1988 Auxerre Yougoslavie B 1-0 90
16 Amical 07/02/1989 Dublin Irlande 0-0 > 45

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, RSSSF, L’Équipe, FFF, Wikipédia, la lecture d’anciens exemplaires de France-Football, L’Équipe, les Cahiers de L’Équipe, Mondial, Onze, Onze-Mondial... ainsi que des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), les éditions 1980 à 1990 de « L’année du football » de Jacques Thibert (Calmann-Levy) et du « Livre d’or du football » de Charles Biétry (Solar).

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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