Le contexte historique
Après la défaite de l’armée française à Diên Biên Phu, Pierre Mendès France négocie les accords de paix de Genève. La France se retire d’Indochine, création du Vietnam, indépendance du Cambodge et du Laos (20 juillet). Le 1er novembre, la Toussaint rouge marque le début de sept ans et demi de guerre en Algérie. Après son appel à la radio le 1er février, l’Abbé Pierre crée le mouvement des Compagnons d’Emmaüs pour les sans-abri. Le 5 juillet, Elvis Presley enregistre à Memphis le premier titre rock de l’histoire, That’s all right Mama. Le 7 juin, le mathématicien britannique Alan Turing se suicide à 42 ans, persécuté pour son homosexualité. Le premier volume du Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien est publié, il deviendra un classique du XXe siècle. Alfred Hitchcock présente à Venise Fenêtre sur cour, grand film sur le voyeurisme.
Le contexte sportif
En France, l’année est marqué par le deuxième titre de champion de Lille, devant le Stade de Reims. A noter la brillante saison d’un jeune joueur de 21 ans, Just Fontaine, auteur de 17 buts avec Nice. Au niveau international, le football européen est dominé par la grande sélection hongroise, invaincue depuis 1950, championne olympique en 1952 et victorieuse du match du siècle à Wembley en novembre 1953 contre l’Angleterre (6-3). C’est donc logiquement la grande favorite du Mondial qui se dispute en Suisse.
Le sélectionneur en poste
La piètre performance des Bleus aura raison de Gaston Barreau à la tête du comité de sélection. Déjà critiqué après le mauvais résultat contre l’Italie en amical, Barreau et ses adjoints (Jean Rigal et Alex Thépot) décident de faire le ménage avant la coupe du monde, écartant notamment René Vignal, Roger Piantoni, Joseph Ujlaki et Thadée Cisowski. Après l’élimination au premier tour, Paul Nicolas est appelé à la tête du comité de sélection et remplace au poste d’entraîneur Pierre Pibarot par Jules Bigot. Ce dernier n’allait rester en place que six mois.
Le récit de l’année
Qualifiés pour la cinquième coupe du monde de l’histoire, les Bleus ne vont cette fois pas déclarer forfait au dernier moment comme en 1950. Il est vrai que la Suisse est plus proche et moins dépaysante que le Brésil. La préparation sera pourtant réduite à sa plus simple expression, avec deux matches amicaux printaniers. Le premier, contre l’Italie le 11 avril à Colombes, s’annonce compliqué. Roger Piantoni ouvre pourtant le score rapidement, servi par Kopa (26e), mais les Italiens répliquent aussitôt par Pandolfini (29e) et prennent l’avantage peu après par Carlo Galli (35e) qui fait des misères à la charnière centrale Jonquet-Marcel. Et comme le gardien René Vignal n’est pas dans un grand jour, ça fait 1-3 après un nouveau but de Galli (51e).
Pour le deuxième test face à la Belgique à Bruxelles le 30 mai, Gaston Barreau décide de tout changer, hormis Marcel en défense et Kopa au milieu. César Ruminski, le nouveau gardien, s’illustre par un début de match catastrophique : il a déjà encaissé trois buts après huit minutes de jeu sur deux erreurs grossières. Jean Vincent a entre-temps réagit (7e) et maintenu les Bleus dans le match, d’autant qu’avant la mi-temps, Huysmans dévie dans ses cages un tir de Jean-Jacques Marcel (2-3). L’équipe de France gère bien la deuxième période et finit par égaliser par Kopa (70e, 3-3). A la suite de ce match, Dereuddre, Vincent, Glovacki et Kaelbel sont retenus dans la liste pour la Suisse, mais pas Piantoni, ni Cisowski, ni Uljaki, ni Ruminski.
Comme en 1950, le premier tour est construit avec des groupes de 4 comportant deux têtes de série ne se rencontrant pas. La France tombe dans le groupe du Brésil, de la Yougoslavie et du Mexique et joue donc contre les deux derniers. La préparation à Divonne les Bains est plutôt bucolique, tendance congés payés 1936. C’est dire si les Bleus ont plusieurs trains de retard, et ils vont le payer cher. Quand on n’a que deux matches pour accéder aux quarts de finale, mieux vaut ne pas perdre le premier. C’est pourtant ce qu’ils font, face à la Yougoslavie le 16 juin à Lausanne. Un but encaissé très vite (Milutinovic, 15e) suffit pour battre une médiocre équipe tricolore, alors même que les Yougoslaves semblaient prenables. Robert Jonquet se cassera même le nez (au sens propre du terme) à la fin du match.
Reste donc à battre le Mexique et espérer que ce sera suffisant pour se qualifier. Il faut pour cela que le Brésil batte la Yougoslavie. Il n’en est rien : un match nul qualifie les deux équipes, qui se séparent donc sur un 1-1 bienvenu. La victoire à l’arraché à Genève le 19 juin ne sert à rien. Vincent ouvre le score à la 19e, et c’est le milieu mexicain Cardenas qui dévie une frappe de Dereuddre dans ses cages dès le retour des vestiaires (46e, 2-0). Les Bleus s’arrêtent alors de jouer, ce dont profite Lamadrid sur une erreur de Kaelbel et de Marcel (54e, 2-1). Et à la 85e, Balcazar trouve la cible d’une frappe de 30 mètres (2-2). Il faudra une main de Romo dans la surface pour que Kopa donne la victoire aux Bleus (88e, 3-2). Une victoire sans enjeu.
Cet échec cinglant entraîne un changement de têtes à la sélection, Paul Nicolas prenant la place de Gaston Barreau à la tête du comité et Jules Bigot succède à Pierre Pibarot comme entraîneur. Il ne reste plus que deux matches amicaux à jouer au deuxième semestre. Le premier, le 16 octobre à Hanovre, se dispute chez les nouveaux champions du monde en titre, la RFA. Une équipe fortement soupçonnée d’avoir battue l’invincible Hongrie à l’aide de substances chimiques douteuses ayant provoqué une surprenante épidémie de jaunisse. Contre toute attente, les Bleus réalisent un exploit en l’emportant 3-1, menant même 3-0 avant l’heure de jeu grâce à un but de Vincent et un doublé de Foix. C’est aussi le dernier match de Larbi Ben Barek, qui bat à cette occasion un record : celui de l’international français le plus âgé de l’histoire. Né officieusement en 1914, il aurait disputé sa 17e et dernière sélection à 40 ans. Mais comme il se blesse à la 27e minute, il est remplacé par le Stéphanois Jacques Foix.
Le 11 novembre, comme il se doit, les Bleus jouent leur sempiternel match contre la Belgique (le deuxième de l’année), à Bruxelles cette fois. Robert Jonquet en est le héros malheureux avec un but contre son camp d’entrée (5e) et une passe involontaire qui profite à Lemberechts (67e). Heureusement, Raymond Kopa rétablit la situation dans le dernier quart d’heure avec un tir dévié par Dereuddre (75e) et un pénalty (87e). Ce 2-2 à l’extérieur clôture une année cafouilleuse, sans queue ni tête. On est loin d’imaginer que la génération 1958 est pour l’essentiel déjà là.
La révélation de l’année
Jacques Foix débute en Bleu en décembre 1953 contre le Luxembourg lors du fameux match des débutants (il inscrira le cinquième but). L’attaquant stéphanois âgé de 23 ans n’est pas retenu pour la coupe du monde en Suisse, mais il est dans le groupe en octobre pour aller défier le nouveau champion du monde allemand. Remplaçant, il profite de la blessure du quadragénaire Larbi Ben Barek avant la demi-heure de jeu pour entrer et ouvrir le score presque aussitôt. En deuxième mi-temps, il assomme la RFA en inscrivant le troisième but français sur une passe de Kopa. La suite de la carrière de Foix sera moins brillante. Il terminera en 1956 avec sept sélections et trois buts marqués.
Les joueurs de l’année
28 joueurs ont été appelés en Bleu en 1954 en seulement six matches, ce qui est beaucoup pour l’époque. Le seul à avoir joué l’intégralité des rencontres est Raymond Kopa, alors que Roger Marche, Jean Vincent et le débutant René Dereuddre en ont disputé cinq. Viennent ensuite François Remetter, Robert Jonquet, Raymond Kaelbel, Jean-Jacques Marcel et Abderrahman Mahjoub avec quatre sélections. Sur ces neuf joueurs, sept seront à la coupe du monde 1958.
Huit joueurs terminent en 1954 leur carrière internationale : André Strappe, Robert Lemaître, Pierre Michelin, Larbi Ben Barek, Lazare Gianessi, César Ruminski, Antoine Cuissard et René Vignal
Six autres la débutent : Pierre Grillet, Raymond Kaelbel, Xercès Louis, Antoine Cuissard, René Dereuddre et Daniel Carpentier (qui ne rejouera plus en Bleu).
Les buteurs de l’année
Raymond Kopa marque quatre buts, Jean Vincent trois et Roger Piantoni un. Il ne manque plus que Just Fontaine pour former le carré magique offensif de 1958 ! Jacques Foix complète le tableau avec un doublé.
Carnet bleu
Naissance de Philippe Bergeroo (13 janvier), Dominique Bathenay (13 février), Gérard Soler (29 mars), René Girard (4 avril), Léonard Specht (16 avril), Carlos Curbelo (28 avril), Loïc Amisse (9 août) Didier Six (21 août) et Jean-Pierre Tempet (31 décembre).
Décès de Roland Schmitt (20 décembre).