2002, une année dans le siècle

Publié le 29 décembre 2012 - Bruno Colombari

Les blessures de Pires et de Zidane, l’hôtel Sheraton de Séoul, les cinq poteaux du premier tour, Santini, Cissé et Gallas qui arrivent : c’était 2002, année sans étoile.

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Le contexte historique

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L’année 2002 est marquée en France par un séisme politique : le 21 avril, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat du Front national Jean-Marie Le Pen dépasse Lionel Jospin (PS) de moins de 200 000 voix. Il sera balayé au second tour par une mobilisation républicaine qui maintiendra Jacques Chirac à l’Elysée avec 82,2% des voix. Dans la foulée, la droite remporte l’élection législative. Au Pakistan en février, le journaliste américain Daniel Pearl est décapité. Quelques jours plus tard en Colombie, les FARC enlèvent la candidate à la présidentielle Ingrid Betancourt. Le sociologue Pierre Bourdieu meurt à 72 ans en janvier, tout comme le cinéaste Billy Wilder ou l’économiste américain James Tobin. Au cinéma, la Mission Cléopâtre d’Astérix et Obélix attire plus de monde qu’Harry Potter et la Chambre des secrets de Chris Columbus.

Le contexte sportif

La première coupe du monde asiatique verra-t-elle enfin un pays européen l’emporter loin de son continent ? Parmi les favoris, la France bien entendu, mais aussi l’Argentine de Crespo, le Brésil de Ronaldo ou l’Angleterre de Beckham. En clubs, le Real Madrid emporte sa troisième Ligue des Champions en cinq éditions, avec un but magnifique de Zidane en finale contre Leverkusen. En France, l’Olympique lyonnais devient champion de France sur le fil contre Lens à la dernière journée.

Les sélectionneurs en poste

Champion d’Europe à Rotterdam en 2000, vainqueur de la Coupe des confédérations à Tokyo en 2001, Roger Lemerre se voit bien réussir le triplé historique en 2002. Claude Simonet aussi, qui prolonge son contrat de deux ans le 3 mai, jusqu’à l’Euro 2004. « Nous avons voulu prendre cette décision avant la Coupe du monde pour apporter de la sérénité. C’est le même type de décision que nous avions prise en 1996, en prolongeant avant le début de l’Euro Aimé Jacquet jusqu’en 1998. » Vient ensuite sa désastreuse gestion du groupe dans l’hôtel Sheraton de Séoul, équipé d’un casino et d’un bar ouvert jusqu’à deux heures du matin, le Sirocco.

Lemerre ne tient plus ses joueurs, dont les femmes font à peu près ce qu’elles veulent. Il s’enferme dans un schéma tactique offensif (le 4-2-3-1) qui ne tient pas compte des absences de Pires et de Zidane, aucun plan B (Micoud ?) n’étant envisagé en cas de défection de l’idôle. Et il fustige la presse, comme d’habitude depuis 2000. Après la défaite contre le Danemark, il est remercié et quitte la Fédération. Il est remplacé en juillet par Jacques Santini qui vient d’être champion de France avec Lyon. Ce dernier patine un peu puis semble trouver la bonne formule entre anciens et nouveaux.

Le récit de l’année

Après une année 2001 sans queue ni tête marquée par une victoire facile en coupe des confédérations au Japon, des victoires de prestige en amical et trois défaites inquiétantes, les Bleus se lancent dans une série de cinq matches amicaux pour préparer le Mondial asiatique.

Le programme est copieux mais ne comporte pas d’obstacle majeur. Face à la Roumanie le 13 février, Lemerre rappelle Philippe Christanval dix-huit mois après ses débuts en Afrique du Sud. Les Bleus commencent fort avec deux buts dans la première demi-heure par Vieira et Petit, puis s’éteignent ou s’économisent, au choix (2-1).

Un mois plus tard, alors que Pires vient d’être blessé avec Arsenal, c’est le déluge qui s’abat sur l’Ecosse : en première mi-temps, l’équipe de France tire quatre fois, pour autant de buts marqués (Zidane, Henry, Trezeguet 2), Marlet achevant le travail en fin de match (5-0). C’est facile, un peu trop facile.

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Le match suivant contre la Russie en avril laisse voir des lacunes offensives avec Anelka en pointe, qui perd ce jour-là sa place pour le Mondial. Le 18 mai est le dernier match en France avant le départ pour l’Asie. Face à la Belgique, Barthez et Zidane ne jouent pas contrairement aux Diables Rouges qui ouvrent le score de la tête suite à un coup-franc. Les Bleus égalisent sur un coup de billard avant la mi-temps, puis regardent passer les trains jusqu’à la 91e, où sur un contre assassin, Marc Wilmots arrache une victoire prémonitoire (1-2).

C’est sur cette mauvaise impression que l’équipe de France part se préparer au Japon, et joue un match parfaitement inutile (mais lucratif) contre la Corée du Sud le 26 mai. Zidane, qui vient de gagner la Ligue des champions avec le Real et dont la femme vient d’accoucher, est aligné d’entrée contre la Corée. Au bout d’une demi-heure, sa cuisse lâche. Les Bleus signent une victoire à la Pyrrhus (3-2), mais tout se goupille de travers désormais.

Face au Sénégal le 31 mai pour l’ouverture de la compétition, Djorkaeff est aligné à la place de Zidane et Trezeguet trouve le poteau. Les Sénégalais marquent sur un coup de billard où la défense française (Lebœuf, puis Desailly, et enfin Barthez et Petit) est débordée. En deuxième mi-temps, un lob d’Henry tape la transversale. La chance a tourné (0-1).

Le chemin de croix se poursuit contre l’Uruguay avec un but de Trezeguet refusé pour hors-jeu, la blessure précoce de Lebœuf, l’exclusion de Henry et un coup-franc de Petit sur le poteau. Paradoxalement, c’est à dix contre onze (et avec Micoud au milieu) que les Bleus joueront leur meilleur jeu, et malgré quelques contres brûlants, les Uruguayens se contentent d’un nul (0-0) qui les laissent en course.

Avec le retour d’un Zidane clopinant, l’équipe de France peut se sortir du piège en battant le Danemark 2-0. Pas la mer à boire, sauf pour une équipe à la dérive que la chance abandonne encore (tirs de Trezeguet et de Desailly sur la barre) et qui perd donc (0-2). Djorkaeff, Lebœuf et Dugarry jettent l’éponge, Lemerre est écarté au profit de Jacques Santini qui a pour mission de qualifier les Bleus pour l’Euro 2004 et d’y défendre le titre européen.

Celui-ci lance Govou et Bruno Cheyrou contre la Tunisie (1-1) et passe tout près d’une correction à Nicosie pour les débuts de la phase qualificative pour 2004 : menés au score au bout d’un quart d’heure, les coéquipiers de Zidane souffrent pour revenir et finalement l’emporter (2-1) de justesse.

C’est au match suivant contre la Slovénie que les Bleus de Santini vont enfin retrouver l’artillerie lourde avec un 5-0 initié par Vieira et amplifié par un doublé de Steve Marlet. La défense centrale associe Desailly, qui fête sa centième sélection, et William Gallas, qui débute en Bleu.

Le prochain match à Malte sera une formalité (4-0, doublé de Henry) et l’année se termine par une victoire de prestige face à la Yougoslavie (3-0) où s’illustrent Eric Carrière (auteur d’un doublé) et Olivier Kapo alors que Moreira et Pedretti font leurs débuts.

Les joueurs de l’année

Trente-huit joueurs ont été appelés lors des treize matches de cette année 2002. Jacques Santini a lancé sept nouveaux lors des cinq matches du deuxième semestre (Govou, Cheyrou, Kapo, Gallas, Mexès, Moreira et Pedretti) contre un seul pour Roger Lemerre (Cissé). Santini a fait jouer 27 sélectionnés, tout comme Lemerre.
Le seul à avoir disputé toutes les rencontres, c’est Marcel Desailly, devant Lilian Thuram et Patrick Vieira (12), Sylvain Wiltord (11) et Thierry Henry (10). Et ils sont 16 à n’avoir disputé que de un à trois matches, dont parmi eux les champions du monde Robert Pires (un match contre la Roumanie), Christian Karembeu (un match contre l’Ecosse) et le champion d’Europe Nicolas Anelka (un match contre la Russie).

Les buteurs de l’année

Personne ne se détache en 2002, puisqu’il sont cinq à avoir marqué trois buts : Wiltord, Henry, Trezeguet, Marlet et Carrière. Vient ensuite Vieira (2) et huit joueurs à un but, dont Cissé et Zidane.

La révélation de l’année

C’est incontestablement Djibril Cissé. Meilleur buteur du championnat de France en 2001-2002 avec Auxerre, l’avant-centre profite d’une nette baisse de régime de Nicolas Anelka pour se glisser dans l’attaque des Bleus au tout dernier moment, accompagnant Henry, Trezeguet, Wiltord et Dugarry. Il jouera très peu en Corée (9 minutes contre le Sénégal et l’Uruguay, 36 minutes contre le Danemark), mais il marquera son premier but en Bleu à Nicosie contre Chypre. C’est le début d’une carrière chaotique qui durera neuf ans (41 sélections, 9 buts).

Carnet bleu

Décès du défenseur Raoul Diagne (18 sélections entre 1931 et 1940), de l’attaquant André Simonyi (4 sélections et 1 but entre 1942 et 1945), du défenseur André Frey (6 sélections entre 1944 et 1950), du défenseur Georges Beaucourt (1 sélection en 1936) et du défenseur André Jacowski (2 sélections en 1952).

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal