Que restera-t-il de cette année 2018 de l’équipe de France ? Réduire douze mois, dix-huit matchs et vingt-sept heures de jeu à quelques secondes d’éternité n’est pas un exercice facile.
On pourrait d’ailleurs s’amuser, rétrospectivement, à identifier le souvenir de 1982, de 1984, de 1998… Sachant bien sûr que c’est une affaire personnelle éminemment subjective, et que chacun a le sien dans un coin de sa mémoire.
Pour 2018, si je ne devais retenir qu’une seule action, c’est-à-dire une vingtaine de secondes au maximum, je la sortirai du match le plus riche émotionnellement des Bleus en Russie, celui contre l’Argentine à Kazan le 30 juin lors du huitième de finale de la Coupe du monde.
Des moments forts, il y en a eu beaucoup dans ce match-là, sans doute autant, sinon plus, que dans les six autres du parcours victorieux de l’équipe de France. On pourrait citer la course folle de Kylian Mbappé qui entraîne le pénalty de Griezmann, le coup franc du même Griezmann repoussé par la barre transversale de Armani, le but égalisateur invraisemblable de Benjamin Pavard à la réception d’un centre de Lucas Hernandez…
Le but du 4-2 contre l’Argentine, celui qui change tout
J’ai choisi le deuxième but de Kylian Mbappé, celui du 4-2 inscrit à la 68e minute. Pour plusieurs raisons : parce qu’il arrive au terme d’un quart d’heure exceptionnel des Bleus, sans doute le meilleur de leur tournoi, parce qu’il conclut une superbe action collective à six joueurs dans la verticalité, et enfin parce qu’il fait entrer Mbappé dans une autre dimension, celle des supergrands.
L’action en détail : suite à une sortie de but jouée court, le ballon part du pied gauche de Umtiti à l’angle de sa surface, qui remet à Lloris, lequel contrôle du droit et passe du gauche à Kanté sous le pressing de Messi (rétrospectivement, on frémit en pensant à l’action de la finale contre Mario Mandzukic). Kanté, en position de défenseur central, remonte sur quelques mètres et sert Griezmann dans le rond central. Six Argentins ont été éliminés à cet instant.
Alors qu’il a Giroud dans son dos et Mbappé décalé sur l’aile droite, Griezmann joue à une touche pour Matuidi sur sa gauche. Matuidi fait un contrôle du gauche en avançant et sert immédiatement Giroud dans la profondeur.
Les Bleus se retrouvent en trois contre trois : Giroud qui a fait l’appel a Griezmann en renfort derrière lui et Mbappé qui prend de la vitesse à sa droite, libre de tout marquage. Devant lui, il a Mercado et Tagliafico qui vont tenter de fermer la porte, Mercado se tenant sur sa gauche. Plus bas dans le couloir gauche, Lucas Hernandez offre aussi une solution de passe. Autant dire que les Argentins sont débordés.
Quand Giroud reçoit la passe, le ballon perd de la vitesse, il ne peut pas passer entre les deux défenseurs et Tagliafico est trop près de lui pour qu’il puisse déclencher une frappe. Comme il a vu Mbappé, il se contente de prolonger la passe de l’extérieur du gauche, devant lui.
Pile dans la course de Mbappé qui arrive lancé et qui a vu que le second poteau de d’Armani est grand ouvert. Mbappé ne prend aucun risque, et du plat du pied à une douzaine de mètres de la cage, décalé sur la droite, il place le ballon dans le petit filet opposé à ras du sol.
Depuis la passe d’Umtiti, il s’est passé quinze secondes, onze touches de balle, sept joueurs concernés, six passes et environ 90 mètres de terrain remontés. Les Argentins n’ont pas touché le ballon.
Il reste alors environ 25 minutes à jouer (en comptant le temps additionnel) et à ce moment-là, les coéquipiers de Messi sont KO debout. Il ne faudrait pas grand chose pour les achever définitivement, mais deux cartons jaunes successifs pour Matuidi (72e) et Pavard (73e) douchent l’euphorie des Bleus qui ne poussent plus leurs actions. On voit à plusieurs reprises Antoine Griezmann stopper des contre-attaques qui auraient pu déboucher sur des occasions, et peut-être un cinquième but.
Il n’aurait pourtant pas été de trop, puisque les Argentins vont pousser fort dans les dix dernières minutes, marqueront par Agüero à la 93e et se créeront une ultime occasion de revenir à 4-4. Nul ne sait ce qui se serait passé alors. Mais le ballon qui traîne dans la surface finit au dessus de la barre de Lloris, les Bleus sont en quart de finale et Messi dit adieu à la Coupe du monde.
On revoit l’action en vidéo
Bonus : les chiffres d’une année record pour Chroniques bleues
2017 avait déjà été la meilleure année pour Chroniques bleues depuis que le site existe (il a été créé en août 2010). 2018 a pulvérisé les records :
– de fréquentation, avec 307 235 visites, soit un bond de 86% par rapport à 2017. Le record par mois, qui datait de novembre 2017 (32 847) a été battu une première fois en juin (42 485) et une deuxième fois en juillet (58 289). Le record par jour, qui remontait au 20 juin 2014 (4092) a été battu une première fois le 10 juillet (4903) et une deuxième fois le 15 juillet, jour de la finale de la Coupe du monde (5353).
– d’articles publiés. Il y en a eu 215 en 2018, soit près du double du total de 2017 (113), et bien plus que le précédent record qui datait de 2016 (131). Les années précédentes, le nombre d’articles tournait entre 70 et 100 seulement. A ces 215 nouveaux papiers, il faut ajouter tous ceux mis à jour et notamment les 11 tableaux thématiques (matchs, joueurs, buteurs, capitaines, gardiens, adversaires, villes, scores, arbitres, sélectionneurs et générations) actualisés dans les minutes qui suivent chaque match. Plus deux autres, mis à jour moins souvent : ceux des remplaçants et des années.
Il y a eu aussi cette année deux nouveautés : les feuilles de match (que vous pouvez aussi retrouver à partir du tableau des matchs, en cliquant sur le numéro du match en début de ligne) et les articles Jour de match publié le matin de chaque rencontre depuis l’automne. J’ai aussi lancé en 2018 une série sur les 10 générations des Bleus. Cinq sont déjà publiées, les autres suivront en 2019.
J’ai aussi publié 13 interviewes cette année, avec Jérôme Latta, François da Rocha Carneiro, Ludovic Lestrelin, Pierre Rondeau, Antoine Grognet deux fois, Matthieu Delahais, Arnaud Janus, Thierry Sestier, Romain Vercuyce, Florent Toniutti et la rédaction de Lucarne Opposée (deux fois). Leur regard et leur expertise enrichissent grandement le contenu du site.
Merci à tous et à toutes de m’avoir suivi cette année, et rendez-vous en 2019 !