Pas besoin d’aller le chercher bien loin, celui-là : il arrive à la 123ème minute du dernier match de l’année, à Lusail contre l’Argentine en finale de la Coupe du monde. Ce souvenir amer est le cousin éloigné de celui de Manuel Amoros, frappant de 25 mètres à la 89e minute de France-RFA, alors qu’il y avait 1-1, et fracassant la barre de Schumacher. Dix centimètres plus bas, ou frappé un mètre plus loin, c’était le but de la victoire, pas besoin de prolongations et une finale de Coupe du monde dans la foulée. C’est aussi celui de Zidane en 2006, quand sa tête décroisée dans la première mi-temps des prolongations est claquée par Buffon dans la nuit berlinoise, alors qu’il y avait aussi 1-1 et que les Italiens, exténués, n’attendaient plus que les tirs au but. C’est enfin celui de Gignac trouvant le poteau de Rui Patricio en 2016 alors que le but était ouvert et que le temps réglementaire était quasiment fini, à 0-0.
On joue donc la 123ème minute à Lusail et les Bleus viennent d’égaliser une deuxième fois, cinq minutes plus tôt, grâce à un pénalty de Mbappé qui signe ainsi un triplé monstrueux. Les Argentins, qui avaient repris l’avantage par Messi après avoir été rejoints à 2-2, se disent qu’ils n’y arriveront décidément pas. Des trois minutes du temps additionnel, il en reste moins d’une quand Lloris frappe du gauche un coup franc à l’extérieur de sa surface. Tout le monde est monté, Mbappé fait signe d’envoyer loin devant. Le ballon est dégagé de la tête par Otamendi devant Kolo Muani et revient dans le rond central sur Konaté.
Le défenseur du Bayern amortit le ballon de la poitrine et le renvoie devant d’une balle en cloche. Mbappé est alors en position de hors-jeu, mais pas Kolo Muani qui se précipite dans le dos de Otamendi, lequel est trop court pour dégager le ballon. Kolo Muani se retrouve alors seul devant Martinez qui est sorti. Il laisse le ballon rebondir une fois. Il est alors à treize mètres des cages, légèrement sur la droite.
On joue alors depuis 2 minutes et 44 secondes dans le temps additionnel, autant dire que s’il marque, l’attaquant de Francfort offre la Coupe du monde aux Bleus et devient le Trezeguet de 2022. Sur sa gauche, sur la même ligne, Mbappé est démarqué et attend l’offrande, même s’il était hors-jeu au départ de l’action (sur le renvoi d’Otamendi) et encore hors jeu sur la passe de Konaté. Autrement dit, si Kolo Muani lui passe le ballon et qu’il marque, le but aurait probablement était annulé par la VAR (même si Szymon Marciniak n’en a jamais fait usage au cours de la finale).
Le remplaçant français ne se pose de toute façon pas la question. Il fait au plus simple, à savoir tirer du coup du pied droit, devant lui, d’une frappe tendue. Mais Martinez est sorti comme un gardien de handball, bras en croix et bassin baissé pour éviter un tir entre les jambes. Il couvre ainsi son premier poteau mais bien sûr serait battu en cas de tir croisé ou de ballon piqué.
La frappe tendue à ras de terre de Kolo Muani est dégagée par le pied gauche du gardien argentin, et les Bleus jouent vraiment de malchance sur ce coup, car le ballon arrive sur Romero, tout content d’être sur la trajectoire et de la dévier de la tête alors que Marcus Thuram avait suivi l’action. Otamendi, qui s’est relevé, relance sur Messi qui offre une dernière occasion à l’Argentine, mais Lautaro Martinez croise trop sa tête. Dans la foulée, Mbappé se créera une ultime occasion par un prodigieux slalom dans la surface argentine, mais il se fera contrer sur son ultime crochet.
La séance de tirs au but sera fatale aux Bleus, comme en 2006, comme en 2021, même si Randal Kolo Muani aura le cran de défier Martinez et de le battre, mais ce sera trop tard, Coman et Tchouaméni ayant échoué avant lui et Lloris s’étant incliné à chaque tentative. Combien de temps l’ex-Nantais revivra-t-il cette occasion ? Probablement pour le restant de sa vie. Il vient de fêter ses 24 ans.