Le résultat était-il prévisible ?
On a au moins échappé à la purge sans but habituelle depuis 2014 pour le troisième match du tournoi (Equateur 2014, Suisse 2016 et Danemark 2018). Mais pas au score nul, ni au gentlemen agreement dans les dix dernières minutes, les deux équipes étant qualifiées et semblant se contenter du résultat, qui envoie tout de même les Portugais affronter la Belgique en huitièmes, bon courage.
Mais finalement ce 28e match contre le Portugal aura été riche en rebondissements, avec un Cristiano Ronaldo marquant enfin contre les Bleus (pour sa septième confrontation depuis 2006) et plutôt deux fois qu’une, Karim Benzema qui retrouve enfin le chemin des filets avec un doublé, trois pénaltys sifflés et transformés, deux arrières gauches sur le flanc et Rabiot pour les remplacer. Ça faisait beaucoup de choses à imaginer, un peu trop même. Mais on ne s’en plaindra pas : mieux vaut un match vivant et plein de rebondissements qu’un pensum soporifique.
L’équipe est-elle en progrès ?
C’est impossible à savoir, tant on est à la croisée de plusieurs scénarios au terme de ce premier tour. Impossible de ne pas penser à celui de 2004, où les Bleus avaient renversé une situation mal engagée contre l’Angleterre (2-1) avant de perdre le fil face à la Croatie (2-2) et de gérer la qualification dans les dernières minutes contre la Suisse (3-1). On connaît la suite : calage complet en quart devant la Grèce (0-1).
Une autre lecture de ce Portugal-France est possible : juste avant le pénalty de Benzema, les Bleus étaient à la rue, ballotés par des adversaires qui faisaient ce qu’ils voulaient et avaient pris le contôle total de la rencontre. Mais trois minutes après la pause, la situation était complètement renversée, et la deuxième mi-temps allait être bien meilleure : sans un double sauvetage de Rui Patricio à la 67e sur des tirs de Pogba et Griezmann, le score aurait continué de monter. Et finalement les Portugais n’ont marqué que sur pénalty.
Quels sont les joueurs en vue ?
Il fallait une certaine dose de culot à Karim Benzema pour tirer le pénalty de la 45e minute, puisqu’on avait cru comprendre que c’était Griezmann qui devait s’en charger. Un nouvel échec lui aurait sans doute été fatal, mais il a marqué ce but si important pour lui et pour l’équipe de France dans un moment où elle coulait à pic. Celui de la 47e, d’abord signalé hors-jeu puis finalement validé (que la VAR est pénible !) ne doit rien à personne, sinon à la magnifique ouverture de Pogba.
Ce dernier a manqué beaucoup de choses à Budapest, mais cette passe décisive rachète tout, de même que sa merveille de frappe enroulée que Rui Patricio va chercher avec la main opposée pour pousser le ballon sur le poteau. Dans un milieu où Tolisso a disparu et où Kanté n’a pas eu son rendement habituel, Pogba est indispensable.
Derrière, Presnel Kimpembe a tenu la baraque, même s’il est trop court sur la tête de Ronaldo (48e) juste après le deuxième but de Benzema. Parmi les remplaçants, Adrien Rabiot a fait une rentrée imprévue au poste d’arrière gauche, où il s’est battu avec beaucoup d’abnégation.
Quels sont les joueurs en retrait ?
Hugo Lloris, toujours aussi inefficace sur pénalty (il n’en a arrêté que deux sur 20, et reste sur 16 échecs consécutifs depuis 2013), est responsable du premier qui aurait pu lui coûter un carton rouge. Les Bleus ne gagneront le tournoi que si leur gardien se met au niveau qui était le sien en 2018. Pour l’instant il est plutôt à celui de 2010 ou de 2012. Derrière, Jules Koundé a été en grande difficulté sans rien apporter offensivement, ce qui est sa qualité première.
Raphaël Varane a semblé très fébrile en première mi-temps, avec notamment une tête en cloche dans la surface qui a permis à Ronaldo de tenter une volée, heureusement hors cadre. Corentin Tolisso a souffert au milieu et a été logiquement remplacé, alors qu’Antoine Griezmann a été meilleur à la récupération qu’à la construction, ce qui n’est pas bon signe.
Kylian Mbappé a manqué un tête à tête devant Rui Patricio sur une ouverture de Pogba à la 17e. Il a un peu disparu en deuxième mi-temps alors que des espaces s’ouvraient. Dommage.
Quelles sont les attentes pour le prochain match ?
Ce sera un huitième à priori facile lundi prochain contre la Suisse qui n’a pas montré grand chose jusqu’à présent (nul contre Galles, large défaite face à l’Italie et victoire contre une faible Turquie) mais qui n’aura rien à perdre, contrairement aux Bleus. Ces derniers n’ont perdu qu’une fois en huitièmes de finale et c’était en 1934 contre l’Autriche. Depuis ils ont enchainé sept victoires, même si en 1998, où ça semblait également facile contre le Paraguay, ils avaient sué sang et eau à Lens et ne s’en étaient sortis que par un but en or.
On n’oubliera pas non plus que le quatrième match du tournoi, central dans une compétition qui en compte sept, permet souvent de changer de dimension : c’était notamment le cas en 2006 contre l’Espagne (3-1 après avoir été mené), en 2016 face à l’Irlande (2-1 après avoir encaissé un pénalty d’entrée) et en 2018 contre l’Argentine (4-3 après avoir été mené 1-2). C’est ce qu’il faudra, lundi à Bucarest, pour aborder un peu plus sereinement les lacets qui mènent à la victoire finale. Pour l’instant on en est loin.