Ainsi s’achèvent les carrières (3) : sur blessure

Publié le 14 août 2023 - Bruno Colombari

Troisième partie de cette série, avec un retour sur sept joueurs passés des vestiaires à l’infirmerie, sans billet de retour. D’une triple fracture à l’avant-bras aux douleurs lombaires, les blessures auront brisé net des trajectoires qui auraient pu être encore plus belles.

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Il y a ceux qui finissent dans la grisaille d’un match sans importance (Lire Ainsi s’achèvent les carrières (1) : dans l’anonymat), ceux qui s’offrent un dernier tout de piste en phase finale (Lire Ainsi s’achèvent les carrières (2) : en phase finale). Et ceux dont la carrière ne se remet jamais d’une blessure dramatique, ou d’une accumulation fatale de pépins physiques. En voici huit, entre radios et IRM.

René Vignal, le 11 avril 1954 (Italie, 1-3)

Le gardien du RC Paris aura été l’un des plus spectaculaires de l’histoire des Bleus. Mais il n’aura joué aucune Coupe du monde. En 1953, il est remplacé deux fois sur blessure contre le Luxembourg (coup de genou en plein visage) et face à la Suisse (choc à la tête qui le mit KO). Au printemps 1954, il a bon espoir d’aller enfin au Mondial suisse, mais après une défaite contre l’Italie (1-3), Gaston Barreau décide de faire le ménage et écarte provisoirement le Français volant. Blessé en barrage d’accession en première division le 6 mai (triple fracture de l’avant-bras), il est de toute façon forfait. A 27 ans et 17 sélections, celui qui aura été un des tout meilleurs gardiens du monde de l’après-guerre met un terme à sa carrière.


 

Larbi Ben Barek, le 16 octobre 1954 (Allemagne, 3-1)

Celui que l’on surnomma la Perle noire et que Pelé lui-même admirait n’aura lui non plus jamais joué de Coupe du monde : il a fait ses débuts en sélection six mois après celle de 1938, et a joué son dernier match quatre mois après celle de 1954. A l’âge de… 37 ou 40 ans, car son année de naissance n’est toujours pas assurée (1914 ou 1917). Début octobre 1954, il joue avec l’Afrique du Nord un match non-officiel contre la France de Kopa, Jonquet, Vincent et Ujlaki. Il marque un but et il est si bon qu’une dernière sélection lui est offerte contre les champions du monde allemands, six ans après sa précédente cape. Mais la belle histoire tourne court : il sort blessé (claquage) après 27 minutes, et son remplaçant Jacques Foix réussit un doublé.


 

Just Fontaine, le 11 décembre 1960 (Bulgarie, 3-0)

C’est sûrement le plus grand regret du football français. S’il avait joué au plus haut niveau jusqu’en 1964 ou 1965, et s’il avait disputé la Coupe du monde 1962 au Chili, quel niveau Just Fontaine aurait-il pu atteindre ? Un premier attentat signé Sékou Touré en mars 1960 le prive de compétition pour le reste de l’année. Il revient pour le dernier match des Bleus, en décembre 1960 contre la Bulgarie en match de qualifications. Maryan Wisniewski fait exploser à lui tout seul la défense bulgare en deuxième mi-temps. L’espoir revient chez les Bleus, mais le 3 janvier, Fontaine se blesse tout seul au même endroit, contre Limoges, sur un terrain hivernal. C’est fini pour lui. Quant aux Bleus, ils commencent un long tunnel qui durera une quinzaine d’années.


 

Jean-Paul Bertrand-Demanes, le 6 juin 1978 (Argentine, 1-2)

A 26 ans, le portier du FC Nantes, qui a fait ses débuts en sélection quatre ans et demi plus tôt, semble être le premier choix de Michel Hidalgo qui en fait le titulaire pour le Mondial argentin. L’épreuve va vite tourner au cauchemar pour J-P B-D (heureusement que les maillots n’étaient pas floqués au nom du joueur à l’époque) et ses 192 centimètres, ce qui, dans les années 70, en faisaient un géant. Face à l’Italie, il encaisse un but sur un coup de billard de Rossi et ne plonge pas sur une frappe croisée de Zacarelli. Quatre jours plus tard, il s’incline sur un pénalty de Passarella avant de se blesser au dos en heurtant violemment son poteau droit. Evacué sur une civière, il ne rejouera plus en sélection.


 

Marius Trésor, le 12 novembre 1983 (Yougoslavie, 0-0)

C’est par un triste match amical à Zagreb, un samedi d’automne devant une poignée de spectateurs, que Marius Trésor a disputé sa 65e et dernière sélection. Suffisant pour battre lé précédent record détenu par Roger Marche depuis 1959. Mais pas assez pour assurer sa place pour l’Euro 1984 : diminué par des douleurs vertébrales qui le contraindront à une nouvelle opération, puis à mettre un terme à sa carrière, le Bordelais va tirer sa révérence. Il est alors le plus grand défenseur central de l’histoire des Bleus, celui qui est passé tout près, vraiment tout près, d’une finale mondiale en juillet 1982 à Séville en plantant une sublime volée sous la barre de Schumacher. Bossis, Desailly, Thuram et Varane seront ses héritiers.


 

Abou Diaby, le 7 septembre 2012 (Finlande, 1-0)

Si l’infirmerie était une sélection nationale, il aurait sans nul doute explosé tous les records. Sans le tacle de Dan Smith contre Sunderland en mai 2006, prélude à une impressionnante litanie de blessures (une quarantaine en dix ans) qui détruiront sa carrière, nul ne sait ce qu’Abou Diaby serait devenu. Avec les Bleus, il joue quand même une phase finale mondiale, mais pas de chance : c’est celle de 2010, où il est titulaire. Deschamps lui redonne une chance en septembre 2012 à Helsinki, et Diaby marque le seul but du match d’un tir croisé sur une ouverture de Benzema. Mais il est forfait pour affronter la Biélorussie quatre jours plus tard, victime d’une gêne musculaire. On ne le verra plus chez les Bleus. Six mois plus tard, Paul Pogba le relèguera définitivement au rayon pièces détachées.


 

Franck Ribéry, le 5 mars 2014 (Pays-Bas, 2-0)

Epoustouflant en 2006, exaspérant en 2010, que nous réserve Franck Ribéry alors que se profile sa troisième Coupe du monde ? A bientôt 31 ans, l’attaquant du Bayern en a plein le dos. Au sens figuré, car il vient de voir passer le Ballon d’or sous son nez et il ne l’a pas digéré (à raison, l’année 2013 aura sans doute été la plus brillante de sa carrière). Et au sens propre : depuis des mois, des douleurs lombaires le mettent sur le flanc. Et le 6 juin, alors que l’équipe de France va partir pour le Brésil, il jette l’éponge, juste après avoir posé pour la photo officielle. Trois mois plus tôt, il avait vu débuter contre les Pays-Bas un certain Antoine Griezmann, qui héritera bientôt du numéro 7. Le sien.


 

Karim Benzema le 13 juin 2022 (Croatie, 0-1)

C’est au Stade de France, là où il a débuté en mars 2007, que le Ballon d’or 2022 a disputé son 97e et dernier match en sélection. Triste fin, marquée par une défaite à domicile scellant l’élimination précoce de la Ligue des Nations 2023. Mais à ce moment-là, alors qu’il vient de remporter sa cinquième Ligue des Champions avec le Real, Benzema se focalise sur la Coupe du monde au Qatar. Sa participation est certaine, tout comme le Ballon d’or lui est acquis : il l’obtiendra en octobre. Mais son automne est marqué par un état de forme défaillant, et s’il semble tout juste remis pour faire partie de la liste des 26, il se blesse à l’entraînement (lésion au quadriceps de la cuisse gauche) trois jours avant le match contre l’Australie. Forfait pour le reste de la compétition, il quitte le groupe le lendemain à l’aube semble-t-il contre sa volonté. Il n’est pas remplacé et figure sur les feuilles de match (et aurait donc pu être champion du monde). Mais il a annonce la fin de sa carrière en Bleu le 19 décembre, jour de son 35e anniversaire.

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