Avant France-Écosse, les Bleus avaient joué 74 fois au Parc des Princes entre le 13 octobre 1972 et le 11 juin 1997 (mais 7 matches seulement après novembre 1993, dont aucun pendant les 19 mois qui ont suivi). Ils n’y avaient perdu que 10 fois en un quart de siècle (déjà 5 défaites au stade de France en neuf ans) dont deux contre le Brésil, en 1981 et en 1992. Lors de la première, Platini était forfait, et pour la deuxième, il venait de démissionner de son poste de sélectionneur. Le Parc, c’est bien sûr les matches contre la Bulgarie en 1977 et 1993, contre les Pays-Bas en 1981 ou l’Espagne en 1984. Mais on peut aussi convoquer le souvenir d’autres grands moments, euphoriques ou désespérants, qui ont écrit l’histoire bleue.
Les années de feu : Prince Jekyll...
1er avril 1978 : France-Brésil (1-0). La Coupe du monde en Argentine commence dans deux mois et ce France-Brésil, le premier depuis 1963, est la revanche de celui joué en 1977 au Maracana (2-2). Les Auriverde des années 70 ne valent pas la génération précédente, mais ils n’ont pas perdu depuis 28 matches et alignent un milieu Cerezo-Rivelinho-Zico-Dirceu plutôt impressionnant. Pas pour Platini en tout cas, qui marque à quatre minutes de la fin sur un centre contré de Jean Petit, après que le gardien nantais Bertrand-Demanes eut sauvé la mise en première mi-temps. C’est la toute première victoire de la France sur le Brésil. Il y en aura d’autres.
29 avril 1981 : France-Belgique (3-2). Avant ce rendez-vous qualificatif pour le Mundial 82, les Bleus sont dans la nasse. Ils ont perdu leurs trois derniers matches, et perdront les trois suivants. Et Platini n’est pas là. La Belgique, finaliste de l’Euro 80, est alors dans la meilleure période de son histoire. Autant dire qu’une défaite au Parc, voire un nul, hypothèquerait gravement la qualification dans un groupe avec l’Eire et les Pays-Bas. Hidalgo tente alors un coup de poker en alignant un 4-3-3 expérimental avec Tigana-Giresse-Genghini au milieu, et Soler-Rocheteau-Six en attaque. L’affaire est mal engagée avec un but belge après cinq minutes, mais la suite ressemble à un feu d’artifice avec un doublé de Soler (14e, 31e) et un but de Six (26e) et une merveille de jeu offensif. C’est la préfiguration de l’équipe de 82 qui n’aurait sans doute jamais vu le jour sans une victoire ce soir-là.
8 décembre 1984 : France-RDA (2-0). Les Bleus se présentent au Parc au terme d’une année exceptionnelle : six mois plus tôt, ils étaient champions d’Europe, et viennent d’enchaîner onze victoires en autant de matches joués. Platini est le meilleur joueur du monde, et il n’arrête plus de marquer : onze buts en huit matches. Henri Michel vient de succéder à Michel Hidalgo, et pour la première fois dans l’histoire des Bleus, la défense ressemble à quelque chose (un but encaissé tous les trois matches). Il reste à finir l’année en beauté contre une RDA solide et peu joueuse. Fernand Sastre, président de la FFF, termine son mandat ce soir-là. Avec une attaque rajeunie (Bellone et Stopyra puis Anziani), les Bleus l’emportent 2-0 et semblent alors invincibles.
...et Hyde Park : les années noires
11 octobre 1986 : France-URSS (0-2). Il faut digérer la déception du Mundial mexicain et déjà commencent les éliminatoires de l’Euro 88. L’URSS est en réalité un clone du Dynamo Kiev renforcé par le gardien Dassaev. Orphelins de Bossis, Giresse et Rocheteau, les Bleus alignent Boli et Jeannol en défense. Ils tiennent une mi-temps avant de lâcher prise sur une action d’école à douze passes et une touche de balle conclue par le futur Ballon d’Or Igor Belanov. Rats enfonce le clou juste après, et Henri Michel ne peut que constater les dégâts depuis le banc. C’est la première défaite en compétition au Parc des Princes et le début de sept ans de galère.
29 avril 1989 : France-Yougoslavie (0-0). C’est le match de la dernière chance pour le sélectionneur Platini. Après deux défaites à Belgrade (2-3) et à Glasgow (0-2), la qualification pour la coupe du monde en Italie ce joue là, contre la Yougoslavie de Susic et des jumeaux Vujovic. Susic, justement, joue à domicile dans ce Parc qu’il connaît par cœur, d’autant qu’il vient d’obtenir la double nationalité. Papin est forfait et Cantona toujours suspendu pour avoir insulté Henri Michel. Les Bleus sont dominés par plus forts qu’eux et passent tout près de la défaite. Dans ce contexte, l’entrée en jeu à un quart d’heure de la fin du jeune nantais Didier Deschamps passe inaperçue.
13 octobre 1993 : France-Israël (2-3). Bien sûr, on en revient toujours à Kostadinov et ce but bulgare dans les arrêts de jeu. Mais c’est sans doute un mois plus tôt que les Bleus ont touché le fond et raté la qualification pour la Coupe du monde aux Etats-Unis. Face à une équipe d’Israël qui n’a pas gagné lors de ses dix derniers matches et qu’ils avaient battu 4-0 à l’aller, les joueurs de Gérard Houllier ne se préparent pas sérieusement, occupés qu’ils sont à se chercher des poux entre Parisiens (Lama, Roche, Le Guen, Ginola) et Marseillais (Desailly, Deschamps et les ex, Cantona et Papin). Après quarante minutes, ils mènent pourtant 2-1 mais ne font pas la différence malgré plusieurs occasions franches. Sur un terrain détrempé, Israël finit par égaliser à la 83e minute. La qualification semble acquise, mais dans la troisième minute des arrêts de jeu, les visiteurs réalisent le casse du siècle. « Nous avons peut-être un peu manqué d’humilité », dira Franck Sauzée. Un tout petit peu, alors.
L’autre tournoi des cinq nations
Le France-Écosse de mercredi était le 97e match des Bleus contre des équipes des îles britanniques, anachronisme sportif qui veut que deux nations (Grande-Bretagne et République d’Irlande) puissent aligner cinq sélections différentes. Au rugby, ce n’est guère mieux, puisqu’il y en a quatre. Réunifions donc l’Irlande du Nord et l’Eire et voyons ce que donnerait un hypothétique tournoi des cinq nations au palmarès.
C’est contre l’Irlande que la France l’emporterait le plus largement, 10 victoires à 4 (plus 7 matches nuls). Mais le bilan est amélioré contre l’Irlande du Nord (5 à 0 et 3 nuls) alors que l’Eire fait presque jeu égal (5 à 4 et 4 nuls). Contre les Gallois, la victoire est étriquée (2 à 1 et un nul).
Contre l’Écosse, le score est désormais de 7 à 8, sans le moindre match nul. En revanche, contre l’Angleterre, c’est la branlée, comme disent les demis de mêlée : 8 à 23 et 5 nuls. On peut toujours se consoler sur la période récente : trois partout depuis 1982, dernière défaite il y a dix ans et deux victoires jouissives en 1999 à Wembley (la seule à l’extérieur, doublé d’Anelka) et 2004 (doublé de Zidane dans le temps additionnel). Toujours ça de pris.