Petite devinette : où trouver un esprit plus torturé que chez un concepteur de maillot de foot ? Réponse : chez un communiquant d’équipementier, ou chez son homologue de la FFF. Qu’importe : en mobilisant la garde républicaine à cheval, en tenue d’apparat et sabre au clair pour présenter la nouvelle tunique bleue, ces têtes d’œuf communicantes ont encore une fois repoussé loin les frontières du ridicule.
Le pire n’étant jamais certain, il a fallu doubler cette mise en scène grotesque par des réactions de joueurs (qui pour se prêter à ce genre d’épreuve méritent pour le coup pleinement leur salaire astronomique) réquisitionnés pour l’occasion : « Il est très classe, il est agréable à porter » (Alou Diarra), « un col assez sympa » (Laure Boulleau), « ça représente l’uniforme à la française » (Yohan Cabaye), etc. Le premier qui en dit du mal se prend un coup de sabre.
Le système médiatico-publicitaire carburant à la surenchère, qu’est-ce qui nous attend pour 2013 et les années suivantes ? Un largage d’internationaux en parachute par la patrouille de France au dessus de la base d’Istres ? Une arrivée en rade de Brest sur le pont du porte-avions Charles-de-Gaulle sur fond de soleil couchant au son de la chevauchée des Walkyries ? Une apparition dans un nuage de fumigènes tricolores en haut de l’Arc de Triomphe ?
Vue la fréquence de mise à jour desdits maillots, passée de tous les deux ans à chaque année, voire plus si affinités (deux fois dans l’année 2008 avant et après l’Euro), on pourrait imaginer aller plus loin : pourquoi pas un nouveau maillot à chaque match ? Et comme un match comporte deux mi-temps, pourquoi ne pas en changer à la pause ? [1] Après tout, la pratique de l’échange de tunique à la 45e minute commence à se répandre, alors pourquoi pas ?
De même, pourquoi se limiter à deux maillots pour une sélection nationale ? Depuis quelques années, les clubs arborent fièrement ce que les équipementiers appellent un maillot « third » (troisième maillot aurait sans doute fait trop ringard) qui bat généralement des records de mauvais goût et de délires chromatiques. On pourrait donc imaginer qu’en plus du maillot bleu et du blanc, l’équipe de France arbore un tricot jaune à carreaux violets par exemple, genre Croatie revisitée par Andy Warhol.
Pour finir, on remarquera que ce nouveau maillot rayé bleu sur bleu fait l’impasse non seulement sur le rouge, comme son prédécesseur (qui le cachait dans le revers des manches) mais aussi sur le blanc, puisque le logo et le blason de la FFF sont désormais dorés. Et apparemment, le short et les chaussettes suivent le mouvement, pour former un ensemble tout en bleu particulièrement terne. De l’uniforme à l’uniformité, il n’y a que deux lettres.