Finalement, le modèle sorti par la marque américaine est un peu différent de celui qui avait fuité fin 2017. Nike conserve le principe (très discutable) de manches en contraste avec le torse et le dos et tire le bleu vers le noir, comme elle l’avait fait pour les versions 2011 et 2014, qui avaient au moins l’avantage d’être unies (hormis un col alternativement noir et blanc).
Les épaules et les bras sont donc ornés d’un motif plus clair d’un style crayonné qui ne ressemble à pas grand chose, avec un bleu qui se rapproche de celui du maillot 2016 (qui ne laissera aucun regret). L’ensemble donne l’impression d’une inversion des gammes de bleu entre le modèle précédent et l’actuel. On est passé d’un contraste torse plus clair/manches foncées à celui torse foncé/manches plus claires.
Réinventer l’eau chaude
Les seuls motifs de satisfaction viennent du maillot alternatif (on y reviendra) et du retour de la combinaison short blanc/chaussettes rouges pour la tenue principale, comme en 2011 et 2014, et à l’inverse de 2012 (maillot, short et chaussettes bleus) et de 2016 (maillot et short bleus, chaussettes rouges). On a compris l’astuce : pour faire vendre, il faut jouer l’alternance. Même si on peut douter des quantités vendues de shorts et chaussettes, vu leur prix prohibitif.
Heureusement, pour se détendre un peu, il y a le discours qui accompagne le produit. Nike affirme : « La tenue domicile recrée le drapeau tricolore de la tête au pied ». Ben oui, comme depuis une bonne centaine d’années en fait [1]. De l’art d’inventer l’eau chaude et de déposer un brevet dessus.
L’explication du gribouillis bleu clair sur les manches est également fournie : « Sur les manches, le potentiel explosif des jeunes étoiles [...] est symbolisé par un effet flouté d’un bleu moins soutenu, donnant une impression de vitesse. » On avait bien eu droit, avec le terrible maillot Adidas de 2010, à un discours vaseux pour justifier les espèces de sangles noires sensées apporter de la puissance aux Bleus. On connaît la suite.
Ventilation et anti-adhérence
Mais ce n’est pas tout. On apprend aussi que « le maillot Match est aussi plus léger et permet une ventilation optimale ainsi que de propriétés anti-adhérentes exceptionnelles ». La puissance d’un climatiseur, les propriétés techniques d’une poêle à frire. Ce n’est pas un peu contradictoire, ça ? Quant au short, vous ne vous en doutiez pas, mais « sans couture latérale, il réduit aussi les distractions et augmente l’élasticité pour permettre plus de mouvement ». Ah, ces coutures latérales tellement distrayantes !
Enfin, la technologie n’ayant pas de limite, les chaussettes y ont également droit, avec une innovation qui « permet notamment de gagner 40% de plus de légèreté lorsqu’elles sont mouillées, grâce à leur fibre respirante et imperméable ». Votre corde à linge vous remerciera, quand vous les sortirez de la machine.
Tout n’est pas à jeter dans la nouvelle tenue. Outre le retour bienvenu du short blanc, le maillot alternatif est plutôt élégant : pas d’effet Speedy Gonzalez sur les épaules, juste des petites taches de couleur rouge et bleue. L’effet est plutôt réussi, et s’il y a un investissement à faire cet été, celui-ci est plus indiqué. Mais ça fait quand même très cher pour un T-shirt sobre (140 euros la version authentique et 85 euros la réplica).
Overdose tricolore
Enfin, histoire d’en remettre une couche sur le maillot tricolore, les vestes de présentation portées par les joueurs pendant les hymnes sont déclinées en trois couleurs (devinez lesquelles). L’idée étant de représenter le drapeau national avec de gauche à droite des joueurs porteurs de veste bleue, puis blanche et enfin rouge. Vous trouvez ça pénible ? Moi aussi.
Entre 1955 et 1972, l’équipe de France était habillée par un équipementier local qui fait des choses intéressantes depuis son retour en Ligue 1 en 2016 (avec l’AS Saint-Etienne) : le Coq sportif. Attaché à la sobriété des tenues et au respect des couleurs, il concevrait probablement des maillots moins fantaisistes que ceux de la marque à la virgule. Et deux coqs sur le maillot valent mieux qu’un.