Brève histoire des gardiens français en Coupe du monde

Publié le 25 novembre 2022 - Bruno Colombari

Alors que Hugo Lloris s’apprête à battre le record de sélections de Lilian Thuram, retour sur les quatorze autres portiers français qui ont joué en Coupe du monde. Tous ont une histoire, parfois cocasse, parfois amère, parfois aussi glorieuse.

7 minutes de lecture

Le tout premier, sorti avant la demi-heure

1. Alexis Thépot (1930 et 1934) - 4 matchs joués, 5 buts encaissés

Le gardien du Red Star joue le premier match de Coupe du monde contre le Mexique, et se blesse en début de match. Sort à la 26e minute. Comme il n’y a pas de remplacement possible (René Llense est dans la liste), c’est le défenseur Augustin Chantrel qui se met dans les cages. Et il s’en sort plutôt bien, réalisant plusieurs arrêts et n’encaissant qu’un seul but en fin de match. Augustin Chantrel est donc le deuxième gardien, si on veut, de l’histoire des Bleus en Coupe du monde, et le premier à encaisser un but. Alexis Thépot jouera les deux matchs suivants face à l’Argentine et au Chili, et n’encaissera qu’un seul but à chaque fois, ce qui est une bonne performance pour l’époque, compte tenu de la faiblesse défensive française. On le retrouvera aussi quatre ans après face à l’Autriche, où il tiendra bon contre une des meilleures équipes européennes, ne s’inclinant qu’en prolongations (2-3).

Celui qui avait été immense six mois trop tôt

2. Laurent Di Lorto (1938) - 2 matchs joués, 4 buts encaissés

Auteur d’une prestation extraordinaire en décembre 1937 face aux champions du monde italiens en amical (0-0, le premier du genre depuis 1904), Le gardien sochalien Laurent Di Lorto est titulaire pour le quart de finale de la Coupe du monde 1938. Le premier tour est passé sans problème (3-1 face à la Belgique) mais la marche est un peu trop haute pour Di Lorto, qui se fait surprendre sur un centre-tir de Colaussi dès la 7e minute. Les Français résistent pendant une mi-temps avant de s’incliner sur deux buts de Piola (1-3). C’était la seule occasion pour Di Lorto de briller au niveau mondial, et elle est passée. Mais au moins il aura eu sa chance, contrairement à son remplaçant Julien Darui, qui était pourtant encore meilleur.

Celui qui n’a jamais joué le troisième match

3. François Remetter (1954 et 1958) - 4 matchs joués, 9 buts encaissés

En 1954, la France retrouve la Coupe du monde après une absence de 16 ans, et c’est le portier du FC Metz, François Remetter, qui est titulaire. Ses deux matchs sont à l’image du reste de l’équipe, très quelconques, avec un but encaissé contre la Yougoslavie (0-1) et deux autres face au Mexique (3-2), dont un de trente mètres. Quatre ans plus tard, il débute le tournoi en Suède, mais il s’incline trois fois devant le Paraguay, sans conséquences (7-3) et encore trois fois contre les Yougoslaves (2-3), match perdu, prestation décevante et remplacement par Claude Abbes pour le reste du tournoi. François Remetter est le seul gardien titulaire en début de Coupe du monde à avoir été remplacé en cours de tournoi, autrement que sur blessure.

Celui qui a vu Pelé d’un peu trop près, trois fois

4. Claude Abbes (1958) - 4 matchs joués, 9 buts encaissés, 1 clean sheet

Le Stéphanois, champion de France 1957, prend donc le relais de Remetter et brille d’entrée contre l’Ecosse, avec un peu de réussite puisque le pénalty de John Hewie tape le poteau (2-1). Dans la foulée, il signe le tout premier clean sheet français en Coupe du monde face à l’Irlande du Nord (4-0). Contre le Brésil en demi-finale, ça part mal avec un but de Vava dès la 2e minute, mais les Français font quasiment jeu égal jusqu’à la blessure de Jonquet, qui déséquilibre la défense. A la mi-temps, le score n’est que de 1-2 grâce à plusieurs sauvetages d’Abbes devant les vagues offensives brésiliennes. En deuxième période, les digues sautent et c’est le festival Pelé, qui inscrit trois buts en 23 minutes. Sur le premier, Abbes est fautif en relâchant un centre de Zagallo. Il encaissera encore trois buts face à la RFA pour la troisième place, mais les Français en inscriront six.

Celui qui a connu le grand frisson de Wembley

5. Marcel Aubour (1966) - 3 matchs joués, 5 buts encaissés

Entre la génération de Kopa et celle de Platini, dans le grand vide des années 1960, il y a une petite parenthèse lors de la Coupe du monde 1966 en Angleterre. Elle se refermera vite, puisque les Français ne prendront qu’un point devant le Mexique et s’inclineront deux fois contre l’Uruguay et l’Angleterre, mais ils joueront à Wembley, ce qui marquera à vie le gardien Marcel Aubour, victime d’une défense incohérente qui hésite entre marquage de zone et individuelle. Résultat, cinq buts encaissés, dont un suite à une faute de main d’Aubour sur le deuxième but de Hunt. Mais, comme il l’a dit, « Jouer l’Angleterre à Wembley, c’est tellement fort, tellement beau ! Pendant God Save the Queen, tout le monde chantait. Bon sang, j’avais la chair de poule ! »

Celui qui est sorti sur civière et n’est jamais revenu

6. Jean-Paul Bertrand-Demanes (1978) - 2 matchs joués, 3 buts encaissés

Le gardien nantais, au patronyme aussi long que sa taille (1,92m), n’avait pas bien commencé sa Coupe du monde. Contre l’Italie, il est victime d’un coup de billard conclu de près par Paolo Rossi, puis d’un tir de loin de Renato Zacarelli qui semblait arrêtable. Face à l’Argentine, il fait un bon match (s’inclinant sur un pénalty de Passarella), puis, dix minutes après le début de la deuxième période, sur un tir en cloche de Luque, il heurte du dos son poteau droit et doit être évacué sur une civière. C’est Dominique Baratelli qui le remplace. On ne reverra plus Bertrand-Demanes en équipe de France.

Celui qui n’a joué que 34 minutes, puis qui a boudé

7. Dominique Baratelli (1978) - 1 match joué, 1 but encaissé

Le gardien de l’OGC Nice est international depuis six ans, mais il ne compte que 18 sélections avant le début de la Coupe du monde argentine. Remplaçant de Bertrand-Demanes, il le supplée en cours de match au stade Monumental, à froid, pour une grosse demi-heure. Le temps d’encaisser un but sur un tir lointain de Leopoldo Luque. C’est le seul gardien français a être entré comme remplaçant en Coupe du monde. En 1982, il sera à nouveau sur la liste, mais Ivan Curkovic, entraîneur des gardiens, lui préfèrera Jean-Luc Ettori. Vexé, Baratelli passera cinq matchs sur sept en tribune, laissant Castaneda sur le banc. Sa carrière internationale s’arrêtera là, à 34 ans et demi.

Celui qui a gardé les buts des vert et blanc

8. Dominique Dropsy (1978) - 1 match joué, 1 but encaissé

C’est le seul troisième gardien d’une liste française en Coupe du monde à avoir eu du temps de jeu. Après Bertrand-Demanes et Baratelli, Michel Hidalgo fait jouer les remplaçants contre la Hongrie à Mar del Plata. Les Bleus sont déjà éliminés mais ils ne jouent même pas en bleu, ni en blanc d’ailleurs car c’est la couleur de leur adversaires hongrois. Mais comme les maillots bleus sont déjà dans les malles du retour, ce sont ceux du club local de Kimberley, rayés verticalement vert et blanc, qui dépanneront les Français. Dominique Dropsy est le seul tricolore sur la pelouse à porter le coq, cet après-midi-là.

Celui qui gagnait en jaune, perdait en vert et faisait match nul en rouge

9. Jean-Luc Ettori (1982) - 6 matchs joués, 9 buts encaissés. 1 clean sheet

On ne peut pas dire qu’il ait laissé une trace brillante lors de son bref passage en sélection. Mais le portier monégasque a joué six de ses neuf capes en Coupe du monde, passant devant Baratelli et Castaneda alors qu’il arrivait en Espagne en tant que troisième gardien. Ce n’est pas pour ses neuf buts encaissés qu’on l’évoque ici, mais sur ses habitudes vestimentaires. Ettori a en effet joué une fois en vert (Angleterre) deux fois en rouge (Tchécoslovaquie et RFA) et trois fois en jaune (Koweït, Autriche et Irlande du Nord). Vous la voyez, la stat ? Battu en vert, vainqueur en jaune et à égalité en rouge. Etonnant, non ?

Celui qui a encaissé trois buts en cinq minutes (et la mi-temps au milieu)

10. Jean Castaneda (1982) - 1 match joué, 3 buts encaissés

Le gardien stéphanois a endossé un maillot vert contre la Pologne pour le match des coiffeurs, et ce n’était une bonne idée. Après un début de match correct, où il s’imposait dans les sorties aériennes, Castaneda a connu un énorme trou d’air de cinq minutes, entre la 42e et la 47e minute. Dans ce laps de temps, il encaisse trois buts dont deux sont pour lui, une dégagement au poing manqué sur corner et un placement hasardeux sur coup franc excentré.

Celui qui a dégoûté le Brésil à Guadalajara

11. Joël Bats (1986) - 6 matchs joués, 4 buts encaissés, 3 clean sheets

Déjà costaud lors de l’Euro 1984, où il signe trois clean sheets en cinq matchs, Joël Bats monte encore d’un cran au Mexique. Battu seulement sur un missile de Rats lors des quatre premiers matchs, il est monstrueux contre le Brésil en quart de finale, réalisant une bonne dizaine d’arrêts, dont un sur un pénalty de Zico, et est bien aidé par ses montants aussi. Il détourne encore un tir au but de Socrates, histoire d’enterrer définitivement le Brésil de Santana. Malheureusement, il passe à travers de la demi-finale contre la RFA (0-2). C’est sa seule Coupe du monde.

Celui qui n’a joué qu’une fois, et c’était en Coupe du monde

12. Albert Rust (1986) - 1 match joué, 2 buts encaissés

L’histoire d’Albert Rust est étonnante. Quand il jouait au FC Sochaux, il avait pour remplaçant un certain Joël Bats. Lequel s’est révélé inamovible dès qu’il est arrivé en sélection, à l’automne 1983. Mais Rust est appelé par Michel Hidalgo comme troisième gardien à l’Euro 1984 (derrière Philippe Bergeroo) alors qu’il ne compte aucune sélection. Les deux sont encore dans la liste en 1986, toujours derrière Bats. Et c’est Rust, 34 ans et 10 mois, qui est aligné lors du match pour la troisième place face à la Belgique à Puebla. Il encaisse deux buts, mais les Bleus l’emportent en prolongations. Il a donc joué son seul match international en Coupe du monde, et en plus il a eu droit à deux heures !

Celui dont le crâne était un aéroport à bisous

13. Fabien Barthez (1998, 2002 et 2006) - 17 matchs joués, 8 buts encaissés, 10 clean sheets

Ses stats sont ahurissantes. Un an après avoir éjecté Bernard Lama du poste de titulaire, Barthez fait de sa cage un mur en 1998, n’encaissant que deux buts en sept matchs, dont un pénalty. En 2002, c’est plus difficile, mais après un but casquette face au Sénégal, il sort un très grand match devant l’Uruguay, retardant l’échéance alors que les Bleus jouent à dix (0-0). Et il est abandonné par sa défense contre le Danemark, le seul match de Coupe du monde où il encaisse deux buts. Car quatre ans plus tard, malgré Coupet qui n’en peux plus d’attendre son heure, il est toujours là. Pas décisif face à la Corée du Sud, il monte en puissance, signe encore quatre clean sheets, et ne se couche que sur un pénalty (encore) contre l’Espagne, et sur une tête de Materazzi en finale. La séance de tirs au but, avec le brassard, représente le triste épilogue d’une magnifique carrière en sélection.

Celui qui a manqué un crochet en finale

14. Hugo Lloris (2010, 2014, 2018, 2022) - 15 matchs joués, 14 buts encaissés, 7 clean sheets

Il est parti pour battre plusieurs records, celui du nombre de sélections déjà, mais aussi celui du nombre de matchs en Coupe du monde, codétenu par Barthez et Henry (17). Mais ses stats sont un peu moins bonnes que celles du Divin Chauve, malgré sept clean sheets, un total qu’il peut d’ailleurs améliorer rapidement. Sa Coupe du monde 2018 a été exceptionnelle, jusqu’à sa bourde en finale devant Mandzukic alors que la Croatie était en train de couler. Mais c’était sans conséquences, personne ne lui en a voulu.

Celui qui n’a jamais encaissé de but

15. Steve Mandanda (2018) - 1 match joué, 0 but encaissé. 1 clean sheet

Après avoir patienté en 2010 sur le banc en 2010, et avoir manqué l’édition 2014 sur blessure à la tête, Steve Mandanda a l’occasion de jouer un match de Coupe du monde, contre le Danemark en 2018 à Moscou. C’est sûrement un des plus publiables de l’histoire des Bleus dans cette compétition, mais il termine avec un clean sheet. C’est à ce jour le seul gardien français à ne pas avoir encaissé le moindre but en Coupe du monde.

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Hommage à Pierre Cazal