C’est le premier sélectionneur français [1] à diriger les Bleus pendant neuf saisons pleines. Michel Hidalgo en avait couvert neuf aussi, entre décembre 1975 et juin 1984, mais la première était tronquée puisqu’il avait pris la succession de Stefan Kovacs après le France-Belgique du 15 novembre 1975.
On ne peut pas s’empêcher de penser au fait que le calendrier initial de l’Euro, du 12 juin au 12 juillet 2020, était la configuration parfaite pour le double doublé visé par Didier Deschamps : la symétrie des dates vingt ans après (1998-2000, 2018-2020), le jour de la finale tombant un 12 juillet, le double doublé tombant une année elle-même dédoublée (2020)… C’était presque trop beau pour être vrai.
La pandémie de Covid qui a balayé la planète a eu raison de la plupart des événements sportifs de l’année dernière, dont évidemment l’Euro. 2021 ne pourrait pas être l’équivalent de 2020, tant les choses évoluent vite dans le sport de haut niveau.
Expérimentations d’automne
Cette neuvième saison de Didier Deschamps a d’abord commencé par un premier trimestre automnal particulièrement tassé, avec l’ajout aux six dates prévues dans le calendrier les deux amicaux d’abord calés en mars 2020, repoussés en juin et finalement joués en octobre et novembre, au cœur de semaines internationales à trois matchs.
Et comme l’Euro n’avait pas encore eu lieu, le sélectionneur a décidé de faire de cette période chamboulée un temps d’expérimentations. Aussi bien des hommes (en lançant le gardien Mike Maignan, les défenseurs Ruben Aguilar et Dayot Upamecano, les milieux Houssem Aouar et Eduardo Camavinga ou l’attaquant Marcus Thuram) que des schémas tactiques. Fin 2019, il avait surpris son monde en testant un 3-5-2 en Albanie. A l’automne 2020, il a repris cet essai, mais a aussi expérimenté un 4-4-2 losange avant de revenir au 4-2-3-1 classique de la Coupe du monde.
Mettre à profit une phase qualificative de Ligue des Nations, sans grand enjeu donc, pour essayer différents schémas de jeu était bien vu : la raréfaction des matchs amicaux, qui tendent à se concentrer dans les deux semaines qui précèdent les phases finales, donc à un moment où les listes sont déjà faites, ne laisse plus beaucoup de marge aux sélectionneurs. Et, on l’a vu à l’Euro, un tournoi n’est pas le moment idéal pour tester des choses nouvelles.
Ces essais n’ont pas eu de conséquences d’un point de vue comptable, les Bleus se qualifiant sans souci pour leur première Ligue des Nations dans un groupe pourtant relevé (Portugal, Croatie et Suède). Mais ils n’ont pas apporté de réponse claire aux interrogations du sélectionneur, sinon que le schéma tactique qui lui offrait le plus de garanties était celui utilisé en 2018.
De plus, un seul nouveau titulaire depuis la Coupe du monde avait réussi à se faire une place, à savoir Adrien Rabiot profitant du départ de Blaise Matuidi en Floride. En défense, Presnel Kimpembe avait été préféré à Clément Lenglet, lequel avait succédé à Samuel Umtiti, mais le Parisien faisait partie du groupe des champions du monde, et n’était donc pas une nouvelle tête.
Faire du neuf avec du vieux
C’est d’ailleurs le paradoxe le plus étonnant de cette étrange saison 9 : Didier Deschamps a beaucoup testé pour finalement revenir à la formule utilisée en Russie trois ans plus tôt (le 4-2-3-1 asymétrique), il a lancé six nouveaux joueurs dont quatre ne seront pas retenus pour l’Euro malgré une liste élargie, les deux autres faisant banquette. Et ses deux coups de poker auront été le retour des deux bannis, Adrien Rabiot écarté avant la Coupe du monde 2018 pour avoir refusé le statut de réserviste et Karim Benzema, plus retenu depuis l’automne 2015 et la révélation de l’affaire de la sextape.
Autrement dit, Deschamps a fait du neuf avec du vieux, et surtout a semblé subir les échéances au lieu de les maîtriser. Si le rappel de Rabiot en septembre était logique, celui de Benzema le 18 mai arrivait bien tard. Il ne restait plus que deux matchs amicaux début juin pour associer les trois perles offensives que « le monde nous envie », comme le titrait L’Equipe, et cette réorganisation tardive poussait sur le banc deux joueurs qui n’avaient pas démérité précédemment, l’ailier du Bayern Kingsley Coman et l’avant-centre de Chelsea Olivier Giroud.
A cela, ce sont ajoutées les deux blessures de Lucas Hernandez et Lucas Digne qui ont brutalement dégarni le côté gauche de la défense française contre le Portugal. C’est le genre de coup dur qui peut arriver n’importe quand (on pense rétrospectivement aux conséquences d’un forfait de Pavard ou Hernandez en 2018, et ce n’est pas rassurant), mais l’absence d’un latéral polyvalent dans la liste pose question, d’autant que Léo Dubois n’a jamais semblé être une option.
Zidane attendra
Même si l’équipe de France termine l’Euro invaincue (mais avec trois nuls, le dernier perdu aux tirs au but), cette élimination dès les huitièmes de finale est d’évidence un échec. Le sélectionneur, qui a rencontré Noël Le Graët le 7 juillet à Guingamp, ira jusqu’au bout de son contrat (fin 2022), se plaçant dans les traces de Raymond Domenech après l’Euro 2008. Avant lui, d’autres sélectionneurs avaient été maintenus malgré une non qualification à une phase finale, comme Michel Platini en 1990, Henri Michel en 1988 ou… Michel Hidalgo en 1980.
D’ici-là, encore faudra-t-il pour les Bleus obtenir un billet pour le Qatar. L’entreprise semble largement à la portée de l’équipe de France, en tête de son groupe après trois journées, et qui est assurée de participer à minima aux barrages de mars prochain [grâce à son statut de meilleure équipe de la phase qualificative de la Ligue des Nations.]] quel que soit son classement. Pour ne pas passer par les barrages, il lui faudra terminer première de son groupe, qui comprend aussi l’Ukraine, la Finlande, la Bosnie et le Kazakhstan. Ce sera l’enjeu principal de la saison 10 de Didier Deschamps.
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