Didier Deschamps, saison 10

Publié le 12 août 2022 - Bruno Colombari

Il est le premier sélectionneur français à achever une dixième saison, du moins depuis 1964. Peut-être aussi sa dernière entière. Que retenir de ce qui s’est passé pour Didier Deschamps avec les Bleus en 2021-2022 ?

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Les années paires sont celles des changements : à de très rares exceptions près : depuis cinquante ans, les seuls contre-exemples viennent de Stefan Kovacs, qui a remplacé Georges Boulogne à l’été 1973 et a quitté son poste en novembre 1975, et Gérard Houllier en a fait de même en décembre 1993. Et encore, leurs successeurs ont débuté l’année suivante, qui était donc une année paire (Hidalgo en 1976, Jacquet en 1994).

S’il ne prolonge pas son contrat au-delà de la prochaine Coupe du monde, Didier Deschamps rendra les clés du camion en décembre 2022. Il serait le cinquième sélectionneur des Bleus à quitter son poste après un tournoi mondial, à la suite d’Henri Guérin en 1966, d’Aimé Jacquet en 1998, de Roger Lemerre en 2002 et de Raymond Domenech en 2010.

Pour l’instant, il est toujours là, et s’apprête à vivre son 131ème match en tant que sélectionneur le 22 septembre prochain contre l’Autriche, même s’il en a passé un de moins sur le banc, puisque Guy Stéphan avait assuré l’intérim le 3 juin dernier contre le Danemark.

Un huitième titre et une qualification mondiale

Que retenir de cette saison 10, calée entre le deuxième championnat d’Europe de l’ère Deschamps et la troisième Coupe du monde ? Tout d’abord qu’elle n’aura pas été vierge de titre, puisque les Bleus ont raflé leur première Ligue des nations à l’automne. Un trophée mineur, certes, mais qu’on est en droit de trouver supérieur à la Coupe des Confédérations, jouée avec des équipes bis moyennement impliquées et face à des adversaires assurément plus abordables que la Belgique et l’Espagne.


 

Tout n’a pas été parfait dans le succès acquis à Milan, mais les Bleus auront montré qu’ils avaient la faculté de renverser des matchs mal engagés, et, contrairement à l’Euro, de ne plus lâcher la proie pour l’ombre. Le carré final de la Ligue des nations aura été aussi l’occasion de peaufiner le 3-4-3 avec des pistons nommés Théo Hernandez à gauche et Benjamin Pavard à droite, de valider l’association Pogba-Tchouaméni au milieu et de travailler la complémentarité (relative) du trio offensif Griezmann-Benzema-Mbappé.

Cette disposition tactique aura autant montré ses atouts (une puissance offensive certaine, la possibilité de presser haut à la récupération) que ses faiblesses, défensives notamment. La suite de la saison aura vu Deschamps tester la solution Coman à droite et Saliba en défense, associé à Varane ou Koundé. Digne, à gauche, a donné plus de garanties que Théo Hernandez, alors que son frère Lucas n’a pas été rassurant comme élément axial gauche d’une défense à trois.

Une saison statistiquement moyenne

En dehors de cette embellie d’automne, la saison nous aura offert cinq victoires contre des adversaires mineurs (Finlande deux fois, Kazakhstan, Côte d’Ivoire et Afrique du Sud), quatre nuls dont trois face à des sélections de second plan (Bosnie, Ukraine et Autriche) et deux défaites à domicile contre des adversaires potentiels ou certains à la Coupe du monde (Croatie et Danemark). Soit sept victoires (54% du total) pour quatre nuls et deux défaites. C’est statistiquement la troisième moins bonne saison de Deschamps depuis 2012 après 2012-13 (36% de victoires) et 2014-15 (50%).

Il faut évidemment pondérer ces chiffres en relevant que l’objectif essentiel, la qualification à la Coupe du monde 2022, a été acquis sans trop de mal (avant la dernière journée, et sans défaite). Et que si le mauvais mois de juin, avec deux matchs nuls et deux autres perdus, a entraîné l’élimination prématurée de la Ligue des Nations 2023, on peut considérer que c’est un moindre mal : l’année prochaine, l’équipe de France aura un seul objectif, obtenir son ticket pour l’Euro 2024 en Allemagne. Mieux vaut éviter de se disperser dans un carré final éprouvant en juin prochain.

On notera au passage que depuis 2012, les fins de saison sont toujours beaucoup plus délicates que les débuts : alors qu’il n’a jamais perdu le premier match de la saison (six victoires pour quatre nuls), Didier Deschamps a vu l’équipe de France s’incliner cinq fois sur neuf (trois victoires et un nul) lors de sa dernière sortie avant l’été : trois fois en compétition (Allemagne 2014, Portugal 2016 et Croatie 2022 et deux fois en amical (Brésil 2013 et Albanie 2015), sans compter le nul contre la Suisse en 2021, avec une élimination aux tirs au but. La Coupe du monde en novembre-décembre est à ce titre une aubaine : Depuis qu’il est sélectionneur, Deschamps n’a perdu qu’une seule fois le dernier match de l’année civile (pour sept victoires et deux nuls), et encore c’était dans les circonstances très particulières de l’après 13 novembre 2015, à Wembley.


 

Onze nouveaux pour tester des options sur le banc

Les nouveaux joueurs ont été nombreux depuis septembre 2021. Deschamps a lancé successivement Jordan Veretout, Aurélien Tchouaméni, Moussa Diaby, Théo Hernandez, Nordi Mukiele, Mattéo Guendouzi, Christopher Nkunku, William Saliba, Jonathan Clauss, Boubacar Kamara et Ibrahima Konaté. C’est beaucoup, et d’ailleurs si dans le lot, Mukiele est le seul à ne pas avoir eu de deuxième chance, il n’y a qu’Aurélien Tchouaméni (qui a joué 12 fois) et dans une certaine mesure Théo Hernandez (7 fois titulaire) à avoir gagné leur place au coup d’envoi. Même si pour le néo-madrilène, les absences de Kanté à l’automne et de Pogba en juin ont évidemment joué en sa faveur.

On peut penser que Deschamps aura ainsi pu évaluer les différentes options qui s’offrent à lui pour constituer sa liste des 26 (liste élargie donc). Pas pour les titulaires, qu’il a certainement déjà en tête, mais pour la quinzaine de remplaçants. C’est en effet là où il y aura le plus de mouvements depuis les listes de 2021 et surtout de 2018. Dans cette perspective, les deux derniers matchs avant la Coupe du monde (Autriche le 22 septembre et Danemark le 25) ne devraient pas donner lieu à de nouveaux essais mais plutôt d’ultimes bancs-tests avant la compétition.

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