Que ceux qui ont entendu parler de Georges Bon, ou même seulement savent qu’il a été international lèvent la main !
Personne ? Rien d’étonnant. Georges Bon a donc joué un match pour la France, en 1907, le 21 avril exactement, à Bruxelles et contre la Belgique, et… il l’a gagné ! Mais il n’a pas été resélectionné pour autant, il faut dire que l’équipe de France n’a joué qu’un seul match en 1907.
A-t-il été bon ? (on voudra bien m’excuser ce jeu de mots trop facile) Eh bien oui ! Il a même co-inscrit le but victorieux (2-1), ainsi décrit dans la presse : « Puget, s’emparant de la balle, descend à toute vitesse et centre dans les poteaux ; en même temps, François, Bon et Camard chargent ensemble le gardien de but belge Hustin. Les quatre hommes roulent dans les filets. » Précisons qu’à l’époque, il était encore autorisé de charger le gardien de but (à l’épaule), et que les attaquants ne s’en privaient pas, bousculant allègrement les malheureux gardiens. Le but est en général attribué à François, mais, au vu du gabarit de Georges Bon (1,79m, l’équivalent de plus d’1,90m à l’époque), il est tout à fait possible que ce soit lui qui ait expédié Hustin au fond de sa cage ! Personne n’a interviewé les joueurs pour clarifier ce point.
Un précurseur du pressing sur les défenseurs
C’est le capitaine Fernand Canelle (dont nous parlerons bientôt) qui a chroniqué ce match, estimé perdu d’avance par les journaux français : « qu’attendre de la réunion de onze bons joueurs à laquelle on ne peut que par force d’habitude donner le nom d’équipe », écrit Ernest Weber dans L’Auto. Canelle félicite Bon, il parle de la « ligne d’avants où Bon se distingua », et va même plus loin : « je m’en voudrais de ne pas citer Bon en exemple aux avants français ; il sait marquer son adversaire au moment où il reçoit la balle, et ceci évite à ses demis et ses arrières un travail inutile ». Georges Bon est le premier attaquant français à effectuer un travail défensif ! Spontanément (car il n’y a pas d’entraîneur en 1907, qui délivre ce genre de consigne aux avants), Bon gêne la relance adverse, il effectue un marquage, il a cinquante ans d’avance !
Malgré le compliment de Canelle (qui n’est pas n’importe qui), Bon ne fait pas l’unanimité ; il a certes été retenu dans l’équipe du Nord qui a affronté celle de Paris en 1907, marqué un des quatre buts de la victoire (4-1), il ne sera pas retenu en 1908, 1909 ni 1910. Il lui faudra attendre 1911, il délivrera alors deux passes décisives. Paris-Nord c’est alors en quelque sorte un match de sélection pour l’équipe de France, depuis que c’est un Nordiste, André Billy, qui préside la Commission d’association de l’USFSA.
Georges Bon avec son maillot de Boulogne en 1907 (photo agence Rol, BNF Gallica)
Quand c’était Robert-Guérin (le créateur de la FIFA), il n’y avait que des Parisiens en équipe de France, à deux exceptions près. Avec Billy, les Nordistes font leur entrée en nombre. Et ils tiennent à gagner Paris-Nord, pour confirmer la domination des clubs nordistes (le Racing Club de Roubaix) en championnat. Dans l’équipe de France victorieuse de la Belgique, figurent quatre Nordistes.
Le Moulin Wibert, un terrain en pente perché sur une falaise
Georges Bon est de Boulogne-sur-Mer. Il y est né le 14 juillet 1886 et joue pour l’US Boulonnaise, dont le terrain, appelé le Moulin Wibert, était à la fois pentu et exposé à tous les vents, perché en haut d’une falaise ! Il y avait deux championnats régionaux distincts, dans le Nord : le terrien et le maritime, dont les gagnants étaient opposés dans une finale. Boulogne jouait donc habituellement contre Calais, Dunkerque ou Malo-les Bains, et ne rencontrait Roubaix ou Tourcoing qu’en finale régionale, éventuellement, comme en 1906, où Boulogne est battu 0-1 par Roubaix, sur un but de François. C’est dire que Georges Bon évoluait loin du regard des sélectionneurs parisiens, et même de celui du lillois André Billy…
Ceci dit, si l’on s’en réfère au compte-rendu d’un match opposant Boulogne à Roubaix (et gagné 3-1), en novembre 1908, le niveau ne vole pas haut : « de grands coups de pied en avant suivis de courses folles pour rattraper le ballon », on ne se sert pas alors de l’expression « kick and rush « , ni de « hourrah football », mais c’est bien de ce type de jeu qu’il s’agit, un jeu à l’anglaise, plutôt copié sur celui des professionnels que sur celui de amateurs issus des « public schools », comme les Corinthians.
L’Auto du 24 avril 1907 (BNF Gallica)
Athlétique, puissant, une frappe précise : le modèle Giroud
Avec son gabarit hors norme pour l’époque, Georges Bon est à l’aise dans ce type de jeu, et il s’est fait remarquer dès 1906 : il est présélectionné pour le match contre l’Angleterre de novembre, avec le commentaire suivant : « Complètement inconnu à Paris, il est considéré comme l’un des meilleurs avants du Nord. » Il sera remplaçant… et évitera ainsi l’humiliation de la défaite, 0-15 ! Mais il demeure une valeur sûre, et l’on relève, par exemple, ce jugement, en mars 1910 : « Bon, de l’US Boulonnaise, est un gaillard solide, très puissant, et qui ne rate pas l’occasion de placer un shoot d’une remarquable précision. » Bref, il est du modèle Giroud !
Lors de la rupture survenue entre l’USFSA et la FIFA, les clubs nordistes restent fidèles à l’Union, et ne rallient pas le CFI : il faut dire que Boulogne, Calais ou Dunkerque jouent en vase clos, et le football international est loin de leurs préoccupations. L’amateurisme est intégral, on joue pour le plaisir et contre des adversaires habituels, et Bon, fils de douanier, se destine tout simplement à la même carrière que son père : dès 1907, il est lui-même douanier, à Calais.
André Billy prive les Lillois de sélection
S’il a échappé à l’humiliation du Parc des Princes en 1906, Georges Bon n’évitera pas celle d’Ipswich en mars 1910, déjà évoquée dans l’article consacré à Charles Bilot. L’USFSA attendait beaucoup de ce match contre l’Angleterre amateur (match non reconnu par la FIFA), car elle voulait montrer à la presse que son équipe était supérieure à celle du CFI, battue 0-11 en 1909, et qui devait se produire à Brighton un mois après celle de l’USFSA. C’était en quelque sorte un duel à distance. L’USFSA dégaina la première et soigna la composition de son équipe. Patatras, à la dernière minute, André Billy, président-dictateur de l’Olympique Lillois, refusa de donner l’autorisation à ses joueurs de jouer pour l’équipe nationale (Bacrot, Eloy, Montagne), sous prétexte que, « grisés » par leur sélection, ils n’avaient donné le meilleur d’eux-mêmes en championnat !
C’était à vrai dire une petite vengeance personnelle de Billy qui, en 1909 avait été contraint de démissionner de la Commission d’Association (pour des griefs liés à la démission catastrophique de la FIFA). Il s’estimait trahi par son ex-second, André Espir, devenu président de la CA à sa place. Résultat, Billy a affaibli l’équipe, dont l’attaque a été désorganisée. Et ça s’est vu sur le terrain, d’où les vingt buts encaissés, non tant en raison de la faiblesse de la défense, mais de l’incapacité de la ligne d’avants à tenir le ballon, sans cesse en possession des Anglais.
L’Auto du 12 mars 1910 (BNF Gallica)
Georges Bon surnage et signe le seul tir cadré contre l’Angleterre
Comment s’est comporté Georges Bon, au cours de ce match ? Plutôt bien, qu’on en juge : « Le plus adroit de notre attaque fut incontestablement Bon, qui parvint quelquefois à fournir du jeu à son ailier Filez », sachant qu’il était inter gauche, donc chargé de lancer l’ailier gauche. Mais on note aussi que : « Bon, quelques minutes avant la fin, donna au gardien de but anglais la seule occasion de s’employer », comprendre qu’il fut l’auteur du seul tir cadré des Bleus (car l’équipe de France USFSA avait gardé le maillot bleu, celle du CFI optant pour un maillot rayé verticalement, bleu et blanc). Mais ce fut la dernière fois qu’il endossa ce maillot, on ne le revit pas en 1911, même lorsque se déroula à Roubaix un championnat d’Europe amateur, sous l’égide de l’UIAFA, fédération internationale concurrente (et éphémère) de la FIFA.
Au passage, l’équipe au maillot rayé, celle du CFI (qui représentait donc l’équipe de France officielle), a fait mieux que sa rivale, à Brighton : 1-10 ! C’est une lourde défaite, oui, mais, outre que c’est deux fois moins de buts encaissés, ce que retient surtout la presse, c’est LE but marqué… car il s’agit du tout premier, en six matchs (quatre pour l’USFSA, dont deux après la rupture d’avec la FIFA, et deux pour le CFI), pour autant de défaites, bien entendu-mais qui imagine alors possible de battre les Anglais ?
On perd ensuite de vue Georges Bon, du moins en ce qui concerne le football, même si on sait qu’il demeura le capitaine de l’US Boulonnaise jusqu’à la Guerre. Envoyé au front, il sera réformé en 1916 pour une bronchite, suffisamment grave pour l’envoyer à l’hôpital de Brest, puis affecté aux services auxiliaires de la Douane, son métier. On sait également qu’il obtint son affectation à Marseille, en 1934, où il termina sa carrière à la direction des Douanes, en 1944. Il se retira par la suite à Forcalquier, où il décéda le 18 décembre 1949.
Le seul match de René Camard en équipe de France A
sel | genre | date | lieu | adversaire | score | mn | notes |
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1 | Amical | 21/04/1907 | Bruxelles | Belgique | 2-1 | 90 | Première victoire à l’extérieur |