Sélectionneurs des Bleus, les bonus (6/11) : Georges Boulogne

Publié le 8 décembre 2020 - Pierre Cazal

Nommé en urgence en mars 1969 suite à la démission de Louis Dugauguez, Georges Boulogne reprend une équipe de France laminée par une décennie noire. Il choisit de s’appuyer sur les Espoirs. Ces derniers décevront, mais Michel Hidalgo en tirera les bénéfices plus tard.

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Au fond du trou lors des saisons 1967-68 et 1968-69, avec des défaites humiliantes concédées à l’Allemagne (1-5), la Yougoslavie (1-5), l’Angleterre (0-5) et la Norvège à domicile (0-1), l’équipe de France suscite alors le désespoir.

Le sélectionneur Louis Dugauguez s’y est usé, au point de jeter l’éponge sans crier gare en mars 1969, et on ne se bouscule pas au portillon pour prendre sa succession, à laquelle Georges Boulogne est commis d’office par la FFF. Que peut-il faire sinon inaugurer un nouveau cycle, qui ne peut faire pire ? Il se tourne donc vers l’équipe Espoirs, managée par Henri Guérin, ex-sélectionneur de 1964 à 1966, déchu et rétrogradé par la FFF.

Les moins de 23 ans, pépinière de talents

Petit retour en arrière : l’équipe de France Espoirs (joueurs de moins de 23 ans) a été créée en 1952, et beaucoup de futures vedettes y ont fait leurs premières armes, tels Kopa, Fontaine, Vincent, Herbin, Di Nallo ou Hausser, dans des matches amicaux. Car c’est seulement en 1970 que l’UEFA crée une compétition destinée aux U 23, un championnat d’Europe, disputé tous les deux ans.

Les U23 présentent l’intérêt d’être jeunes, mais pas trop, et déjà titulaires dans leurs clubs, donc expérimentés ; ils constituent donc une sorte de sélection A bis, délestée des éléments les plus anciens, sauf les deux ou trois qui sont autorisés par le règlement, très souple. Trop souple sans doute, car en 1976 l’UEFA abaissera la jauge à 21 ans. En attendant, ces U23 sont une aubaine.

L’attention a déjà été attirée sur eux en 1967, lorsqu’ils battirent (3-1) l’équipe de Tchécoslovaquie A au grand complet (avec ses vedettes, les Popluhar, Dobias, Kvansniak ou Adamec), puis confirmèrent en 1968 en battant l’Algérie A à Alger (5-2), tinrent en échec la Hongrie A (forte des Albert, Gorocs, Rakosi ou Farkas) 2-2, le Real Madrid (5-3) et enfin la Roumanie A 1-0. Dugauguez et Guérin se sont entendus pour encadrer des espoirs inexpérimentés comme Baratelli, Rostagni, Novi, Broissart, Larqué, Bras puis le surdoué Chiesa, par un cocktail d’U23 déjà « capés », comme Michel, Loubet, Revelli et Bereta et d’anciens en défense : Djorkaeff, Bosquier, Baeza, Lemerre.

Emballement médiatique prématuré

Ces performances déclenchent un emballement médiatique disproportionné, parce qu’il s’agit de matches sans enjeu, où l’adversaire ne se livre pas à fond. En compétition, le rythme est plus soutenu, les duels plus âpres, les espaces plus réduits. Boulogne, qui a suppléé en urgence Dugauguez à la veille du match de Wembley contre l’Angleterre, s’est d’ailleurs méfié, ne retenant qu’un seul Espoir, Rostagni ; mais l’ampleur du désastre le pousse ensuite à se débarrasser de la vieille garde : exit les Bonnel, Simon, Herbet, Herbin, Guy ou Di Nallo.

A l’automne 1969, il ne reste que trois matches à disputer pour tenter de sauver la qualification à la Coupe du monde compromise par la fameuse défaite de Strasbourg contre la Norvège, il faut gagner trois fois, jouer le tout pour le tout.

Coup de poker donc contre la Norvège à Oslo, la Suède à Solna, puis à Paris. La moindre défaite entraîne l’élimination. A Oslo le 10 septembre, Boulogne aligne Carnus, Djorkaeff, Bosquier, Novi, Rostagni, Chiesa, Broissart, Michel, Loubet, Revelli et Bras, soit cinq espoirs inexpérimentés ; à Solna , il remplace Bras par Bereta. Pari réussi à Oslo (3-1) mais raté à Solna, par la faute de Novi qui provoque un pénalty en bousculant le buteur suédois Ove Kindvall, auteur de deux buts (0-2).


 

C’est donc terminé pour Mexico, mais l’honneur sera sauvé au match retour, par un net succès (3-0) face à ces mêmes Suédois avec une équipe seulement renforcée par l’expérimenté et talentueux Georges Lech. L’élimination était prévisible, tant le défi était grand, et le bilan est donc encourageant ; Boulogne persiste donc dans sa politique de renouvellement à base d’espoirs : suivront les Huck, Mézy, Floch, Molitor et Trésor.

Mais l’embellie se confirmera-t-elle ?

Non. Certes, les Bleus ne couleront plus, ne prendront plus 5 buts ; certes, il leur arrivera de briller (en Argentine en 1971, ou au Brésil en 1972), mais ils continueront à rater tous leurs rendez-vous en compétition, accumulant les éliminations (Euro 72, Coupe du monde 1974). Certes encore, il ne faut pas oublier que les phases finales de l’Euro étaient alors des Final 8 (et non 24 comme en 2021) et celles de la Coupe du monde des Final 16 (et non 32 comme au Qatar en 2022) : la qualification était donc autrement plus ardue ; mais l’élimination est toujours perçue comme un échec, porté au passif du sélectionneur en place !

Mêmes causes, mêmes effets

Pire : le premier Championnat d’Europe Espoirs (1970-72) sous la direction d’Henri Guérin se révéla catastrophique, d’une façon inattendue : opposés aux U23 de Bulgarie, Hongrie et Norvège, les U23 français, comprenant Baratelli, Domenech, Trésor, Huck, Keruzoré, Chiesa, Molitor, ne remportèrent pas la moindre victoire ! Trois matches nuls (dont deux piteux contre la Norvège, 4-4 et 0-0) pour 3 défaites, à peine 5 buts marqués, le double encaissé… Et ce ne fut pas mieux lors de l’édition suivante, jouée entre 1972 et 1974 : une seule victoire ! Il fallut donc se rendre à l’évidence : comme les A, les Espoirs se faisaient laminer en compétition, les mêmes causes (déficit athlétique, absence de mordant) entraînant les mêmes effets.


 

Soudain apparaissait le diagnostic : les problèmes rencontrés par les équipes de France n’étaient pas générationnels, mais structurels ; c’était le niveau de tout le football français qui s’était effondré depuis le début des années 60, s’endormant sur le succès trompeur de 1958 et des Kopa ou Fontaine, qui jouaient un autre football. Désormais, le talent naturel, la technique ne suffisaient plus, il fallait des athlètes pour exister au niveau international. Puis le pronostic : le travail de prospection et de formation, initié par Guérin et la toute nouvelle DTN dirigée par Boulogne ne pouvaient pas porter des fruits à court terme.

Quand l’embellie attendue se produisit-elle ?

En 1976 seulement, et le signal en fut donné par les Espoirs, justement, avant les A. Toujours coachés par Henri Guérin, les U 23 parvinrent à se qualifier pour les quarts de finale du Championnat d’Europe Espoirs, et n’y furent éliminés, en avril 1976, que par la plus petite des marges. Dropsy, Battiston, Lopez, Trésor, Bossis, Bathenay, Rampillon, Giresse, Zimako, Lacombe et Sarramagna poussèrent les futurs vainqueurs, l’URSS, dans leurs retranchements, perdant d’abord 1-2, puis gagnant 2-1, et ne s’inclinant qu’aux tirs au but (2-4)… déjà. Car parmi ces joueurs, plusieurs jouèrent la demi-finale de Séville en 1982, perdue elle-même aux tirs au but !

Dans la foulée de cette performance, les A se qualifièrent (dûment renforcés par Platini, jamais retenu parmi les U23, de même que Tigana) pour la Coupe du monde 1978. Et ce fut le début de la grande épopée sous la direction de Michel Hidalgo jusqu’en 1984, qui a recueilli les fruits enfin mûrs de la politique menée par Boulogne et Guérin.

pour finir...

Cet article est un bonus du livre Sélectionneur des Bleus de Pierre Cazal paru en novembre 2020 chez Mareuil Editions. 286 pages, 19,90 euros.

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Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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