Si l’équipe de France est un pur produit de la Belle Epoque — elle a vu le jour en 1904, trois semaines avant celle de la FIFA, en mai 1904 — la Fédération française de football vient juste avant les Années Folles, l’année même du Traité de Versailles, en 1919. Le 7 avril, elle a donc fêté son centenaire, matérialisé essentiellement par un maillot collector porté par les Bleus contre l’Islande le 25 mars, et par une exposition à l’Institut du monde arabe (jusqu’au 26 mai).
Intitulée 100 ans de passion et d’innovations, l’expo préfigure, en réduction, ce que pourrait être un Musée des Bleus. Sur une salle en sous-sol, vous y découvrirez des documents fondateurs vieux de plus d’un siècle comme ce touchant courrier à Raymond Dubly en novembre 1913, le convoquant pour un match (non-officiel) de l’équipe de France de l’USFSA contre l’Entente anversoise. Il y a aussi les statuts (manuscrits) de la FFF d’avril 1919, une cape (casquette) d’international datée de 1907, le tapuscrit du projet de règlement de la Coupe du monde, signé par Henri Delaunay en 1928, celui envisageant la création d’une Coupe d’Europe des Nations, oeuvre de Pierre Delaunay (fils d’Henri) en 1957 : preuve que pendant longtemps, les Français étaient plus doués pour inventer les compétitions (Jacques Ferran, pour France Football, avait imaginé la Coupe des clubs champions en 1955) que pour les gagner.
Il y a aussi des choses plus récentes comme les maillots de Kylian Mbappé et Antoine Griezmann portés lors de la Coupe du monde 2018, ceux de Petit en 1998, de Genghini en 1982 ou de Fernandez en 1986. On peut aussi contempler le ballon de la finale 2006 (celui que Zidane a fracassé sous la transversale de Buffon à Berlin) et celui de la demi-finale historique contre le Brésil en 1958, une lettre envoyée par la FFF au président de l’AS Nancy-Lorraine en mars 1976 lui demandant de mettre à disposition de l’équipe de France un certain Michel Platini ou encore la feuille de match de France-Brésil 1998.
C’est d’ailleurs là où l’on voit la différence entre un maillot de match (il y a aussi les chaussures portées par Zidane en 1998 et par Griezmann en 2018), chargé d’histoire, imprégné d’émotions, de souffrance, de douleur, de stress et de bonheur fou et son triste réplica de magasin de sports, orné d’étiquettes d’authentification.
Les collectionneurs fétichistes verseront une larme devant les billets de France-Brésil 1958 à Solna, RFA-France 1982 à Séville ou France-RFA en 1986 à Guadalajara. Les graphologues amateurs tenteront d’interpréter les écritures comparées de Michel Hidalgo avant la finale contre l’Espagne à l’Euro 1984, d’Albert Batteux avant la demi contre le Brésil en Suède ou d’Aimé Jacquet en 1997 avec ses phrases soulignées en rouge.
Comme dans toute expo d’aujourd’hui qui se respecte, il y a aussi deux grands écrans diffusant des extraits de matchs, l’un en noir et blanc, l’autre en couleur (l’occasion de revoir des grands moments comme le but de Giresse contre l’Allemagne, ceux de Zidane face au Brésil ou ceux de la finale 2018) et, idée originale, un simple T-shirt blanc sur lequel sont projetés tous les maillots des Bleus depuis 1904.
L’ensemble, préparé par Xavier Thébault (responsable du patrimoine à la FFF), est émouvant, riche d’une histoire qui se construit sous nos yeux lors de chaque match. C’est surtout une invitation à aller plus loin et à imaginer, on l’a dit, ce que serait un vrai Musée des Bleus, permanent, régulièrement enrichi par de nouveaux objets, voire de nouveaux trophées.
A propos, si vous cherchez les deux Coupes du monde, elles y sont [1], mais à l’étage : dans l’exposition intitulée Foot et monde arabe. Vous pouvez la visiter avec le même billet d’entrée. Vous y retrouverez d’ailleurs plusieurs Bleus, comme l’immense Larbi Ben Barek, le brillantissime Rachid Mekhloufi et bien entendu Zinédine Zidane. Preuve que le football français est grand quand il s’ouvre au monde. On le savait déjà, évidemment. Mais il est des évidences qu’il ne faut pas avoir peur de rappeler.