Si Eduardo Camavinga a fait exploser les compteurs statistiques en devenant, le 8 septembre 2020 contre la Croatie, le cinquième plus jeune joueur à débuter en équipe de France (le plus jeune depuis 1932), ce n’est pas seulement parce qu’il est doué : c’est surtout qu’il est en avance sur tout le monde, en particulier sur les onze titulaires champions du monde 2018 et leur sélectionneur. Alors qu’eux mêmes comptent dans leurs rangs bon nombres de joueurs précoces.
Le 15 juillet 2018, Camavinga avait 15 ans et 8 mois lors de la finale de la Coupe du monde à Moscou. Pouvait-il s’imaginer, alors qu’il venait de finir sa première année de lycée et qu’il n’avait pas encore la nationalité française, qu’il allait jouer avec et contre certains des joueurs qui évoluaient sur la pelouse du stade Loujniki ? Et pourtant, deux ans et deux mois plus tard, c’était le cas au Stade de France. Lloris, Hernandez, Kanté, Griezmann, Giroud, Nzonzi et Fekir côté français, Lovren, Vida, Rebic, Brozovic et Perisic côté croate.
Afin de mesurer la précocité du milieu de terrain rennais, j’ai défini trois critères : l’âge du premier match professionnel, du premier contrat pro et de la première sélection.
Sur ces trois critères, Camavinga est le premier, donc le plus jeune : 16 ans et 1 mois quand il signe son premier contrat pro à Rennes en décembre 2018, 16 ans et 6 mois quand il fait ses débuts en équipe première en avril 2019, et donc 17 ans et 9 mois pour sa première sélection. Il fait donc partout mieux que Kylian Mbappé, pourtant monstre de précocité lui aussi, mais qui avait un an de plus à la signature de son premier contrat à l’AS Monaco, 5 mois de plus pour son premier match avec les pros, et 6 mois de plus quand il a fait ses débuts en sélection.
Entre ces deux-là, deux joueurs parviennent à se faufiler : Rafael Varane pour le premier contrat pro avec Lens (à 17 ans en avril 2010) et... Didier Deschamps pour ses débuts en pro au FC Nantes, à 16 ans et 10 mois en septembre 1985.
Les plus tardifs, parmi ces 13 joueurs, sont Olivier Giroud et N’Golo Kanté, qui ont connu tous deux des carrières atypiques. Le premier est le plus tardifs des sélectionnés (à plus de 25 ans, en novembre 2011) et le deuxième celui qui a signé le plus tard son premier contrat pro (à 22 ans et 4 mois, avec Caen en 2013).
Où en étaient les champions du monde à 17 ans et 10 mois ?
A l’âge où Camavinga a joué son premier match en équipe de France, pour vous faire une idée, Didier Deschamps (août 1986) commençait à se montrer en équipe première à Nantes et avait même joué quelques minutes du match retour de coupe UEFA contre le Spartak Moscou en décembre 1985.
Benjamin Pavard était encore en équipe de jeunes à Lille en janvier 2014, tout comme Lucas Hernandez, en décembre 2013 en formation à l’Atlético de Madrid.
En septembre 2011, Samuel Umtiti a participé à la formation estivale avec les pros de l’OL. Paul Pogba vient de signer son contrat pro à Manchester United en janvier 2011.
Rafael Varane participe à sa deuxième saison avec le RC Lens en février 2011, il sera capitaine trois mois plus tard avant de signer au Real Madrid et de passer son bac dans la foulée. En octobre 2004, Hugo Lloris est le gardien de la réserve de l’OGC Nice.
En février 2005, Blaise Matuidi est international, mais en U18, il joue pour Troyes en L2. En janvier 2009, Antoine Griezmann est encore chez les jeunes de la Real Sociedad, il intègrera les pros huit mois plus tard.
En octobre 2016, Kylian Mbappé s’est déjà fait remarquer en remportant le championnat d’Europe U19 avec les Bleus et la Coupe Gambardella avec l’AS Monaco, dont il devient un titulaire à l’automne.
En juillet 2004, Olivier Giroud est encore en formation à Grenoble Foot en L2. Il passera par Istres (National) et Tours (L2) avant de découvrir la L1 en 2010 avec Montpellier.
Enfin, N’Golo Kanté est celui qui vient du plus loin : en janvier 2009, il joue à Suresnes, en Promotion d’Honneur. Il signe un contrat amateur avec l’US Boulogne, où il commence en CFA2 avec la réserve, et ne passera pro qu’à l’été 2013 avec Caen. La suite, on la connaît : transféré à Leicester City en 2015, champion d’Angleterre en 2016 puis en 2017 avec Chelsea, vice-champion d’Europe en 2016 et champion du monde en 2018 avec les Bleus.
Le lièvre Camavinga rattrapera-t-il la tortue Kanté au palmarès ? On le lui souhaite, comme dirait Paganelli. Mais ce n’est pas certain.