Qui se souvient encore de ce 9 septembre 1992 ? La France s’apprêtait à voter oui du bout des lèvres au traité de Maastricht, le best-seller de l’été le plus imbuvable depuis Gutenberg. Un Mitterrand à l’agonie venait de ne faire qu’une bouchée d’un piteux Philippe Séguin, mais qui se souvient de Philippe Séguin ? George Bush père passait ses dernières semaines à la Maison-Blanche, bientôt délogé par un petit jeunot du nom de Bill Clinton.
La dernière à Sofia
En fait, tout le monde a oublié le 9 septembre 1992, sauf peut-être les Bulgares. À Sofia, les Bleus orphelins de Platini (le sélectionneur) commençaient mal les éliminatoires du Mondial américain, par une défaite 0-2 face à Stoïtchkov et sa bande. Dans le onze de départ, on retrouve trois futurs champions du monde (Petit, Blanc et Deschamps) et l’actuel entraîneur des gardiens (Bruno Martini). Sur le banc, un ancien prof d’anglais pas encore converti au libéralisme sauvage, Gérard Houllier. Un autre monde...
Cette défaite qui annonce celle, autrement plus mémorable, de novembre 1993 contre les mêmes Bulgares, c’est tout simplement la dernière de l’équipe de France en compétition sur terrain adverse. Depuis ce 9 septembre, les Bleus ont toujours ramené un petit quelque chose de leurs voyages à l’étranger, pour peu que ce ne soit pas amical. Quatorze ans que ça dure ! En deux septennats, l’équipe de France a joué 23 fois en compétition à l’extérieur (compte non tenu des six phases finales disputées sur terrain neutre). Sur ces 23 matches, 15 ont été gagnés, et 8 se sont terminés par un score nul. Une stat à rendre envieux même les Lyonnais (qui avaient testé deux futurs sélectionneurs, Domenech et Santini, avant d’en récupérer un troisième, Houllier).
De Thorshavn à Zabrze en passant par Tampere
Les mauvaises langues diront que cette remarquable série a pris les chemins plus ou moins buissonniers de Thorshavn, Nicosie, Tel Aviv, La Valette, Erevan, Reykjavik, Tampere ou Zabrze, pas vraiment des hauts lieux du foot mondial. Les Bleus ont même battu l’Azerbaïdjan à Trabzon (Turquie), Andorre à Barcelone (sur un penalty de Lebœuf en fin de match) ou encore Israël à Palerme. Oui, mais il y a eu aussi Bucarest en 1995, Moscou en 1998 et Dublin en 2005, ces trois succès ayant posé les fondations des sommets historiques de Saint-Denis, Rotterdam et Berlin.
Toujours pas convaincus ? Prenons le problème par un autre bout. Depuis le 9 septembre 1992, les tricolores ont perdu à l’extérieur en tout et pour tout 4 matches... Sur 59, une misère. Contre le Danemark à Copenhague en 1996, contre la Russie à Moscou en avril 1998, l’Espagne à Valence en mars 2001 et le Chili à Santiago en septembre de la même année. Les puristes pourraient ajouter à cette liste le 2-3 concédé aux Pays-Bas en juin 2000 à Amsterdam, mais c’était pendant l’Euro, donc sur terrain neutre. Sans compter que Lemerre et ses joueurs préféraient laisser la première place aux Bataves pour continuer à jouer en Belgique, au point de confier à Karembeu le marquage de Kluivert. C’est dire.
Paris ville ouverte
Sur la même période, les Bleus se sont inclinés 7 fois à domicile, dont 3 fois en compétition : face au célèbre duo Israël-Bulgarie de l’automne 93, et contre la Russie en juin 99. Depuis le doublé mondial et européen, l’équipe de France sait recevoir à tous les sens du terme, comme le prouvent trois défaites en amical face à la Belgique (2002), la République tchèque (2003) et la Slovaquie (2006). À noter en passant qu’une seule de ces défaites a été concédée hors de la région parisienne, le 0-1 contre l’Angleterre à Montpellier en juin 1997. Voilà un argument supplémentaire pour ceux qui militent pour laisser le SDF à Robert Hossein et à Johnny Hallyday.
Les plus observateurs d’entre vous (et ceux qui auront lu attentivement le chapeau) constateront enfin de ce qui précède que la dernière défaite à l’extérieur, amical et compétition confondus, remonte au 1er septembre 2001 (Chili, 1-2). C’était dix jours avant le début de la Croisade pour le Bien, la Liberté et la Démocratie. Ça ne prouve rien, sinon qu’il aurait été difficile d’obtenir d’aussi brillants résultats avec onze phobiques de l’avion du genre Dennis Bergkamp.