Les débats de la rédaction : que restera-t-il d’Antoine Griezmann ?

Publié le 29 octobre 2024 - Bruno Colombari

C’est une page importante qui s’est tournée le 30 septembre dernier avec l’annonce par Antoine Griezmann de la fin de sa carrière internationale. Dix ans et demi en Bleu, 137 matchs, 44 buts, beaucoup d’émotions et une place à part dans le cœur des supporters. Et de la rédaction ?

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Quelques heures après l’annonce, sur les réseaux sociaux, de la fin de l’histoire entre Antoine Griezmann et l’équipe de France, j’ai eu envie d’organiser un débat de la rédaction sur la trace qu’il restera, et sur sa succession. J’en avais d’ailleurs parlé à Pierre Cazal, dans le tout dernier message que je lui avais envoyé le 3 octobre à 19h, en lui disant que ce serait après les matchs d’octobre des Bleus. Une semaine après, j’apprenais son décès (survenu le 7) et le projet de débat était repoussé. Il nous fallait du temps pour reprendre nos esprits, à la rédaction, pour encaisser le choc avant d’envisager la suite.

Puis, il y a huit jours, après un rapide sondage en interne, le principe de ce débat est revenu. Les paroles de Pierre manquent évidemment, comme elles manqueront dans les mois et les années à venir. C’est en pensant encore une fois à lui et à tout ce qu’il nous a apportés que ces échanges sont publiés aujourd’hui.

L’annonce de la fin de carrière d’Antoine Griezmann, le 30 septembre, marque-t-elle la fin d’une génération qui aurait commencé il y a un peu plus de dix ans ? Cette génération Griezmann a-t-elle du sens pour vous ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : La notion de génération se discute d’autant plus que plusieurs joueurs pourraient s’inscrire dans cette “génération Griezmann” malgré leurs arrivées différentes en équipe de France. Ainsi, Hugo Lloris pourrait bien en être un représentant alors qu’il est arrivé en sélection six ans avant Antoine Griezmann, ce qui, pour beaucoup d’internationaux, représente l’entièreté d’une carrière internationale. Cela dit, derrière l’image qu’incarne Antoine Griezmann, il y a une forme de sympathie laborieuse, des larmes de 2014 à la joie sur le terrain, qui illustre sans doute l’après-Knysna. Sa retraite alors pourrait bien dire qu’on a désormais le droit, de nouveau, de ne pas aimer l’équipe de France. Mais est-ce bien raisonnable ?

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RAPHAËL PERRY : En préambule, et on l’a vu pour Zidane en 2005, rien ne dit que Griezmann ne reviendra pas sur sa décision si la vox populi ou médiatique le pousse en ce sens. Il est trop habité par le maillot bleu, par l’amour des Bleus et de par son caractère, il pourrait facilement être convaincu. Pour ce qui est de la “génération Griezmann”, je ne peux m’empêcher d’y associer d’autres joueurs (Varane, Pogba, Giroud) et même certains présents en Bleu avant lui (Lloris). Pas sûr que sans Pogba, Giroud voire Kanté, il aura eu le même destin. A l’inverse de Platini ou Zidane qui étaient à mon sens des joueurs dominants de leur période, Griezmann a surtout été un modèle de coéquipier, généreux, professionnel, patriote, mais d’un autre statut. Ces dix dernières années, c’est davantage la génération Deschamps sélectionneur que celle d’un joueur en particulier même si Griezmann y occupe un rôle central (relais, confident, animateur) mais pas primordial comme Platini et Zidane en leurs temps. Le terme de génération a du sens car elle a obtenu des titres, des places très honorifiques. N’est-ce pas l’aboutissement d’une période souhaitée même si le jeu n’a pas été aussi rayonnant qu’à l’Euro 1984 ou à l’Euro 2000, les deux modèles références du foot français ?

« Griezmann occupe un rôle central mais pas primordial comme Platini et Zidane en leurs temps » (Raphël Perry)

MATTHIEU DELAHAIS : Je dirai oui. Antoine Griezmann a joué quasiment tous les matchs au cours des dix dernières années. Son rôle a été déterminant lors de l’Euro 2016 (meilleur buteur et meilleur joueur de l’Euro), de la coupe du monde 2018 (meilleur joueur de la finale) et de la coupe du monde 2022 (même s’il est passé à côté de sa finale). Ce sont donc les années où il était au top de sa forme où l’équipe de France a le plus performé. En 2014, il débutait. En 2021, lors de l’Euro, le retour de Karim Benzema a redistribué les rôles dedans et Griezmann a perdu de son influence pour permettre au madrilène d’exprimer toutes ses qualités, mais le résultat collectif a été beaucoup moins bon. Quant au dernier Euro, le sélectionneur l’a utilisé comme un bouche trou, le faisant passer d’un poste à l’autre puis au banc. Ces dix dernières années ont été très positives, avec quelques trous (2021, 2024) qui correspondent au moment où Griezmann était moins bien ou n’a pas eu l’occasion d’exprimer ses qualités. La seule chose que je pourrai lui reprocher est sans doute de ne s’être peut-être pas assez battu pour conserver ce rôle de leader dans le groupe.

HUGO COLOMBARI : Je dirai plutôt que l’annonce de la retraite internationale de Griezmann signe la véritable fin du dernier chapitre de cette génération, le « début de la fin » correspondant au départ de Lloris fin 2022. En regardant ces 10 années avec l’encore peu de recul que nous avons, une génération semble en effet se dessiner, avec Griezmann en tête de proue du fait de sa régularité, son implication, son niveau et la sympathie qu’il suscite, malgré des dernières années en deçà depuis… fin 2022. Il a porté, et été porté, par cette génération dont il aurait sûrement mérité d’en finir capitaine.

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« Le parcours de ce gamin qui a vu toutes les portes des centres de formation français se refermer devant lui le rend forcément attachant » (Frédéric Goetz)

FRÉDÉRIC GOETZ : A première vue, on pourrait se dire que son rayonnement n’est pas celui d’un Platini ou d’un Zidane mais il n’en reste pas moins, à mon sens, le joueur le plus emblématique de l’ère Deschamps. S’il n’a pas toujours été l’élément central des Bleus durant cette décennie, il en a néanmoins toujours été le fil conducteur. Par sa constance au plus haut niveau, sa série de matchs consécutifs, sa générosité, son altruisme, il s’est fait une place à part dans le cœur des supporters français. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si comme Platoche et Zizou, il a eu droit à son surnom, Grizou, qui s’est imposé à tous. Alors oui, il y a d’autres joueurs qui font partie de cette génération mais Griezmann a un petit truc en plus. Peut-être que son histoire personnelle y est pour quelque chose. Le parcours de ce gamin qui a vu toutes les portes des centres de formation français se refermer devant lui le rend forcément attachant. Ce désir de foot, cette envie de jouer qui l’a poussé à s’exiler si jeune en Espagne ont également contribué à sa légende et l’ont rendu populaire auprès du public français qui a toujours une petite tendresse pour les trajectoires hors des sentiers battus.

Qu’a-t-il apporté aux Bleus ? Que retiendra-t-on de lui ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : Cette sympathie, une fraîcheur des émotions, aussi une certaine idée de la France. Antoine Griezmann, c’est à la fois l’anti-Knysna (mais on a vite oublié la lourde suspension qui a retardé son entrée en sélection) et l’anti-Bataclan, où se trouvait sa soeur lors des attentats… Une jeunesse qui ose se montrer ouverte, attentionnée, sur qui les aigreurs cumulées de la célébrité et de la richesse ne semblent pas avoir de prise. Je pense que c’est vraiment cette fraîcheur et cet engagement insouciant et léger qu’on retiendra de lui, hors et sur le terrain.

RAPHAËL PERRY : Une belle image après Knysna et l’Euro 2012, même s’il a cette escapade parisienne nocturne de 2012 à son casier. Son caractère jovial, sympathique, son côté gendre idéal l’a forcément aidé à se faire une place dans le cœur des Français. Ce n’était pas gagné car il n’a pas d’attache avec la formation française. Griezmann a une sensibilité espagnole du jeu comme René Petit dans les années 20, un QI football qu’il a développé de l’autre côté des Pyrénées et qui a profité à l’équipe de France. Son attachement aux Bleus - et dernièrement aux performances olympiques françaises - ses prises de position sociétales, sa faculté à casser les codes, notamment claniques, en font un joueur à part, qui restera dans l’histoire quoi qu’il arrive du fait de son record de matches consécutifs disputés qui ne sera sûrement jamais battu.

« Je regrette qu’il ne se soit pas plus imposé sur la fin de sa carrière » (Matthieu Delahais)

MATTHIEU DELAHAIS : Son rôle a évolué au fil du temps. Initialement joker de luxe qui entrait et marquait, il est devenu le leader offensif du groupe lors de l’Euro 2016. En 2018, il a su laisser de la place devant à Kylian Mbappé tout en restant un leader sur le terrain. En 2022, il a parfaitement su s’adapter dans un rôle plus défensif. Je retiens de son parcours en Bleu toutes ces belles victoires, mais comme dit plus haut, je regrette qu’il ne se soit pas plus imposé sur la fin de sa carrière. Toutefois, sa retraite surprise marque sans doute une usure psychologique qui explique peut-être ce manque de combativité.

HUGO COLOMBARI : Griezmann a apporté de la stabilité et de la constance dans cette équipe de France en reconstruction puis glorieuse, que ce soit dans le jeu ou en tant que figure médiatique sympathique des Bleus. Personnellement je retiendrai de lui ses larmes en 2014 après l’élimination contre l’Allemagne.

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FRÉDÉRIC GOETZ : D’abord, il y a bien sûr ses larmes après la défaite contre l’Allemagne en 2014. Ces larmes sont tout sauf anecdotiques. Tout à coup, perdre avec les bleus redevenait grave. Deschamps était là depuis deux ans et déjà, la haine de la défaite était de retour. Et c’est ce jeune garçon, pourtant encore assez peu connu du grand public, qui venait incarner le retour d’une mentalité que l’on croyait perdue avec Ribéry et ceux de la génération 87. Ensuite, c’est bien sûr un Euro de grande classe qui fait un bien fou dans une France encore meurtrie par les attentats. Mais Antoine Griezmann, c’est aussi un joueur qui accepte de faire évoluer son rôle pour faire briller ses coéquipiers : il laisse émerger Kylian Mbappé en 2018, il laisse revenir Benzema en 2021 et il accepte d’abandonner son rôle offensif en 2022. Il est peut-être le seul joueur de l’histoire des Bleus dont on se souviendra autant pour ses buts et ses passes décisives que pour ses tacles rageurs de 2022. Un altruisme, une générosité et un sacrifice au service de l’équipe qui nous font presque oublier ses errements capillaires et ses célébrations hasardeuses.

Les très grands joueurs s’expriment d’autant plus dans les matchs décisifs, comme les finales. Or Griezmann n’a pas été décisif lors de trois des quatre qu’il a jouées avec les Bleus. Est-ce à mettre à son débit ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : Absolument pas. Une équipe a besoin d’hommes de l’ombre et il a assumé ce rôle lors de ces finales. La décision résulte bien souvent du jeu sans ballon que de la dernière passe, sauf à ne voir qu’une infime partie du match.

RAPHAËL PERRY : Avant les finales, il y a les demi-finales et celle de l’Euro 2016 contre l’Allemagne, finale avant la lettre et revanche de 2014, est une masterclass. Sans lui, la France aurait-elle été au Stade France contre le Portugal ? En finale 2018 contre la Croatie, il marque un pénalty et délivre le coup-franc dévié et gagnant qui lance les Bleus. En 2021, le retour de Benzema fausse sûrement la perception de son impact, de liant entre les lignes. En 2022, Mbappé marche sur l’eau, aimante tout et porte la France à lui tout seul. Griezmann est surtout un joueur de collectif, à l’intelligence tactique rare et dévoué, qui ne prend pas ombrage pour les les tâches sombres ou défensives, qui n’a jamais cherché à se mettre en avant. On peut mettre ça à son débit si on veut absolument le comparer à Platini ou Zidane, ne pas le mettre si on le considère comme un joueur pensant avant tout collectif.

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« On retiendra Griezmann comme un artisan majeur des différents parcours des Bleus » (Hugo Colombari)

MATTHIEU DELAHAIS : Griezmann s’est toujours énormément dépensé avec les Bleus. Cela explique peut-être son manque de réussite lors des finales. En 2016, il est clairement au bout du rouleau en finale et il lui manque un peu de jus qui aurait pu l’amener à faire la différence. En 2022, il semble qu’un virus a décimé l’équipe en fin de compétition (Raphaël Varane en a parlé récemment) et Griezmann était clairement hors de forme le jour de la finale.

HUGO COLOMBARI : Je suis d’accord que mis à part 2018, on ne retiendra pas Griezmann comme grand acteur décisif de ses finales, mais plus comme un artisan majeur des différents parcours des Bleus. Le mettre à son débit serait dur.

FRÉDÉRIC GOETZ : Être décisif sur une finale de coupe du monde est déjà un immense exploit dans une carrière. Rares sont les joueurs qui peuvent se vanter de l’avoir fait. En 2016, il ne fait certes pas une grande finale mais c’est quand même lui qui nous y emmène et son doublé en demi-finale contre l’Allemagne était incroyable. Et en 2022, tout son tournoi hormis la finale est absolument magistral. Donc non, ce n’est en aucun cas à mettre à son débit.

Que pensez-vous du timing de son annonce, après le rassemblement de septembre ? La logique n’aurait-elle pas plutôt voulu un départ après l’Euro, comme l’a fait Giroud ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : Il se peut que deux choses aient pu jouer pour expliquer ce timing particulier. D’une part, Antoine Griezmann a participé au premier rassemblement de la saison. Là, il a pu à la fois vivre un regroupement sans ses camarades les plus proches et saluer une dernière fois, discrètement et seul, ce public français qui se reconnaît volontiers en lui. D’autre part, ce début de saison semble marqué par l’insistance sur un calendrier intenable. A son âge, il ne peut guère se permettre de faire une pause comme a eu besoin de le faire le capitaine de l’équipe de France. Autant qu’il décide de sa retraite internationale, même si ce n’est pas au joueur de décider de sa fin de carrière en sélection. Ainsi, il est garanti de pouvoir se poser, voire se reposer, pendant les périodes de trêve internationale.

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« Son tour d’honneur après la défaite contre l’Italie aurait dû nous mettre la puce à l’oreille » (Matthieu Delahais)

RAPHAËL PERRY : Partir sur une déception -demi-finale de l’Euro- n’était pas écrit dans son logiciel, même si à 33 ans, on peut se poser des questions sur "la compétition de trop”. Le rassemblement de septembre a peut-être viré au coup de blues, notamment générationnel. Plus de Lloris, de Varane, de Pogba, de Giroud, ses repères. A-t-il perçu une sorte de déclassement à son encontre dans l’esprit de Deschamps, avec des liens avec le sélectionneur peut-être moins renforcés ? Seul lui pourra répondre à cette question. Le fait qu’il continue de rayonner avec l’Atletico laisse toujours un espoir de le revoir un jour en Bleu, pour un “one-shot” s’il juge la patrie en danger comme Zidane en 2005.

MATTHIEU DELAHAIS : Cette annonce m’a vraiment surpris, même si son “tour d’honneur” après la défaite contre l’Italie aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. La logique aurait voulu effectivement qu’il annonce son départ après l’Euro. On ne saura sans doute jamais tout, mais il a peut-être espéré que certaines choses après cette compétition, que certains rôles soient redistribués ou que Didier Deschamps l’assure de sa confiance. Cependant, il a compris qu’il ne serait plus le leader de cette équipe et cela l’a sans doute conforté dans la décision qu’il voulait prendre.

HUGO COLOMBARI : D’un point de vue extérieur cette annonce a été brutale et a laissé place à beaucoup de suppositions. Le timing avec le forfait médical douteux du capitaine de l’équipe n’a pas aidé. Je pense qu’après l’Euro il avait déjà en tête de prendre sa retraite et que le premier rassemblement a été un test, infructueux donc. Mais comme dit précédemment, ces circonstances encore floues laissent espérer (fantasmer ?) un retour en mission pour 2026…

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FRÉDÉRIC GOETZ : On aimerait toujours que nos joueurs préférés puissent sortir par la grande porte mais c’est malheureusement rarement le cas. Le dernier Euro lui a forcément laissé un goût d’inachevé aussi bien à titre collectif qu’à titre individuel. Il aurait sûrement voulu partir sur un meilleur tournoi et c’est sans doute pour cela qu’il a voulu retenter le coup et voir s’il pouvait tenir jusqu’en 2026. Et puis le rassemblement de septembre, sans ses copains Varane et Giroud, avec un rôle encore un peu flou, a dû achever de le convaincre qu’il avait un peu perdu l’envie. Et pour un joueur qui a toujours incarné l’envie de jouer, c’était sans doute inconcevable de continuer comme ça. C’est évidemment dommage mais, là encore, ça n’entache en rien son remarquable parcours avec les Bleus.

Pensez-vous que les années à venir vont marquer un reflux, comme pendant la génération Papin (1987-95) après celle de Platini ou celle de Ribéry (2006-13) après celle de Zidane ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : Nul ne le sait. L’arrivée d’un Bradley Barcola ou, dans quelques mois, d’un Lény Yoro ou d’un Ayyoub Bouaddi pourrait bien remettre la fraîcheur et l’insouciance au goût du jour, tout en conservant une exigence professionnelle de très haut niveau.

RAPHAËL PERRY : Compliqué de répondre à cette question. Ça se joue parfois sur des détails. Des prétendants au titre de nouveau Platini qui n’assument pas les espérances placées en eux pour débuter. La génération Papin a manqué son mois de juin 1992 en Suède alors qu’elle avait survolé les phases de qualification avec Platini sélectionneur. Vainqueure (ossature marseillaise) de la Ligue des Champions 1993 - sans Papin au Milan AC et Cantona à Manchester - elle a oublié de prendre un point à l’automne 1993 et les deux premiers de son groupe (Suède et Bulgarie) se sont classés 3 et 4e en 1994. L’après Zidane est plus complexe, avec des joueurs voulant durer malgré le poids des années, des postures, des clivages, des désamours, un manque d’autorité ou de guide, rien n’a tourné dans le bon sens. La formation française reste un socle solide, elle reste prépondérante et un modèle pour beaucoup d’autres nations. Ce sera la base pour ne pas vivre ce reflux éventuel. Il faut juste ne pas rater la post-formation et en ce sens, je vois vraiment d’un bon œil que nos jeunes talents partent s’aguerrir à l’étranger, notamment en Allemagne, et fassent bénéficier aux Bleus cette leur double culture.

MATTHIEU DELAHAIS : C’est difficile à dire. La nouvelle génération est prometteuse avec beaucoup de joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens. L’éternelle question est de savoir si le sélectionneur va réussir à trouver un schéma de jeu qui fonctionne et fédérer un groupe autour de lui.

HUGO COLOMBARI : Le vivier d’espoirs français reste très prometteur, le point d’interrogation du futur des Bleus semble plus se porter sur la confirmation ou le maintien au plus haut niveau des espoirs d’hier, et sur la capacité de renouveau de Deschamps, qui a perdu (non sans responsabilité) de nombreux cadres ces derniers mois. Je pense qu’on va entrer dans une nouvelle phase de transition, en espérant qu’une base de groupe se dessine assez rapidement pour 2026.

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« Qu’on laisse tranquille Kylian Mbappé ! » (François da Rocha Carneiro)

FRÉDÉRIC GOETZ : Il est évidemment difficile de dire s’il y aura un reflux mais on peut craindre un léger désamour vis-à-vis de cette équipe de France. D’abord parce que le jeu proposé à l’Euro était assez indigent et pénible à voir mais aussi parce que les départs de tous ces joueurs que nous avons adulés (Lloris, Giroud, Varane, Griezmann) nous laisse un peu orphelins. D’autres leaders doivent désormais s’affirmer pour les compétitions à venir mais aussi pour maintenir un lien fort entre l’équipe de France et ses supporters. Par chance, le vivier de joueurs ne semble pour l’instant pas se tarir.

Quelle place pourrait tenir Mbappé dans les années à venir, alors qu’il n’en est qu’à la moitié de sa carrière ?

FRANÇOIS DA ROCHA CARNEIRO : Aujourd’hui, dans l’état actuel de nos connaissances, je n’aurais qu’une ambition pour Kylian Mbappé : qu’on le laisse tranquille ! Il a besoin de se retrouver, comme joueur et comme homme, soutenons-le dans sa démarche plutôt que de le scruter sans arrêt.

RAPHAËL PERRY : Qu’on apprécie ou non son jeu (très individuel), son comportement (de diva), ses désirs (surtout tactiques), la France dispose encore avec Mbappé d’un joueur Top 5 mondial. Qui peut gagner une compétition à lui tout seul. Il n’a que 26 ans et s’il obtient des futurs sélectionneurs (Zidane, Henry ?) les soldats qui acceptent de jouer pour lui, sans arrière-pensée, il reste l’avenir. Mais comme le dit si bien François, laissons le tranquille et s’acclimater à son nouvel univers madrilène.

MATTHIEU DELAHAIS : Les dernières semaines ont bien terni son image, entre sa non sélection, son escapade en Suède et l’affaire qui en découle. En supposant qu’il soit disculpé, il doit clairement s’affirmer comme le leader de cette équipe. Je pense qu’il trouvera un climat plus propice à sa progression à Madrid qu’à Paris. A lui de s’imposer au Real, pour ensuite devenir en équipe de France le joueur que nous attendons tous qu’il soit.

« A lui de montrer qu’il a l’étoffe d’un capitaine et qu’il est capable de se sacrifier pour l’équipe » (Frédéric Goetz)

HUGO COLOMBARI : Mbappé a couru après des responsabilités, qu’il a obtenues non sans mérites, mais qu’il a du mal à assumer maintenant. Deschamps s’est un peu piégé tout seul en lui donnant le brassard de capitaine, lui ajoutant le poids de l’exemplarité et ne pouvant le lui retirer sans le désavouer. Mbappé aurait tout à gagner à se concentrer sur son jeu. Si la nécessité de faire ses preuves à Madrid peut aller dans ce sens, sa virée à Stockholm et ses affaires judiciaires avec le PSG (et potentiellement avec la justice suédoise) ne donnent pas cette impression. Mais on connaît sa capacité à choisir ses match et briller au meilleur moment.

FRÉDÉRIC GOETZ : Entre la pénible fin de saison dernière, l’Euro raté, le litige financier avec le PSG, l’arrivée compliquée au Real et l’escapade suédoise, le feuilleton Mbappé est en train de lasser tout le monde et son image auprès des supporters des bleus s’est légèrement écornée ces derniers temps. Ses sorties médiatiques sur ses coéquipiers en bleu ou sur les supporters n’ont pas aidé non plus. On ne peut donc que l’inciter dans un premier temps à se concentrer sur son jeu et à limiter ses prises de paroles, une stratégie qui lui avait remarquablement réussi à la coupe du monde 2022. Pour ce qui est du plus long terme, il doit désormais montrer l’exemple, fédérer et accompagner l’émergence de nouveaux joueurs. A lui de montrer qu’il a l’étoffe d’un capitaine et qu’il est capable de se sacrifier pour l’équipe à l’image d’un joueur qui n’a jamais eu besoin d’un brassard pour le faire… un certain Antoine Griezmann.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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