On efface tout et on recommence

Publié le 16 décembre 2010 - Bruno Colombari

Article initialement publié le 22 août 2008 sur le site des Cahiers du football.

Après un Euro catastrophique d’un point de vue statistique, les Bleus ne comptent plus que deux trentenaires et un gardien tout neuf – qui n’est pourtant pas le plus jeune de l’histoire.

5 minutes de lecture

Jeune garde

Ces jeunes seuls dans les bois

Raymond Domenech a sélectionné pour Suède-France deux gardiens qui n’avaient jamais débuté un match avec les Bleus et qui totalisaient avant le coup d’envoi quarante-quatre ans et une petite sélection, une demie même si on se souvient que Mandanda n’avait joué qu’une mi-temps pour ses débuts contre l’Équateur en mai dernier (où il remplaçait Sébastien Frey, titulaire pour la seconde fois).

Avant ce match (pour lequel Coupet n’a pas été retenu), il faut remonter à 2001 et la tournée en Corée pour retrouver pareille situation : à l’époque, Roger Lemerre avait emmené dans son groupe trois gardiens : le Bordelais Ramé (5 sélections), le Lyonnais Coupet et le Nantais Landreau (aucune).


Pierre Chayriguès, profession kamikaze

Le plus jeune gardien des Bleus, Pierre Chayriguès (19 ans, 5 mois et 28 jours), a fait une belle carrière au début du siècle dernier, avec 21 sélections entre 1911 et 1925. Il a signé le premier exploit de l’équipe de France en 1912, une victoire sur l’Italie à Turin (4-3) et a notamment participé aux JO de Paris en 1924 (7-0 contre la Lettonie, 1-5 contre l’Uruguay, futur champion olympique en 24 et en 28 et premier champion du monde en 1930).

Il a débuté au Club athlétique socialiste de Levallois et était le gardien du Red Star entre 1910 et 1925. C’est le premier gardien moderne, capable de sortir de ses cages pour plonger dans les pieds des adversaires, ce qui lui vaudra de nombreuses blessures, à une époque où les attaquants pouvaient charger les gardiens – et ne s’en privaient pas. C’est aussi le précurseur du professionnalisme, son transfert au Red Star ayant été chiffré à 500 francs-or de 1910. Il révélera en 1927 qu’il a toujours vécu de son sport à une époque où le football était encore officiellement amateur. Il a été sollicité par Tottenham en 1913, mais, selon Michel Oreggia [1], la législation anglaise du travail (où le professionnalisme était appliqué) et le service militaire ont empêché le transfert.

Un triplé de Pelé pour la première de Carnus

Vient ensuite Georges Carnus (20 ans et 8 mois) qui portera le maillot des Bleus 36 fois, ce qui le place devant Grégory Coupet (34) à la quatrième place des gardiens français (derrière le trio Barthez-Bats-Lama). Sa première sélection ne fut pas de tout repos puisque Pelé lui marqua trois buts (2-3) le 28 avril 1963 à Colombes. « Ça restera sûrement l’un des plus grands moments de ma carrière », déclara Carnus, pas rancunier, après le match.

Le troisième plus jeune gardien est Zacharie Baton, qui avait 20 ans en novembre 1906, mais sa date de naissance exacte est inconnue. C’est le cas de 22 des 72 gardiens de l’équipe de France. Pour huit d’entre eux, on ne dispose même pas de l’année de leur naissance.


Mandanda plus tard que Barthez

Les trois suivants sont Dominique Baratelli (21 ans, 1 mois, 24 sélections), Jean-Paul Bertrand-Demanes (21 ans, 5 mois, 11 sélections) et René Llense (21 ans, 7 mois, 11 sélections). Steve Mandanda avait pour sa part 23 ans, un mois et 29 jours en mai dernier contre l’Equateur, ce qui le situe à la quinzième place, après Fabien Barthez et avant René Charrier.
Fabien Barthez avait 22 ans et 10 mois quand il a fait ses débuts en mai 1994 contre l’Australie. Mais il dut attendre 13 matches et dix-huit mois pour connaître sa deuxième sélection (Roumanie, novembre 1995). Ce n’est qu’en mai 1998 qu’il fut définitivement titulaire. Barthez a débuté un peu plus tard que Mickaël Landreau (22 ans et 20 jours en 2001 contre le Mexique) mais bien plus jeune que Coupet (28 ans et 5 mois en 2001 contre l’Australie).

Parmi les débutants à plus de 29 ans, Bernard Lama est le seul à avoir fait une carrière conséquente, qu’il a achevée à plus de 37 ans. Avec 44 sélections, il est le troisième gardien le plus capé alors qu’il a été sélectionné moins de deux mois avant son trentième anniversaire.

Le poids du onze

La sélection de Domenech au coup d’envoi de Suède-France n’est pas la moins expérimentée qu’il ait alignée, car aucun des quatre joueurs qui auraient étrenné leur première sélection n’était titulaire à Göteborg. Yoann Gourcuff, 828e joueur de l’histoire des Bleus, n’aura eu droit qu’à quarante secondes dans le temps additionnel, ce qui est quand même cinq fois plus long que la carrière internationale de son coéquipier Franck Jurietti.

29 sélections de moyenne

Mais avec 319 sélections cumulées au coup d’envoi (29 de moyenne), ce onze de départ est l’un des moins « lourds » de l’ère Domenech [2]. 7 matches sont dans ce cas : le plus innovant est le France-Bosnie d’août 2004, le tout premier de Domenech sélectionneur, avec un total de 187 sélections à peine (17 de moyenne) dont près des trois-quarts étaient dues à Barthez (71) et à Henry (64).
Abidal, Squillaci, Evra et Mavuba avaient été titularisés pour leur première convocation. Sur les six autres matches à moins de 300 sélections, cinq se trouvent dans la première saison de Domenech, celle d’avant le retour de Zidane, Makelele et Thuram. Le sixième est le France-Autriche de mars 2007 qui a vu débuter Samir Nasri.

Le record à battre, et qui n’est pas près de tomber avec l’arrêt de Thuram, remonte au France-Suisse de l’Euro 2004, avec 712 sélections (un total qui aurait pu être largement dépassé si Desailly, 116 capes, n’avait pas cédé sa place au regretté Mikaël Silvestre, 33) suivi de près par Slovénie-France de septembre 2003 (711) et de France-Corée du Sud de juin 2006 (704). Le remplacement de Wiltord (82 sélections) par Ribéry (5) pour les cinq derniers matches de la Coupe du monde n’avait pas permis à Raymond Domenech d’aligner l’équipe la plus expérimentée de tous les temps.

Les sept plaies des Bleus

Avec cette victoire à Göteborg, les Bleus renouent avec une certaine efficacité offensive : la dernière fois qu’ils avaient marqué plus de deux buts, c’était contre les Féroé le 13 octobre 2007 (6-0). C’est aussi la date du dernier but de Benzema. Quant à la Suède, elle réussit bien à l’équipe de France, qu’elle n’a plus battue depuis 1969, série en cours. Enfin, les Bleus n’ont plus perdu pour leur premier match de la saison depuis le 26 août 1992 (0-2 contre le Brésil pour les débuts de Gérard Houllier).

Voilà de quoi atténuer quelque peu le souvenir d’un Euro 2008 qui restera dans l’histoire des Bleus comme une date charnière, celle où pas moins de sept séries d’envergure se sont arrêtées. Jetons un coup d’œil dans le rétroviseur, ne serait-ce que pour mesurer à quel point la période qui se termine a été exceptionnelle :

1.
Quand les Pays-Bas ont battu la France 4-1 à Berne, les Bleus n’avaient plus encaissé trois buts dans la même rencontre depuis 8 ans et 109 rencontres (2-3 contre... les Pays-Bas à Rotterdam en 2000).

2.
Ils n’avaient plus concédé quatre buts depuis 26 ans et 282 matches (0-4 contre la Pologne à Paris en 1982).

3.
Ils n’avaient plus perdu par trois buts d’écart en compétition depuis 40 ans et 387 matches (1-5 contre la Yougoslavie à Belgrade en 1968).

4.
Ils n’avaient plus été battus en phase finale par trois buts d’écart depuis 50 ans et 457 matches (2-5 contre le Brésil à Stockholm en 1958).

5.
La défaite contre l’Italie à Zürich a quant à elle mis un terme à 15 ans et 187 matches (2-3 contre Israël et 1-2 contre la Bulgarie à Paris en 1993) sans perdre deux fois d’affilée.

6.
Les Bleus n’avaient plus perdu deux matches consécutifs en phase finale depuis 30 ans (1-2 contre l’Italie et 1-2 contre l’Argentine en 1978).

7.
Enfin, la précédente défaite contre l’Italie (les matches de 1998 et 2006 terminés aux tirs au but sont comptabilisés comme nuls) remonte aussi à 30 ans (1-2 à Mar del Plata lors de la Coupe du monde 1978.

[1L’intégrale de l’équipe de France de football, First Editions, 1998

[2Le match contre la Suède est compté dans ce total, ce qui veut dire qu’un débutant titularisé compte une sélection

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Hommage à Pierre Cazal