C’est le genre de statistique que l’on oubliera certainement l’été prochain lorsque les Bleus seront dans le dernier carré de l’Euro, à Wembley : la Turquie a battu le champion du monde en titre sur l’ensemble des deux matchs en éliminatoires de l’Euro 2020. 2-0 à Konya en juin, 1-1 à Saint-Denis en octobre.
Est-ce rare à ce niveau de compétition ? Pour le savoir, j’ai épluché les résultats obtenus en 112 confrontations aller-retour que l’équipe de France a jouées depuis 1949, que ce soit pour des éliminatoires de la Coupe du monde (54), de l’Euro (56) ou de la Ligue des Nations (2).
La plupart du temps, l’équipe de France a remporté ces oppositions sur l’ensemble des deux matchs (88 fois). A 7 reprises, il y a eu égalité parfaite, même en tenant compte des buts marqués à l’extérieur. Et 17 fois, les Bleus ont été dominés comme contre la Turquie.
Dans ce cas, les éliminations sont plus fréquentes que les qualifications. Même si, on le verra plus loin, ces éliminations concernent surtout les périodes où il n’y avait qu’une place qualificative par groupe.
Quand la France fait jeu égal avec un adversaire en aller-retour, les conséquences sont moindres. Mais évidemment cette statistique ne dit rien des autres résultats du groupe.
En gras sont indiqués les cas ayant entraîné une élimination. L’astérisque indique les défaites à domicile.
2019 Turquie (0-2, 1-1)
2018 Pays-Bas (2-1, 0-2)
2012-13 Espagne (1-1, 0-1*)
2010-11 Biélorussie (0-1*, 1-1)
2006-07 Ecosse (0-1, 0-1*)
1994-95 Pologne (0-0, 1-1)
1992-93 Bulgarie (0-2, 1-2*)
1988-89 Yougoslavie (2-3, 0-0)
1986-87 RDA (0-0, 0-1*)
1987 Norvège (0-2, 1-1)
1986-87 URSS (0-2*, 1-1)
1984-85 Bulgarie (1-0, 0-2)
1981 Belgique (3-2, 0-2)
1979 Tchécoslovaquie (0-2, 2-1)
1974-75 Belgique (1-2, 0-0)
1974-75 RDA (2-2, 1-2)
1972-73 URSS (1-0, 0-2)
1972-73 Irlande (1-1, 1-2)
1971 Hongrie (1-1, 0-2*)
1968 Yougoslavie (1-1, 1-5)
1966-67 Belgique (1-2, 1-1)
1964 Hongrie (1-3*, 1-2)
Depuis 1996, un échec en aller-retour a moins de conséquences
Aucune époque n’est épargnée, sauf le tout début des années 2000, en se souvenant tout de même que les Bleus étaient qualifiés d’office pour la Coupe du monde 2002 (les derniers à bénéficier de ce privilège en tant que champion sortant). Mais autant, jusqu’en 1993, il fallait beaucoup de chance pour éviter une élimination après avoir perdu un aller-retour, autant depuis ça a moins de conséquences. Hormis bien sûr l’échec de 2018 contre les Pays-Bas dans un groupe à 3 en Ligue des Nations.
En 2013, la défaite en cumul contre l’Espagne a coûté la première place du groupe et entraîné un barrage périlleux contre l’Ukraine, mais en 2011, la Biélorussie n’a pas profité de ses bons résultats face aux Bleus, tout comme l’Ecosse en 2007 qui s’était offert le luxe de battre la France, vice-championne du monde, aussi bien à Glasgow qu’à Paris. Idem pour la Pologne en 1995, dépassée par la Roumanie et privée d’Euro anglais.
A l’époque où la Bulgarie prenait le dessus
Le seul autre cas de double défaite en éliminatoires remonte à 1992-93 où les hommes de Gérard Houllier s’étaient inclinés contre la Bulgarie à Sofia (0-2), puis un an plus tard à Paris (1-2). Même si c’est plutôt la défaite contre Israël qui a barré la route de la Coupe du monde 1994...
Les Bleus s’en étaient mieux sortis huit ans plus tôt : malgré un aller-retour perdant contre les Bulgares (1-0 puis 0-2), les champions d’Europe avaient éliminé la Yougoslavie et obtenu leur billet pour le Mexique. Même chose quatre ans plus tôt : dominés par les Belges (3-2 puis 0-2), ils avaient sorti les Néerlandais sur le fil.
La pire phase qualificative reste celle de 1986-1987 où l’équipe de France a terminé quatrième (sur cinq, devant l’Islande) en perdant ses confrontations contre l’URSS (0-2, 1-1), la RDA (0-0, 0-1) et même la Norvège (0-2, 1-1). Celle de 1974-75 n’est pas mal non plus, avec deux échecs contre la Belgique et la RDA, comme en 1972-73 (Irlande et URSS).
L’élargissement des phases finales a changé la donne
Le principe des phases éliminatoires (ou qualificatives, selon dans quelle moitié du verre on se place), c’est d’envoyer en phase finale l’équipe qui a terminé en tête de son groupe de cinq ou de six. Le sort de la deuxième étant lié à l’époque et au nombre de qualifiés à pourvoir. Dans les années 70 par exemple, la Coupe du monde n’était ouverte qu’à neuf sélections européennes, la dixième étant qualifiée d’office au titre soit de pays organisateur, soit de tenant du titre. Et comme les fédérations nationales n’étant qu’une trentaine, la zone Europe se composait de neuf groupes de trois ou quatre, et un seul qualifié par groupe. Quand il y a besoin d’une quinzaine de qualifiés, les seconds passent par un barrage.
Pour l’Euro, la phase qualificative avait pour rôle de sortir huit équipes jusqu’en 1992 [1], puis seize à partir de 1996 et enfin 24 depuis 2016. Et pour l’Euro 2020, les deux premiers de chaque groupe sont directement qualifiés pour la phase finale.
Cette dernière configuration est évidemment la plus favorable puisqu’elle laisse à l’un des favoris du groupe un joker. Le petit point pris (sur six possibles) face aux Turcs ne devrait pas avoir de conséquence fin novembre à l’issue des éliminatoires, même s’il coûtera peut-être aux Bleus la première place.