L’équipe de France a bien débuté sa première Coupe du monde en l’emportant 4-1 au stade Pocitos contre une équipe du Mexique assez faible. Deux jours plus tard, les Tricolores se rendent au Parque Central de Montevideo où ils sont attendus par un adversaire d’un tout autre calibre, l’Argentine.
Champions d’Amérique du Sud
Celle-ci a fait forte impression deux ans plus tôt lors des Jeux olympiques d’Amsterdam où elle démontra un féroce appétit offensif (25 buts en 5 rencontres) et ne fut battue par l’Uruguay qu’au terme d’une finale à rejouer. La sélection au curieux maillot ciel et blanc a également remporté en 1929 la Copa América, véritable championnat d’Amérique du Sud des nations.
L’Estadio Gran Parque Central est le stade du Nacional, le grand club de Montevideo. Construit dès 1900, c’est l’un des tous premiers stades d’Amérique du Sud. Il propose 20.000 places et l’équipe d’Uruguay y a élu domicile en attendant l’inauguration du Centenario, le grand stade construit pour cette Coupe du monde 1930.
Les joueurs qui s’opposent aux Français sont principalement de grands techniciens. Les Tricolores ont donc choisi comme stratégie d’imprimer un rythme d’enfer et une grande intensité physique. Les Argentins ne sont toutefois pas des enfants de chœur. Il en est un qui n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Lucien Laurent fait sa connaissance après deux minutes de jeu : Luis Monti, milieu de terrain de 29 ans, au style plutôt rugueux, administre une semelle qui oblige le buteur français à poursuivre la rencontre sérieusement diminué.
Favoris du public
Les Tricolores dominent territorialement les Argentins, avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils sont encouragés par une grande partie des 18.000 spectateurs présents. Les Argentins parviennent toutefois à se créer des occasions, mais le gardien Alex Thépot se montre impérial, malgré une douleur consécutive à sa blessure du premier match où il avait dû sortir après vingt minutes de jeu.
Plus le match avance, plus les Français commencent à ressentir la fatigue. Le onze de départ est le même que celui du match contre le Mexique deux jours plus tôt. De leur côté, les Argentins sont beaucoup plus frais, car ils disputent leur premier match. Le calendrier du tournoi n’est en effet pas aussi rigoureux que ceux que l’on connaîtra plus tard.
A dix minutes de la fin, à la suite d’une faute de Mattler sur un des frères Evaristo, l’arbitre accorde aux Argentins un coup franc à une trentaine de mètres des buts de Thépot. Les défenseurs français ne jugent pas utile de se regrouper en défense. L’inévitable Luis Monti envoie alors un tir titanesque qui finit dans les filets tricolores.
Six minutes trop tôt
Les Français se remettent à l’ouvrage pour tenter d’égaliser. Mais alors qu’ils se créent des occasions, l’arbitre brésilien Gilberto de Almeida Rêgo siffle la fin du match. C’est la confusion sur le terrain car il restait six bonnes minutes à jouer. Le public envahit la pelouse pour manifester son mécontentement et l’arbitre accepte finalement de faire revenir les joueurs sur le terrain pour finir le match.
Durant cette “prolongation”, les Français ne sont pas loin d’égaliser quand un tir de Delfour est repoussé par la barre transversale. Mais rien ne sera marqué et la victoire des Argentins sera validée. Le public uruguayen viendra porter les Français en triomphe, ajoutant un nouvel épisode à la saga des glorieux perdants, une véritable spécificité française inaugurée par le boxeur Georges Carpentier.
Le lendemain, L’Auto trouve une petite place à sa une pour consacrer quelques lignes au match honorable des Tricolores.
Perdants magnifiques
Cette défaite met l’équipe de France dans une position inconfortable d’autant que l’Argentine remportera ses deux autres rencontres alors que seul le premier du groupe est qualifié pour la suite du tournoi. Trois jours après l’Argentine, l’équipe tricolore s’inclinera 1-0 contre le Chili au Centenario. Elle n’en restera pas moins applaudie par le public uruguayen et sortira de sa première Coupe du monde plutôt satisfaite.
L’Argentine quant à elle poursuivra sa route jusqu’en finale où elle retrouvera l’Uruguay pour une revanche de la finale des Jeux olympiques. Mais la Celeste, à domicile, s’imposera de nouveau.
L’Estadio Gran Parque Central est resté le stade du Nacional Montevideo. Plusieurs fois rénové, la dernière fois en 2005, il peut accueillir aujourd’hui 34.000 spectateurs. On y trouve une plaque commémorant la rencontre États-Unis-Belgique du 13 juillet 1930, co-premier match de l’histoire de la Coupe du monde avec France-Mexique, mais aucune pour le France-Argentine du 15 juillet 1930, premier grand match de l’histoire de l’épreuve.
Argentine bat France 1-0
Buts : Monti (81’).
FRANCE : Thépot - Capelle, Mattler - Chantrel, Pinel, Villaplane (cap.) - Libérati, Delfour, Maschinot, L.Laurent, Langiller.
ARGENTINE : Bossio - Della Tore, Muttis - J.Evaristo, Monti, Arico Suárez - Perinetti, Varallo, Ferreira (cap.), Cerro, M.Evaristo.
Arbitre : Gilberto de Almeida Rêgo (Brésil) assisté de Ulises Saucedo (Bolivie) et Costel Rădulescu (Roumanie).
18.000 spectateurs
Joueur | Âge | Poste | Sél./total | Club | |
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Alexis Thépot | 24 ans | Gardien | 14/31 | Red Star | |
Marcel Capelle | 26 ans | Défenseur | 6/9 | RC Paris | |
Etienne Mattler | 25 ans | Défenseur | 3/46 | FC Sochaux | |
Augustin Chantrel | 22 ans | Demi | 10/15 | CASG | |
Marcel Pinel | 22 ans | Demi | 5/7 | Red Star | |
Alexandre Villaplane (cap.) | 26 ans | Demi | 24/25 | RC Paris | |
Ernest Liberati | 22 ans | Attaquant | 5/19 | Amiens AC | |
Edmond Delfour | 23 ans | Attaquant | 8/41 | Stade Français | |
André Maschinot | 27 ans | Attaquant | 5/5 | FC Sochaux | |
Lucien Laurent | 23 ans | Attaquant | 4/10 | CA Paris | |
Marcel Langiller | 22 ans | Attaquant | 10/30 | Excelsior Roubaix |