La première Coupe du monde organisée en juillet 1930 à Montevideo est l’occasion pour l’équipe de France de rencontrer trois adversaires inédits : le Mexique, l’Argentine et le Chili. Jusqu’alors, avant de débarquer à Montevideo, la France n’avait affronté qu’un seul adversaire latino-américain, l’Uruguay, à Colombes lors des Jeux olympiques de Paris en 1924. Partis à la Coupe du monde dans l’inconnu, les Français découvrent qu’ils sont à la hauteur du rendez-vous. Le public uruguayen est enthousiaste à leur égard, mais eux ignorent tout de leur troisième adversaire, le Chili.
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L’Auto du 19 juillet 1930 (BNF, Gallica)
Parent pauvre
Comme dans la plupart des pays sud-américains, ce sont les marins britanniques qui ont introduit le football au Chili à la fin du XIXe siècle. Le premier club est fondé en 1892 dans la ville portuaire de Valparaíso avant que la capitale Santiago ne voit fleurir de nombreuses équipes. La fédération est créée en 1895 et la sélection nationale dispute son premier match le 27 mai 1910 à Buenos Aires contre une équipe d’étudiants argentins.
Le Chili est alors un parent pauvre du football sud-américain. Sa sélection, qui évolue en maillot blanc et short bleu (elle adoptera son fameux maillot rouge en 1942), ne connaît sa première victoire qu’en 1926, après 32 rencontres infructueuses. Deux ans plus tard, elle fait partie des quatre équipes sud-américaines invitées au tournoi des Jeux olympiques d’Amsterdam. Dirigée par le sélectionneur anglais Frank Powell, la sélection andine tombe dès le tour préliminaire, battue 4-2 par le Portugal après avoir mené 2-0 à la demi-heure de jeu. Elle se distingue toutefois dans le tournoi de consolation où elle fait jeu égal avec l’équipe hôte après avoir battu le Mexique.
C’est ce même Mexique qui est son premier adversaire deux ans plus tard en Coupe du monde au Parque Central de Montevideo. Les Chiliens sont désormais dirigés par le jeune hongrois György Orth, qui était encore joueur de l’Olympique de Marseille un an plus tôt. Principalement composée de joueurs du club de Colo-Colo, l’équipe s’impose 3-0. Elle aborde donc avec confiance sa rencontre face aux Français trois jours plus tard, le 19 juillet 1930, dans un stade Centenario inauguré la veille.
Thépot repousse l’échéance
Il s’agit pour les joueurs français de leur troisième match et probablement du dernier puisque même une victoire ne leur permettrait pas de terminer en tête du groupe et d’accéder ainsi aux demi-finales. Après une première victoire contre le Mexique (4-1), les Tricolores ont livré un match homérique face à l’Argentine, qu’ils ont toutefois perdu (0-1) en encaissant un but de Monti en toute fin de match.
On imagine mal l’Argentine concéder des points lors de ses prochaines rencontres, c’est pourquoi les Français abordent la rencontre face aux Chiliens sans se faire d’illusions. L’équipe qui a disputé les deux premières rencontres est quelque peu modifiée du fait des blessures d’André Maschinot et de Lucien Laurent, qui sont remplacés par Célestin Delmer et Emile Veinante.
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L’Auto du 20 juillet 1930 (BNF, Gallica)
Si le rapport officiel de la FIFA indique une assistance de 2.000 spectateurs, l’envoyé spécial de L’Auto estime que 50.000 personnes occupent les tribunes. La rencontre se déroule sous une chaleur accablante, qui contraste avec le froid du premier match. Les Chiliens, beaucoup plus techniques, et probablement plus motivés, dominent les Français. Après une demi-heure de jeu, l’arbitre uruguayen Anibal Tejada accorde un pénalty contre les Français. C’est le premier penalty de l’histoire de la Coupe du monde. Mais l’attaquant Carlos Vidal voit son tir repoussé par Alex Thépot, qui confirme alors qu’il est bien l’un des meilleurs gardiens de son époque.
Une faible ligne d’attaquants
Le gardien breton ne pourra malheureusement rien après l’heure de jeu quand Guillermo « El Chato » Subiabre reprend de la tête un centre du capitaine Carlos Schneeberger. Thépot s’attendait à une reprise de Eberardo Villalobos ou de Vidal qui se trouvaient devant lui, mais a vu trop tardivement surgir l’attaquant de Colo-Colo sur le côté.
Ce sera le seul but de la rencontre. Avant même le match Argentine-Mexique (6-3), qui se dispute aussitôt après sur la pelouse du Centenario, et auquel les Tricolores assisteront, l’équipe de France est éliminée de la Coupe du monde.
L’événement ne fait guère la une de la presse française, plus préoccupée par la préparation des tennismen français pour la Coupe Davis et l’épilogue du Tour de France, dominé par André Leducq. L’Auto accorde un entrefilet dans le bas de sa première page, précisant que la défense française a fait un bon match, contrairement à “la ligne des attaquants, qui ne sut pas assez profiter des occasions qui lui furent offertes”.
Au Chili, la victoire contre les Français soulève un grand enthousiasme. Après deux victoires en deux rencontres, les chances de qualification restent intactes. Mais il lui reste à affronter l’Argentine qu’elle n’a jamais battu auparavant. La sélection chilienne s’inclinera logiquement contre son prestigieux voisin (1-3), lequel accédera à la finale de l’épreuve contre le pays hôte.
Chili bat France 1-0
Buts : Guillermo Subiabre Astorga (67’).
FRANCE : Thépot - Capelle, Mattler - Chantrel, Delmer, Villaplane (c) - Libérati, Delfour, Pinel, Veinante, Langiller.
CHILI : Cortés - Chaparro, Riveros - A. Torres, Saavedra, C. Torres - Ojeda, Subiabre, Villalobos, Vidal, Schneeberger (c).
Arbitre : Anibal Tejada (Uruguay) assisté de Domingo Lombardi (Uruguay) et Gilberto de Almeida Rêgo (Brésil).
2.000 spectateurs (selon le rapport de la FIFA).
Joueur | Âge | Poste | Sel./total | Club |
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Alexis Thépot | 24 ans | Gardien | 15/31 | Red Star |
Marcel Capelle | 26 ans | Défenseur | 7/9 | RC Paris |
Etienne Mattler | 25 ans | Défenseur | 4/46 | FC Sochaux |
Augustin Chantrel | 22 ans | Demi | 11/15 | CASG |
Marcel Pinel | 22 ans | Demi | 6/7 | Red Star |
Alexandre Villaplane (cap.) | 26 ans | Demi | 25/25 | RC Paris |
Célestin Delmer | 23 ans | Attaquant | 3/11 | Amiens AC |
Ernest Liberati | 22 ans | Attaquant | 6/19 | Amiens AC |
Edmond Delfour | 23 ans | Attaquant | 7/41 | Stade Français |
Marcel Langiller | 22 ans | Attaquant | 11/30 | Excelsior Roubaix |
Émile Veinante | 23 ans | Attaquant | 4/24 | RC Paris |