22 janvier 1939 : le premier France-Pologne

Publié le 2 décembre 2022 - Richard Coudrais

C’est le 22 janvier 1939 que les équipes de France et de Pologne se sont rencontrées pour la première fois. Quelques mois avant que le pays des adversaires se fasse envahir par l’armée allemande, plongeant le monde dans une nouvelle guerre mondiale.

3 minutes de lecture

L’équipe de France a peu joué depuis la fin de la Coupe du monde 1938. Elle n’a disputé qu’une seule rencontre en décembre à Naples face à ses bourreaux du quart de finale, les champions du monde italiens. Lorsque débute l’année 1939, elle invite un nouvel adversaire, la Pologne.

Baptêmes en France

Celle-ci n’est pas une nouvelle venue dans l’élite mondiale du football. Quand l’état polonais est devenu souverain, à la fin de la première guerre mondiale, il y a longtemps que l’on pratiquait le foot à Varsovie, à Lodz et à Cracovie. La fédération voit le jour en 1919 et le championnat national est créé dès 1921.

La sélection nationale est mise sur pied la même année, en décembre, précisément à Budapest où l’équipe de Hongrie lui inflige sa première défaite. C’est également la Hongrie qu’elle retrouve pour son premier match de compétition, en 1924 aux Jeux olympiques de Paris. Au Stade de Bergeyre, la sélection polonaise s’incline lourdement 5-0.

Quatorze ans plus tard, la Pologne est de retour en France pour son premier match de Coupe du monde, en 1938. Une rencontre disputée à Strasbourg et restée dans l’histoire pour son score ahurissant (6-5) et les quatre buts de son attaquant Ernest Wilimowski, qui n’auront pas suffi à faire plier le Brésil.

Onze héros de 1938

Cette rencontre de la Meinau est encore dans les mémoires le 22 janvier 1939 quand l’équipe de France accueille la sélection polonaise au Parc des Princes. Il s’agit déjà du 151ème match officiellement comptabilisé de l’équipe de France et du 80ème pour l’équipe polonaise.

Huit participants français à la Coupe du monde 1938 ont été rappelés, dont cinq qui ont disputé les deux rencontres : le capitaine Étienne Mattler, les demis Gusti Jordan et Oscar Heisserer, et les attaquants Fred Aston et Émile Veinante. Les trois autres ne sont jamais entrés en jeu : Le gardien René Llense et les défenseurs François Bourbotte et Jules Vandooren. Le reste de l’équipe est constitué de novices : Larbi Ben Barek est apparu lors du match de Naples un mois et demi plus tôt, alors que Roland Schmitt et Mario Zatelli, connaissent leur première sélection.

Côté polonais, le buteur-vedette Wilimowski est bien présent, tous comme cinq de ses coéquipiers héros malheureux de Strasbourg : le capitaine Władysław Szczepaniak, les demis Wilhelm Góra, Erwin Nyc et Ewald Dytko, et enfin les attaquants Leonard Piątek et Gerard Wodarz.

Malheureusement, ou plutôt heureusement pour les Tricolores, les joueurs polonais, probablement fatigués par le voyage, affichent une petite forme au Parc des Princes. Les joueurs français peuvent alors s’en donner à cœur joie, notamment le diabolique Larbi Ben Barek qui fait étalage de sa maestria technique, laquelle n’est pas loin de rappeler aux joueurs polonais celle du Brésilien Leonidas.

Étourdissant Ben Barek

La ligne d’attaque française fait preuve de cohésion. Il faut dire que quatre des cinq hommes qui la composent viennent du RC Paris. L’équipe de France ouvre le score après un quart d’heure de jeu par Emile Veinante qui reprend victorieusement un centre de Ben Barek. Juste avant la pause, Oscar Heisserer reprend un ballon mal dégagé par Krzyk, le gardien polonais, et double la mise. En seconde période, Emile Veinante inscrit son deuxième but de l’après-midi sur un corner qu’il tire et envoie dans le but polonais. En fin de rencontre, Larbi Ben Barek transperce la défense polonaise et donne le ballon à Mario Zatelli qui marque le quatrième but.

4-0, le score est sévère mais les témoins estiment qu’il aurait pu être pire : les Tricolores ont tiré 53 fois au but et le gardien Adolf Krzyk, hormis ses erreurs sur deux des buts, a réalisé une prestation remarquable. « Le gardien de but polonais enthousiasma par son courage et son brio » titrera L’Auto dans son édition du lendemain.

L'Auto du 23 janvier 1939 (Gallica)
L’Auto du 23 janvier 1939 (Gallica)

Le quotidien ne masquera d’ailleurs pas sa satisfaction : « 40.000 spectateurs déliraient d’enthousiasme au Parc des Princes » ; « La manière vaut plus encore que ce résultat écrasant » ; « Les joueurs polonais manquaient d’entrainement, mais il apparut que, même dans leur meilleure condition, ils auraient été battus ».

Le journal précise aussi que « avec un avant-centre plus réalisateur que Zatelli, la marque eût été encore plus forte ». Il est vrai que l’ancien Marseillais devenu Racingman a été très malheureux avant d’inscrire le quatrième but tricolore. Après avoir souvent ciré le banc de touche, Zatelli vivait enfin sa première sélection, grâce au forfait de Roger Courtois. Ce sera malheureusement pour lui la seule de sa carrière.

L’autre novice, le Sétois Roland Schmitt, aura à peine plus de chance, puisqu’il ne sera rappelé qu’une seule fois, durant la guerre. Dans les buts, le Stéphanois René Llense a connu une après-midi des plus tranquilles. Ce sera aussi sa dernière sélection.

Cette victoire lance l’équipe de France vers une dynamique positive. Les Tricolores disputeront trois autres matchs au cours de l’année et n’en perdront aucun. Lors du banquet d’après match, les deux fédérations se mettent d’accord pour un Pologne-France disputé en 1940 à Varsovie.

Paris, Parc des Princes, le dimanche 22 janvier 1939 à partir de 14h15
France bat Pologne 4-0
Buts : Veinante (16’), Heisserer (41’), Veinante (57’), Zatelli (70’).
FRANCE : Llense - Vandooren, Mattler (cap.) - Bourbotte, Jordan, Schmitt - Aston, Ben Barek, Zatelli, Heisserer, Veinante. Entraîneur : Gaston Barreau.
POLOGNE : Krzyk - Szczepaniak (cap.), Tworz - Góra, Nyc, Dytko - Wostal, Piątek, Matyas, Wilimowski, Wodarz.
Arbitre : Walter Jordan (Suisse)
35.000 spectateurs
JoueurÂgePosteSél./totalClub
René Llense 25 ans Gardien 11/11 AS Saint-Etienne
Jules Vandooren 30 ans Défenseur 16/22 Lille OSC
Étienne Mattler (cap.) 33 ans Défenseur 42/46 FC Sochaux
François Bourbotte 25 ans Demi 11/17 SC Fives
Auguste Jordan 29 ans Demi 7/16 RC Paris
Roland Schmitt 26 ans Demi 1/2 FC Sete
Alfred Aston 26 ans Attaquant 19/31 RC Paris
Larbi Ben Barek 21 ans Attaquant 2/17 Olympique de Marseille
Mario Zatelli 26 ans Attaquant 1/1 RC Paris
Oscar Heisserer 24 ans Attaquant 10/25 RC Paris
Émile Veinante 31 ans Attaquant 22/24 RC Paris

pour finir...

Sources : Les sites Sélection A, RSSSF, L’Équipe, Wikipédia et FFF + les ouvrages “L’intégrale de l’équipe de France de football” (First édition) de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia ; “La fabuleuse histoire du football” (Nathan) de Jacques Thibert et Jean-Philippe Rethacker ; « Bleus éphémères » (Hugo Sport) de Raphaël Perry.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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