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Le stade De Kuip est le dimanche 2 juillet 2000, le théâtre de la finale du Championnat d’Europe conjointement organisé par la Belgique et les Pays-Bas. Alors qu’ils sont encore menés 1-0 par l’Italie à la 90e minute, les hommes de Roger Lemerre réalisent un extraordinaire hold-up en égalisant dans les toutes dernières secondes du temps réglementaire.
Mieux, treize minutes plus tard, durant la prolongation, David Trezeguet inscrit le but de la victoire, un but en or pour les Français, un de plus. Le stade de Kuip de Rotterdam, ex-Stadion Feyenoord, devient un haut lieu du football français. Le premier stade à l’étranger où la France a conquis un titre majeur (si l’on excepte le Rose Bowl de Pasadena). Une belle revanche sur cette pelouse rotterdamoise qui n’a pas souvent souri aux Tricolores.
Une cuve sur le port
Au début des années 1930, alors qu’il devient l’un des clubs les plus populaires des Pays-Bas, le Feyenoord Rotterdam commence à se sentir un peu à l’étroit dans son petit stade de 12 000 places, De Kromme Zandweg, qu’il occupe depuis 1917.
Le président Leen van Zandvliet missionne donc le très réputé cabinet d’architectes Brinkman e Van der Vllugt pour mettre en oeuvre un stade de 60 000 places. Les créateurs s’inspirent de ce qui se fait de mieux à l’époque, le Arsenal Stadium de Highbury, récemment rénové et doté de tribunes à deux étages.
Le nouveau stade du Feyenoord est construit tout près du port, sur la rive gauche de la Nouvelle Meuse, le fleuve qui traverse Rotterdam. A la lisière des quartiers de Feijenoord et de IJsselmonde, l’enceinte est inaugurée le 27 mars 1937 par une rencontre opposant Feyenoord au K Beerschot VAC d’Anvers, un des grands club belges de l’époque. Le club néerlandais l’emporte 5-2 et le premier buteur est l’international Leen Vente.
Le Stadion Feyenoord est alors le plus grand stade des Pays-Bas et il abrite très vite les rencontres de la sélection orange. Il devient un stade très bouillant, le public de Rotterdam étant plus chaud que celui de la voisine Amsterdam. Le stade est rapidement affublé du surnom de De Kuip, que l’on peut traduire en Français par la cuvette ou la bassine.
Durant la guerre, le stade est miraculeusement épargné par les bombardements allemands de mai 1940. En novembre 1957, il s’équipe d’un éclairage, que l’on inaugure en invitant les Bolton Wanderers à une rencontre de prestige.
Le stade est devenu en 1989 l’antre de la finale de la Coupe des Pays-Bas. Il a également accueilli plusieurs finales européennes, dont celles de la Coupe des Champions en 1972 (victoire de l’Ajax sur l’Inter) et 1982 (victoire d’Aston Villa contre le Bayern).
Le stade, peu entretenu, subit une importante rénovation en 1994. Un nouveau toit couvre l’ensemble des tribunes, lesquelles deviennent toutes assises. La capacité est réduite à 51 000 places. A l’extérieur, face à une tribune latérale, un bâtiment est ajouté où se trouve le siège du club, son musée et un restaurant. C’est à cette occasion que le stade adopte comme nom officiel le surnom qu’il porte depuis de nombreuses années, De Kuip.
Depuis 1996 et l’émergence du Amsterdam Arena (55 000 places), le stade De Kuip, réduit à 47 500 places, n’est plus l’épicentre du football batave. Il reste toutefois le stade de la finale de l’Euro 2000 (et de quatre autres rencontres) conjointement organisé par la Belgique et les Pays-Bas.
Un jour, De Kuip, dans sa forme actuelle, disparaîtra. C’est en tout cas un projet qu’évoquent les dirigeants de Feyenoord qui souhaitent raser l’enceinte qui a fait leur histoire, de même qu’une grande partie du port, afin de faire place à un stade de 60 000 places au milieu d’un complexe commercial ultramoderne.
De Kuip et les infortunes bleues
L’équipe de France a découvert le Stadion Feyenoord en 1949. Précédemment, elle avait déjà joué à Rotterdam dès 1908, lors de son premier voyage aux Pays-Bas, où la sélection orange l’avait accueillie dans l’antique stade du Sparta, dans le quartier de Prinsenlaan.
La sélection française a ensuite plus souvent joué du côté d’Amsterdam. D’abord en 1923 au Sportpark De Toekomst, qui deviendra le centre de formation de l’Ajax. Les trois rencontres suivantes ont lieu au stade olympique d’Amsterdam, le tout premier étant d’ailleurs une rencontre des Jeux de 1928 face… à l’Italie. Par la suite, la France s’imposera deux fois à l’Olympisch Stadion face à la sélection néerlandaise en match amical : 5-4 en 1934 puis 3-2 en 1937. La musique sera toute autre au Stadion Feyenoord.
Le bilan tricolore à De Kuip est en effet assez déficitaire : quatre défaites pour sept rencontres, 5 buts inscrit, le double encaissé. Quelque soit la période, les Français ont eu leur lot d’infortunes. Dès le premier match en 1949, ils subissent la loi de Theo Timmermans, futur attaquant du Nîmes Olympique, qui signe trois buts en moins de trente minutes et contribue à la large victoire (4-1) des Bataves.
Ensuite, c’est une histoire de poteaux et de barres transversales qui repoussent les tentatives françaises et qui aboutissent aux pires défaites, celles subies après avoir dominé l’adversaire. En 1963, c’est une contre-attaque orange et un but surprise de Henk Groot dans le dernier quart d’heure, alors que Douis et Cossou ont touché du bois. En 1981, c’est un ballon qui rebondit sur l’épaule du gardien Dominique Dropsy et qui franchit la ligne, une mésaventure qui épargnera son vis à vis quand Didier Six enverra lui aussi son tir sur la barre.
Le miracle du 2 juillet
Heureusement viendra l’ère des victoires. Celle de novembre 1982 où les coéquipiers de Michel Platini viennent enfoncer un peu plus une sélection néerlandaise en plein renouvellement, avec de jeunes joueurs tels Ruud Gullit, Frank Rijkaard ou Wim Kieft. Les Français comptent pourtant quatre débutants dans leurs rangs, parmi lesquels Luis Fernandez.
Et puis celle du 2 juillet 2000, le miracle Wiltord et le but en or de Trezeguet, pour couronner un championnat d’Europe de toute beauté. Six des champions d’Europe reviendront moins de quatre ans plus tard au stade de Kuip pour une rencontre de préparation face aux Oranges : Fabien Barthez, Lilian Thuram, Marcel Desailly, Bixente Lizarazu, Thierry Henry et David Trezeguet rejoignent ainsi Maxime Bossis dans le cercle des Tricolores à avoir joué plus d’une fois au stade De Kuip.
Depuis, lorsqu’elle se rend aux Pays-Bas, l’équipe de France est souvent accueillie au Amsterdam Arena. Un match amical en mars 2016 (victoire 3-2) puis une rencontre qualificative pour la Coupe du Monde en octobre de la même année (victoire 1-0). Toutefois, elle reviendra à De Kuip en novembre 2018 dans le cadre de la toute nouvelle Ligue des Nations. Et y retrouvera ses vieux fantômes, les champions du monde étant surclassés par la jeune sélection orange de Wijnaldum et Menphis Depay.
Le bilan des Bleus au stade De Kuip
date | genre | adversaire | score | affluence |
---|---|---|---|---|
23/04/1949 | amical | Pays-Bas | 1-4 | 64 000 |
17/04/1963 | amical | Pays-Bas | 0-1 | 41 000 |
2/03/1981 | Eliminatoires Coupe du Monde | Pays-Bas | 0-1 | 58 000 |
10/11/1982 | amical | Pays-Bas | 2-1 | 9 693 |
2/07/2000 | Finale Euro 2000 | Italie | 2-1 | 48 200 |
31/03/2004 | amical | Pays-Bas | 0-0 | 52 000 |
16/11/2018 | Ligue des Nations | Pays-Bas | 0-2 | 48 000 |